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« L’euro, notre force dans un monde incertain »François Villeroy de Galhau

 

Il y a 25 ans jour pour jour la France signait le traité de Maastricht. En février 2017, les Français s’inquiètent légitimement d’un monde incertain qui bouscule nos repères. D’une date à l’autre, l’euro est devenu plus que notre monnaie : face à la montée des inquiétudes, un socle de stabilité et un patrimoine collectif qui est notre force. La Banque de France, avec ses partenaires au sein de l’Eurosystème, a une responsabilité particulière dans sa préservation. En toute indépendance et sans nous voiler la face sur les questions que suscite l’avenir de l’Europe. Mais devant l’euroscepticisme et le cas extrême du Brexit, montrons-nous déterminés sur ce qu’il nous reste à faire, demain, ensemble.

Maastricht et l’euro s’inscrivent d’abord dans un élan historique, unique au monde, visant à passer de la guerre à la paix. Cet élan n’a, malheureusement, rien perdu de son actualité. Notre euro n’est pas un carcan imposé ou une utopie technocratique : c’est une décision démocratique et une monnaie toujours soutenue, à l’expérience, par une nette majorité des peuples.

L’attachement des 340 millions de citoyens de la zone euro à leur monnaie reste élevé : 70 % la soutiennent, soit le plus haut niveau depuis 2008. Et, en France, les soutiens sont aussi très majoritaires, à 68 %. Car, au-delà de ses fondations politiques, l’édifice a aussi de solides charpentes économiques. Notre monnaie, ce sont ainsi deux paires de clés majeures : la solidité et donc la confiance, l’unité et donc la souveraineté.

La solidité de l’euro, c’est d’abord un pouvoir d’achat mieux protégé, parce qu’une assurance de stabilité des prix. Depuis 1999, l’Eurosystème s’est employé avec succès à maintenir en moyenne une inflation légèrement inférieure à 2 % par an. Et l’inflation maîtrisée, avec une monnaie de confiance, cela veut dire pour les Français la préservation de leur épargne, de leurs retraites, de la valeur de leurs biens. La convergence européenne a aussi permis des taux d’intérêt plus faibles, d’au moins 1,5 % en France. Tous les acteurs en bénéficient : les ménages, lorsqu’ils achètent un bien immobilier, les entreprises qui investissent, mais aussi les États quand ils empruntent et donc les contribuables. Vouloir sortir de l’euro et dévaluer notre monnaie pour être libre de faire plus de déficit, ce serait oublier que le financement de la dette française coûterait nettement plus cher : plus de 30 milliards d’euros par an à terme.

L’unité, c’est d’abord celle d’un grand marché intérieur, protégé des fluctuations des changes : pour beaucoup de nos entreprises, leur marché domestique s’est élargi des frontières nationales à toute la zone euro. L’unité c’est, plus encore, ce qui permet à notre monnaie de compter au plan international. L’euro représente 20 % des réserves mondiales, au deuxième rang derrière le dollar. L’unité c’est, sur une scène financière mondiale très agitée, notre meilleure chance de peser, ce qu’aucun de nos pays ne pourrait faire séparément. Quand le Président de la BCE – hier Jean-Claude Trichet, aujourd’hui Mario Draghi – parle en notre nom collectif, le monde entier écoute l’Europe. Apprécions pleinement cet acquis unique de souveraineté européenne.

L’euro, ce n’est ni l’ennemi de la croissance – en 2016 la croissance de la zone euro, à 1,7 %, a été légèrement supérieure à la croissance américaine – ni une assurance tout risque. Parce que nous voyons les défis de la France, nous tendons à ignorer les succès de nos partenaires dans l’euro : certains ont aujourd’hui parmi les croissances les plus fortes des économies développées – l’Espagne ou l’Irlande -, plusieurs sont au plein emploi – dont l’Allemagne et l’Autriche -, les pays nordiques excellent en éducation et innovation. Si la France connaît un retard relatif de croissance, ce n’est pas dû à une discipline budgétaire excessive qu’imposerait la monnaie unique mais bien à l’insuffisance de ses réformes nationales. Cela, l’euro ne pourra jamais le compenser. Et c’est une bonne nouvelle ! Il reste ainsi un grand espace pour nos débats collectifs et notre mobilisation créatrice en France.

Si l’euro n’est pas responsable de tout, nous ne sommes pour autant pas au bout du chemin. Il y a vingt-cinq ans, nous parlions d’ « Union économique et monétaire » : nous avons réussi l’union monétaire, mais nous avons été peu efficaces sur l’union économique. Mon objet n’est pas d’ouvrir ici un débat de principe sur les institutions européennes : il relève des choix politiques. Mais deux avancées concrètes sont en tout état de cause possibles, pour plus de croissance et d’emploi.

La première, c’est la mise en place d’une « Union de financement pour l’investissement et l’innovation» (UFI) afin de mieux utiliser l’excédent d’épargne européen, plus de 350 milliards par an. Seconde initiative : avancer, par des engagements partagés des États, vers une stratégie économique collective, qui combine davantage de réformes là où elles sont 3 nécessaires, comme en France et en Italie, et davantage de relance là où elle est possible, comme en Allemagne et aux Pays-Bas.

Dans ce monde nouveau tel que semblent l’envisager froidement les actuels dirigeants américains, quelle est la direction à prendre ? Moins d’Europe serait une erreur si nous voulons maîtriser collectivement notre destin. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une Europe qui parle moins et qui agit plus, qui se perd moins dans les détails et choisit ses priorités concrètes, qui fait « peu, bien, jusqu’au bout. ». Pour y parvenir nous disposons d’un atout considérable, ciment et témoin de notre engagement à unir, pour le meilleur, nos forces et nos destins : l’euro.

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