Les dépenses publiques en faveur de la SNCF
Les administrations publiques ont versé 11,5 Md€ à la SNCF en 2017 (10,8 Md€ en 2016). En outre, les contributions de l’Etat et du régime général des salariés du secteur privé au financement de son régime spécial de sécurité sociale se sont élevées à 3,4 Md€ en 2017. En dépit de ces concours publics, la dette nette de la SNCF a fortement augmenté pour atteindre 54,5 Md€ à la fin de 2017, dont une petite partie est déjà incluse dans la dette publique au sens du traité de Maastricht. Les fonds propres du groupe SNCF sont très négatifs (- 5,9 Md€) et l’Etat devra tôt ou tard reprendre une partie de ses dettes ou le recapitaliser.
A) Les dépenses publiques en faveur de la SNCF hors régime social de ses agents : 11,5 Md€ en 2017
Ces dépenses sont recensées, avec des méthodologies différentes, dans le rapport annuel de la commission des comptes des transports de la Nation et dans le rapport financier de la SNCF. La version précédente de cette fiche s’appuyait sur les montants pour 2016 publiés dans le rapport de la commission des transports de juillet 2017. La présente version s’appuie sur le rapport financier de la SNCF pour 2017 qui est plus récent (février 2018) et dont les montants sont plus proches de ceux qui figurent dans le rapport de J.C. Spinetta de février 2018.
1)Les contributions aux charges de service public : 7,8 Md€ en 2017
La principale contribution des administrations publiques (5,0 Md€ en 2017) est constituée par « la vente de prestations de services ferroviaires » aux « autorités organisatrices » des transports régionaux (les régions et le syndicat des transports en Ile-de-France (STIF)[1]). Ces ventes de services apparaissent dans le rapport financier de la SCNF sous la dénomination « commandes publiques de prestations de services » et sont considérées par elle comme un élément de son chiffre d’affaires.
Elles ont cependant une nature très particulière qui les éloigne fortement d’opérations commerciales : les autorités organisatrices ont l’obligation d’acheter à la SNCF, qui est en situation de monopole, les services rendus par les trains express régionaux (TER) et le Transilien. Elles peuvent seulement modifier à la marge la nature des services proposées aux voyageurs et créer des tarifs sociaux, à leur charge.
Parmi les coûts facturés par la SNCF aux autorités organisatrices des transports figurent les péages dus par SNCF Mobilités à SNCF Réseau au titre de l’utilisation du réseau ferroviaire. Une partie de ces péages est toutefois pris en charge par l’Etat (1,8 Md€).
Celui-ci prend également en charge une partie des péages dus par les trains de fret (0,1 Md€). En outre, il « achète » à la SNCF les prestations des « trains d’équilibre du territoire » (0,3 Md€) et les subventionne (0,3 Md€), mais cette subvention est pour l’essentiel financée par une contribution de la SNCF. Il subventionne enfin certains tarifs sociaux et les déplacements des militaires (0,1 Md€).
Les dépenses des administrations publiques en faveur de la SNCF, hors subventions d’investissement, se sont élevés au total à 7,8 Md€ en 2017, après 7,7 Md€ en 2016 (7,5 Md€ selon le rapport de J.C. Spinetta).
Le rapport Spinetta note également que le besoin de financement de la SNCF est de 3 Md€ par an. Ce montant correspond à l’accroissement annuel de la dette de la SNCF et ne constitue pas un coût pour le contribuable tant que cette dette n’est pas reprise par l’Etat.
2)Les subventions d’investissement : 3,7 Md€ en 2017
Le rapport financier de la SNCF fait état de 3,7 Md€ de subventions d’investissement en 2017, sans distinguer le réseau et le matériel roulant (SNCF Mobilités), après 3,0 Md€ en 2016 (comme dans le rapport Spinetta).
Selon la Commission des comptes des transports, les subventions d’investissement versées par les administrations publiques à SNCF Mobilités pour le financement des matériels roulants se sont élevées à 1,5 Md€ en 2016 (0,5 Md€ pour l’Etat et 1,0 Md€ pour les régions et le STIF). Les subventions d’investissement versées à SNCF Réseau pour la modernisation et l’extension (nouvelles lignes à grande vitesse) du réseau ont représenté 1,6 Md€ (0,7 Md€ pour l’Etat[2] et 0,9 Md€ pour les régions et le STIF). Au total, les subventions d’investissement ont donc été de 3,1 Md€ en 2016 (1,2 Md€ pour l’Etat et 1,9 Md€ pour les régions et le STIF).
3)Le coût de la SNCF financé à hauteur de 47 % par l’impôt
Selon le rapport Spinetta, les charges d’exploitation de la SNCF sont de 14,5 Md€, les recettes apportées par ses clients de 8,7 Md€ et les contributions publiques à ces charges d’exploitation de 7,5 Md€ en 2016. Les investissements s’élèvent à 7,7 Md€ et sont couverts à hauteur de 3,0 Md€ par des subventions. Au total, le coût de la SNCF (22,2 Md€) est financé par des dépenses publiques et donc par des prélèvements obligatoires à hauteur de 10,5 Md€, soit de 47 %. Ces prélèvements sont des impôts d’Etat, des impôts locaux et le « versement transport » des entreprises aux autorités organisatrices. Les usagers ne payent que 39 % de ce coût, le solde étant financé par l’emprunt.
S’agissant des seuls trains régionaux, du Transilien et des trains Intercités, les usagers ne supportent que 25 % de leur coût selon la SNCF. Le rapport Spinetta note que 1,7 Md€ de dépenses publiques sont consacrées à des petites lignes où le trafic est très faible (2 % du trafic ferroviaire total).
B) Les contributions au financement du régime spécial de sécurité sociale des agents de la SNCF : 3,4 Md€ en 2017
Les développements suivants proviennent du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de septembre 2018.
Les agents de la SNCF ont un régime spécial de sécurité sociale qui a été réformé en 2008 pour l’aligner, partiellement, sur celui des fonctionnaires. Si le mode de calcul des pensions est le même que pour ces derniers (75 % du salaire hors primes des six derniers mois[3] pour une durée de cotisation équivalente à celle requise dans le secteur privé pour obtenir le « taux plein »), l’âge minimal de départ en retraite est calé sur celui des catégories dites « actives » et « super actives » de la fonction publique, soit respectivement 55 ans (tous les agents hors les conducteurs à la SNCF) et 50 ans (les agents de conduite). Cette limite d’âge doit être relevée de deux ans comme dans le secteur privé, mais avec un décalage de plusieurs générations. En matière d’assurance maladie, les agents de la SNCF bénéficient d’un service médical gratuit sans avance de frais.
Depuis 2007, ce régime spécial est géré par une caisse autonome de sécurité sociale, la « caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF ».
Sa branche maladie n’est plus distinguée dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. Les prestations et cotisations de droit commun sont intégrées à celles de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et il apparaît seulement que les prestations spécifiques (0,2 Md€) font l’objet d’une subvention d’équilibre de 0,1 Md€ du régime général.
Pour la branche retraite, le taux de cotisation salariale est de 8,5 % et le taux à la charge de l’employeur est, selon le rapport de la CCSS, la somme de deux composantes : la première (23,4 %) est « déterminé afin de couvrir, déduction faite du produit des cotisations salariales, le montant qui serait dû si les salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaires obligatoires ; la deuxième (13,2 %) est destinée à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial ».
Malgré cette contribution « forfaitaire » de la SNCF aux « droits spécifiques » de ses agents, l’Etat attribue au régime une subvention d’équilibre qui était de 3,3 Md€ en 2017.
Ces contributions de l’Etat et du régime général au régime spécial de la SNCF pourraient se justifier par la nécessité de compenser son déséquilibre démographique : environ 144 000 actifs pour 258 000 pensionnés. Cependant, ce déséquilibre démographique résulte pour partie de départs précoces.
Il reste que l’Etat et le régime général concourent pour 3,3 Md€ au financement de ce régime spécial de retraites dont les charges ont représenté 5,3 Md€ en 2017.
C) La dette de la SNCF : 54,5 Md€ fin 2017
Selon le rapport de 2008 de la Cour des comptes sur le réseau ferroviaire, la « dette ferroviaire » s’élevait à 35 Md€ en 1995, à 38 Md€ en 2000 et à 42 Md€ en 2005. Elle comprenait, après retraitement des créances et dettes réciproques, les dettes de la SNCF, de RFF et du « service annexe d’amortissement de la dette de la SNCF » (SAAD).
Ce dernier était un fonds qui n’avait aucune existence juridique et qui portait une dette de la SNCF de 8 Md€ que l’Etat s’était engagé en 1991 à amortir lui-même sans pour autant l’enregistrer dans ses comptes et que la SNCF ne voulait pas non plus comptabiliser puisque l’Etat s’était engagé à la rembourser.
Le passage de la SNCF aux normes comptables internationales et la décision prise par Eurostat d’intégrer ces 8 Md€ dans la dette publique au sens du traité de Maastricht, ce qui n’était pas le cas des dettes de la SNCF et de RFF, ont conduit l’Etat à reprendre formellement cette dette en 2007.
Comme pour toutes ses dettes, l’Etat la rembourse en empruntant à nouveau. On peut donc considérer que l’endettement consolidé de la SNCF et de RFF, et du groupe SNCF depuis la réforme de 2014 qui a placé les deux entreprises sous une même holding, doivent être majorés de 8 Md€ pour estimer la dette ferroviaire totale.
Selon un rapport du Sénat de 2011, dont les chiffres sont repris dans un rapport de la Cour des comptes de 2014 sur la grande vitesse ferroviaire, les dettes de la SNCF et de RFF totalisaient 36 Md€ en 2010, soit 44 Md€ avec la dette du SAAD reprise par l’Etat.
Le rapport financier du groupe SNCF fait enfin état d’un endettement financier net non courant de 54,5 Md€ au 31 décembre 2017 (dont 46,6 Md€ pour SNCF Réseau et 7,9 Md€ pour SNCF Mobilités), soit 62,5 Md€ pour la dette ferroviaire totale.
Il n’est pas certain que ces montants sur les années 1995 à 2015 soient totalement comparables car les méthodes comptables ont pu changer, mais les données comparables disponibles ne portent que sur deux années successives dans la mesure où les entreprises sont obligées de présenter un bilan retraité pour l’exercice précédent celui qui fait l’objet des comptes. Le rapport financier de la SNCF montre ainsi que l’endettement financier net non courant a augmenté de 2,2 Md€ de fin 2014 à fin 2015 puis de 4,2 Md€ de fin 2015 à fin 2016 et de 3,9 Md€ de fin 2016 à fin 2017 à méthodes constantes.
La forte hausse de la dette ferroviaire au cours des dernières années peut s’expliquer par des investissements plus importants que dans le passé avec notamment la construction de plusieurs lignes à grande vitesse en même temps et l’augmentation des travaux de régénération du réseau classique.
L’Etat devrait reprendre juridiquement 35 Md€ de dette de SNCF Réseau en deux temps : 2020 et 2022, mais le traitement statistique de la dette de la SNCF est indépendant de son statut juridique.
Une part minoritaire de la dette de SNCF Réseau était compris dans la dette publique au sens du traité de Maastricht jusqu’à septembre 2018 : les 8 Md€ de dettes du SAAD reprises par l’Etat et environ 10 Md€ de dettes de RFF qui ont été reclassés en dette des administrations publiques par l’Insee en 2014. En septembre 2018, l’Insee a décidé de classer SNCF Réseau dans les administrations publiques à partir de 2016. En conséquence, la dette publique à fin 2017 a été majorée de 39 Md€, qui s’ajoutent aux quelques 10 Md€ déjà intégrés.
D) Des fonds propres négatifs : – 5,9 Md€ fin 2017
Les capitaux propres de la SNCF à fin 2017 sont négatifs pour – 5,9 Md€. Cette situation résulte notamment d’une dépréciation de ses actifs en 2015 qui traduit leur manque structurel de rentabilité. La SNCF est donc insolvable, ses dettes étant supérieures de 5,9 Md€ à la valeur de ses actifs.
Une société se trouvant dans cette situation devrait restaurer ses fonds propres[4]. La SNCF n’y est pas obligée seulement parce que c’est un établissement public et parce que ce statut lui permet de bénéficier d’une garantie implicite de l’Etat qui convainc ses créanciers de continuer à lui prêter. Toutefois, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré dans un arrêt du 3 avril 2014 relatif à La Poste que cette garantie implicite associée au statut d’EPIC constitue une aide d’Etat non conforme au droit européen de la concurrence.
Certes, c’est SNCF Réseau qui a des capitaux propres négatifs alors que c’est SNCF Mobilités qui est en concurrence et ne peut pas recevoir d’aides d’Etat, sauf autorisation de la Commission européenne. Mais ce partage des fonds propres du groupe est très conventionnel car il dépend surtout des péages versés par SNCF mobilités à SNCF Réseau. Celui-ci est en déficit parce que ces péages sont insuffisants pour couvrir les charges du réseau.
En tout état de cause et quelle que soit la situation au regard du droit européen de la concurrence, les fonds propres négatifs de la SNCF traduisent le fait qu’elle est incapable de rembourser ses dettes et que l’Etat devra tôt ou tard en reprendre une partie ou restaurer ses fonds propres.
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[1] Désormais Ile-de-France Mobilités.
[2] Certaines des subventions d’investissement de l’Etat transitent par « l’agence de financement des infrastructures de transport de France » (AFITF).
[3] Mais les fonctionnaires n’ont pas de retraite complémentaire. Ce taux se compare donc à un taux de remplacement dans le secteur privé qui est aussi de l’ordre de 75 % avec les retraites complémentaires.
[4] Si les fonds propres d’une société sont inférieurs à la moitié de son capital social, elle a deux ans pour les relever au niveau du capital social et éviter ainsi qu’une personne intéressée demande sa dissolution au tribunal de commerce.
Source : FIPECO
Anonyme
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