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Les Etats-Unis, alliés ou adversaires ?



Les relations entre la France, les pays européens et les Etats-Unis n’ont jamais été un long fleuve tranquille. Il n’est d’ailleurs pas avéré que la « relation spéciale » que le Royaume-Uni pense avoir avec son ancienne colonie américaine soit sans heurts ni acrimonie et frustration rentrée à Londres
S’agissant de la France, les tensions entre le général de Gaulle et le Président Roosevelt sont bien connues et ont largement concouru à une incompréhension réciproque. Il est vrai que la volonté de D. Roosevelt d’administrer la France libérée comme l’Allemagne nazie vaincue avec le fameux Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT) était à cent lieues de la volonté de de Gaulle de restaurer la France dans sa pleine souveraineté.
Par la suite, la décision du Président de Gaulle de doter la France d’une force de frappe nucléaire suscita, sinon l’hostilité de Washington, du moins de sérieuses réserves.
A l’époque néanmoins, dans l’esprit de nombreux Français, l’Amérique a « la cote » : son dynamisme économique, son mode de vie, les nouvelles expériences sociétales emportent l’adhésion de nombreuses catégories de la population, à la fois dans les milieux libéraux et chez les jeunes générations désireuses de briser certains codes de la société.
Aujourd’hui l’incompréhension, voire l’hostilité prévalent face à une Amérique qui apparaît comme sûre d’elle-même et dominatrice. Washington agit unilatéralement et veut imposer au monde ses décisions, comme le montre le Président Trump en annonçant, notamment, le retrait des Etats-Unis de l’accord nucléaire de juillet 2015 avec l’Iran.
L’attitude des Etats-Unis met la France au pied du mur car elle heurte non seulement directement ses intérêts économiques et politiques mais surtout elle va à l’encontre de ses conceptions sur l’organisation de la société internationale.
Dans ces conditions comment faire face aux décisions unilatérales américaines et ne pas être entrainé malgré soi dans le processus voulu par Washington ?
Pour relever ce défi, il convient de bien connaître l’esprit américain et les ressorts de sa diplomatie ; pour avoir vécu à plusieurs reprises, dans des négociations avec les Américains, des affrontements justement sur les effets de leurs lois extraterritoriales, les choses sont assez simples et sans surprise : les Américains ne respectent que ceux qui sont capables de leur dire NON !
C’est bien en ayant à l’esprit cet aspect de la politique américaine que l’on doit construire la réponse appropriée au Président Trump.
Cette réponse doit s’articuler selon deux lignes de force principales :
-1) Quel type de relations diplomatiques la France doit entretenir avec les Etats-Unis ?
-2) Comment faire face aux sanctions extraterritoriales de l’Amérique Impériale ?
-1 ) Le premier point sur le type de relations diplomatiques que la France doit entretenir se résume simplement par la phrase de de Gaulle  » Les Etats n’ont pas d’amis « .
Les Etats n’ont pas d’amis signifie que chacun doit prendre en compte que toute concession lâchée sera engrangée par l’autre comme un ralliement à ses positions ; cela signifie qu’une seule règle doit prévaloir, la prudence, et qu’il faut se garder de prendre des décisions dans l’immédiateté et l’euphorie des banquets, même d’Etat …
C’est là une évidence qu’Emmanuel Macron a visiblement perdu de vue lors de sa visite à Washington le 23 avril dernier.
La visite d’Etat du Président français à Washington a frisé le ridicule, émaillée d’embrassades, d’étreintes avec le Président Trump, lequel l’a même pris par la main comme s’il conduisait à l’école son enfant. Simagrées bien loin de la solennité d’une visite d’Etat !
Les médias américains ont utilisé, pour décrire cette relation étonnante, le concept de  » bromance » , forgé à partir de  » brother  » (frère), et de  » romance  » , qui dépeint l’amitié entre deux « frères » ; c’est sans commentaire !
En un mot E. Macron n’a pas tenu le rang de la France.
-2 ) L’Amérique impériale : quelle réponse aux menaces de sanctions ?
En annonçant le retrait des Etats-Unis de l’accord nucléaire avec l’Iran, le Président Trump a également signifié le maintien et la reprise des sanctions contre toutes les sociétés qui oseraient continuer à prospecter le marché iranien.
La prétention américaine n’est pas nouvelle, certes, mais ces dernières années et notamment avec F. Hollande, se sont manifestés tous les stigmates de la résignation qui frôle la lâcheté face aux diktats de Washington.
En effet, les Etats-Unis se sont dotés d’une série de lois à portée extraterritoriale dont les effets ont directement frappé nombre d’entreprises françaises et européennes :
– Les lois Helms-Burton et Amato-Kennedy pour sanctionner les  » violations  » d’embargo ; c’est en application de cette loi que la BNP a dû payer une amende de 8, 974 milliards de dollars pour avoir enfreint l’embargo sur Cuba, ce qui est proprement scandaleux !
– la loi Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) qui réprime les pratiques de corruption. Cette loi a été reprise par la Convention OCDE du 21 Novembre 1997 dont l’article 4 donne une compétence de juridiction particulièrement extensive à un Etat pour justifier des poursuites devant ses tribunaux.
C’est en application de cette loi qu’Alstom a dû payer une amende de 772 millions de dollars et que ce fleuron de notre industrie est passé sous le contrôle de General Electric.
– La loi Foreign Account Tax Compliance Act du 18 Mars 2010 (FATCA) qui oblige tout américain, même né accidentellement aux Etats-Unis, à déclarer ses revenus au fisc américain. C’est le cas d’un enfant qui, né par exemple à Washington, aurait quitté les Etats-Unis à un mois : bien que n’ayant plus aucun lien avec ce pays, il est toujours considéré par les Etats-Unis comme citoyen américain et doit déclarer ses revenus au fisc américain, sic !
Outre ces lois, il existe encore des initiatives privées qui menacent de lancer des procédures judiciaires aux Etats-Unis contre les sociétés européennes qui commercent avec l’Iran : ainsi de l’association  » United against Nuclear Iran « . Plusieurs entreprises françaises ont reçu des courriers de menaces.
Pour ma part, j’ai toujours estimé que les Américains ne comprenaient et ne respectaient que ceux qui leur disent NON !
Il est vain de croire que l’on puisse trouver des solutions de temporisation avec leur conception extraterritoriale du droit américain, utilisée à des fins de politique étrangère et géostratégique.
Pis encore, quémander des exemptions de sanctions pour nos sociétés est voué à l’échec car cela nécessiterait un aval législatif du Congrès qui est plus qu’improbable !
La seule solution est celle des contre-mesures ou rétorsions, pour ne pas parler de représailles.
Dans le années 1980, la France s’est opposée avec succès à des décisions américaines extraterritoriales ; c’est d’abord une question de volonté politique.
La France se doit de prendre des contre-mesures ; mais elle doit le faire sur des bases nationales sans attendre un accord préalable des Etats européens, au risque d’attendre longtemps tel Godot …
En revanche, si la France prend l’initiative de contre-mesures, il est certain que d’autres Européens suivront.
A ce titre, la France dispose de la possibilité d’enjoindre, par voie de réquisition, aux sociétés françaises de poursuivre leurs relations en Iran. C’est ce que fit le gouvernement français en 1981 pour contrer l’embargo américain visant à empêcher la livraison de compresseurs pour le gazoduc d’Ourengoï. Cette réquisition a été considérée par la Justice américaine comme une excuse légale.
En outre, la France peut contraindre à un arbitrage interétatique les Etats au motif que ses décisions d’embargo sont contraires au droit international.
Rien ne l’empêche non plus de poursuivre pour abus de position dominante des sociétés américaines comme les GAFAM, ainsi que la banque américaine Goldman Sachs qui a aidé la Grèce à maquiller ses comptes, au détriment de tous les autres Etats européens membres de la zone euro.
Il est vrai que, pour agir en ce sens, il ne faut pas être benoîtement atlantiste : c’est le seul hic !
La réciprocité est le fondement de la sagesse en matière de relations internationales, il est grand temps que Donald Trump l’apprenne, même à ses dépens !
Jacques MYARD
Membre Honoraire du Parlement
Maire de Maisons-Laffitte
Président du Cercle Nation et République

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