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Les explications de Mélody Mock-Gruet sur la future composition de la XVIIème législature

Note relative à la future composition de la XVIIème législature 

Préalable :

– Quel que soit le résultat du 7 juillet 2024, le périmètre des prérogatives présidentielles va bouger, la dissolution ayant eu un impact sur les rapports de forces entre le Président de la République et l’Assemblée nationale.

– La crise politique et institutionnelle que nous vivons nous rappelle la nature même de notre régime que nous avions tendance à oublier avec un fait majoritaire fort : un régime parlementaire à tendance présidentielle en cas de fait majoritaire et non un régime présidentiel à tendance parlementaire.

– La majorité absolue est de 289 députés.

– Aucune dissolution n’est possible avant le 8 juillet 2025 (article 12 de la Constitution).

– La nouvelle législature est en capacité juridique de renverser le gouvernement.

– Les différents sondages donnent souvent des résultats similaires : 

·      Entre 220 et 260 députés RN

·      Entre 150 et 200 députés NFP

·      Entre 70 et 130 députés Ensemble

·      Entre 30 et 50 députés LR

Ø  On peut remarquer que les variations sont assez grandes en réalité. 

Ø  En outre, ces résultats risquent d’être assez inexacts. On ne peut pas calquer la méthode des sondages de élections européennes, un suffrage universel direct à un tour avec un scrutin proportionnel plurinominal, avec le mode de scrutin majoritaire à deux tours des élections législatives. Il y aura nécessairement des surprises en fonction des duels (voire triangulaires). Cela avait été déjà le cas en 2017 et en 2022.

Quelques chiffres :

– 4011 candidats pour ces élections législatives ( 6 290 en 2022)

– Environ 7 candidats par circonscription en moyenne (11 en 2022)

– 41% de femmes et 59% d’hommes (en 2022 :44% de femmes et 56% d’hommes)

– Une participation record est attendue (62% selon un sondage IFOP du 22 juin 2024, contre 48% en 2022)

– 26% considèrent que leur choix de candidat peut encore changer (Ipsos, 22 juin 2024)

Comme tout est possible le 7 juillet 2024 (même si certains scénarii sont plus probables que d’autres), nous allons envisager les différentes compositions imaginables :

En réalité un seul parti ayant la majorité absolue est assez exceptionnel (1968, 2002, 2007, et 2017). Dans la plupart d’autres cas, ce sont des coalitions de plusieurs partis qui ont permis d’atteindre la majorité absolue. On a également pu remarquer en 2022, qu’une majorité relative pouvait permettre de gouverner. Des textes de lois (projets et propositions) ont été votés et les textes budgétaires ont pu être adoptés grâce à l’engagement de la responsabilité du gouvernement (article 49 al.3 de la Constitution).

1.     Un parti majoritaire tout seul  

-289 députés : c’est le nombre nécessaire à un parti pour avoir la majorité absolue à l’AN et ne pas avoir à gouverner avec d’autres groupes. 

-Si une autre formation que Renaissance franchit ce seuil, alors se mettrait en place une cohabitation. Emmanuel Macron serait à la tête d’un pays dont le gouvernement aurait la couleur du groupe majoritaire de l’Assemblée nationale et qui ne sera pas la celle du Président de la République.

-La seule formation politique aujourd’hui à pouvoir être dans cette situation semble à l’heure actuelle être le RN. Cela serait sans conteste un séisme politique. Jordan Bardella (ayant été désigné par le RN et Marine Le Pen) devrait alors être nommé Premier Ministre par le Président de la République (article 8 de la Constitution) pour conduire la politique de la nation (article 20). Le Président resterait garant des institutions (article 5).

-Il y a eu 3 cohabitations, toutes assez différentes dans leur mise en œuvre et l’interprétation qu’elles ont pu avoir de la Constitution. La dernière cohabitation remonte à la période1997-2002 : le socialiste Lionel Jospin était devenu le PM de Jacques Chirac.

2.     Une majorité par coalition entre différents partis

  La coalition du bloc central : c’est l’arc républicain proposé par Renaissance à d’autres partis (LR, PS). Mais Renaissance a déjà des partenaires MODEM et HORIZONS (qui ont pu mettre des candidats face à des députés sortants LR ou PS, ce qui ne va pas apaiser les tensions). Il faudrait alors un gouvernement politique qui reprenne toutes les sensibilités, le jeu des nominations ministérielles et des postes à l’Assemblée nationale ayant son importance. Il faudrait également trouver une figure rassembleuse, qui fasse consensus. Pour l’instant, elle n’a pas pleinement émergé, même si Gabriel Attal et Edouard Philippe ont proposé de construire cette alternative. Dans tous les cas, le Président de la République ne sera plus dans la situation d’un Président fort. N’étant clairement plus le chef de la majorité, il aura affaire à une coalition fragile et ne pourra plus exercer les fonctions présidentielles comme il l’a fait jusqu’à aujourd’hui. Il suffirait du départ d’une seule composante de la coalition pour qu’elle s’effondre.

  L’alliance des droites extrêmes : Éric Ciotti a annoncé vouloir avoir son propre groupe à l’Assemblée nationale, et pourrait permettre l’appoint nécessaire à une majorité absolue pour le RN. Cela permettrait à un petit groupe une sur-représentation (par rapport à leur nombre) dans les instances gouvernementales et les postes clés de l’Assemblée nationale. Marion Maréchal a déjà appelé le soir de la dissolution à la formation d’un bloc national. Nous serons donc dans le cas d’une cohabitation avec des pouvoirs restreints du Président de la République, mais non sans pouvoirs.

  L’alliance du Nouveau Front Populaire : les derniers sondages montrent une dynamique. Mais nous avons pu voir avec la NUPES que les dissensions politiques sur certains sujets sont plus importantes qu’il n’y parait. L’alliance politique pourrait être bien plus fragile que l’alliance électorale pour se répartir les circonscriptions et permettent à chaque parti d’avoir des candidats et des financements. Pour rappel, chaque parti reçoit 1,64€ par voix et par an pendant cinq ans à condition de récolter au moins 1% des suffrages dans au moins 50 circonscriptions. Et ce même si aucun candidat ne parvient à être élu. L’entente était déjà fragile à la fin de la XVIème législature, la stratégie des LFI montrant ses limites, ainsi que des positions parfois très différentes de celles de ses alliés. La question également se pose concernant le Premier Ministre : qui représenterait l’alliance ? Jean-Luc Mélenchon, même s’il a expliqué qu’il ne serait pas un problème, se positionne comme le leader naturel, pourtant rejeté par la plupart de ses partenaires. Ce n’est d’ailleurs pas lui qui était à l’origine de l’appel de ce rassemblement, mais François Ruffin. Cette alliance risque également d’être fragile, une seule des composantes, voire quelques députés dissidents pouvant la faire disparaitre.

3.     Aucune majorité 

  3 blocs, une Assemblée ingérable, une France ingouvernable ? Le gouvernement doit avoir la confiance de l’AN (même si le vote de confiance n’est pas obligatoire). La menace de la motion de censure serait alors permanente. On a vu qu’elle était déjà présente lors d’une majorité relative. Dans ce cas, la France pourrait être ingouvernable, les motions de censure, empêchant le gouvernement d’effectuer son travail, voire de se constituer, une motion étant votée dans les trois jours après chaque nomination d’un gouvernement. Sachant que le nombre de motions de censure spontanées est limité, il faudra tout de même une bonne organisation et une anticipation de chaque bloc pour pouvoir y arriver pendant un an. 

  Le choix d’un gouvernement de techniciens pourrait permettre de tempérer pendant un certain temps. 

Ø  L’exemple le plus connu est celui de Mario Draghi (l’Italie en a d’ailleurs connu plusieurs, dont dès 1992 avec le gouvernement Amato). 

Ø  L’idée serait de nommer un gouvernement d’expert non affilié à une formation politique, option que la Vème République n’aurait pas encore connu. Ce gouvernement ne tiendrait pas son mandat de l’Assemblée. 

Ø  Il serait tout d’abord difficile à constituer : qui pour prendre la tête de ce gouvernement ? Il faudrait un expert ou un haut fonctionnaire qui soit accepté par une majorité de l’Assemblée. 

Ø  Ce gouvernement ne pourra pas mettre en place de grandes réformes : il devrait juste s’occuper des affaires courantes (comme le budget qui peut passer par ordonnance s’il n’est pas voté). La réforme des retraites nous a permis de nous familiariser avec à l’application et l’interprétation de l’article 47-1 de la Constitution. Dans ce cas-ci, l’article 47 de la Constitution serait un point central.

Ø  Enfin ce gouvernement sera soumis en permanence à la menace de la motion de censure. 

·      Pour rappel il existe 2 types de motions de censure : la motion de censure spontanée et la motion de censure provoquée suite à l’application de l’article 49 al3 de la Constitution. 

·      Concernant la motion de censure spontanée, elle n’est liée à aucun texte particulier, mais à la politique générale du gouvernement. Elle peut être déposée par 58 députés à tout moment, afin de renverser le gouvernement. Elle subit toutefois une limitation particulière : un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure spontanées au cours d’une même session ordinaire et de plus d’une au cours d’une même session extraordinaire. C’est la seule motion qui ait reçue un vote favorable sous la Vème République. En théorie, si le NPF ou les députés RN ne signent pas d’un seul bloc chaque motion, il peut y avoir beaucoup plus de 6 de motions de censure spontanée. Elles peuvent être déposées dès le début de la session.

·      Concernant le maintien de ce gouvernement technique, tout dépendra de la stratégie des blocs. Il est presque devenu une coutume que dès qu’un gouvernement fait une déclaration de politique générale (qui n’a pas besoin d’un vote confiance), une motion spontanée est déposée par le groupe LFI. En revanche, cette fois-ci, la stratégie du RN pourrait être différente. Ils pourraient tout simplement s’abstenir, pour montrer qu’ils sont responsables et attendent une ligne rouge pour la voter avec LFI. Le RN poursuivrait alors la stratégie de normalisation et de responsabilisation, pour prouver sa capacité à exercer le pouvoir et ne déclencherait « l’arme nucléaire » de la motion de censure, que lorsque la situation lui conviendrait. Alors, il se pourrait même que le NPF soit dans l’obligation de voter avec le RN lors du dépôt d’une de ses motions, ce qui ne s’est pas pour l’instant jamais vu.

Ø  Dans les différents cas de figures, on voit mal comment le gouvernement de techniciens arrive à se maintenir pendant 3 ans. Peut-être un an jusqu’à la prochaine dissolution… sachant que le budget qui a lieu en automne sera nécessairement un passage compliqué.

Conclusion : 

Quelques soient les configurations de l’Assemblée nationale, il semblerait que la Constitution de la Vème République soit assez souple pour survivre à ces circonstances complexes. Les institutions sont plus solides qu’il n’y parait, même confrontées à cet exercice expérimental. Même si les pouvoirs sont définis, et que les jeux de pouvoir pourront faire bouger des lignes, le cadre constitutionnel et parlementaire peut tenir. Il reste en revanche une autre inconnue dans l’équation : la capacité de la population à accepter la situation, pouvant se mobiliser contre le nouveau pouvoir en place et dans ce cas faire vaciller les institutions.

Si la fonction législative de l’Assemblée et du Sénat est généralement bien connue du grand public, leur mission de contrôle et d’évaluation des politiques publiques l’est moins. L’idée que le Parlement n’aurait pas les moyens d’exercer ce rôle demeure. Ainsi, malgré les progrès constatés, la « culture du contrôle » n’est pas encore pleinement intégrée dans les mœurs.

Inscrite dans la Constitution, elle est pourtant essentielle dans un État de droit. Devenu un véritable contre-pouvoir, le contrôle parlementaire ne se résume plus à renverser le Gouvernement mais bien à analyser les situations, identifier les difficultés, discuter et vérifier l’activité gouvernementale, afin de lui demander des comptes. 

Volontairement tourné vers la pratique, l’ouvrage décrypte le contrôle afin de permettre à tous de se saisir des enjeux techniques et politiques qu’implique ce pouvoir. Chaque chapitre est consacré à un outil de contrôle, avec à chaque fois un « bon à savoir ». Protéiformes et en constante évolution, ces instruments contribuent aujourd’hui plus que jamais à la qualité des débats parlementaires et des décisions politiques, méritant l’attention de tous ceux qui s’intéressent à la bonne santé démocratique du pays.

Le Petit Guide du Contrôle Parlementaire

de Mélody Mock-Gruet et Hortense de Padirac 

paru le 17 octobre 2023 aux éditions L’Harmattan

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