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L’Europe ne recevra pas le GNL américain dont elle a besoin Par Alexandre Lemoine

Le gaz est la principale source d’énergie pour chauffer et fabriquer de l’électricité en UE, alors que la Russie est son principal exportateur. En 2021, l’UE a consommé 565 milliards de mètres cubes et en a importé 349,1 milliards de mètres cubes, dont 31,24% de Russie. 

Le 25 juillet, la holding russe Gazprom a annoncé qu’à partir du 27 juillet les livraisons de gaz via le gazoduc russe Nord Stream 1 seraient réduites de 50% par rapport au niveau actuel, autrement dit, le gazoduc ne fonctionnera qu’à 20% de sa capacité maximale. Ce qui est devenu un signal de plus pour pousser à agir les États membres de l’UE, qui sont convenus le 26 juillet de réduire la consommation de gaz de 15%. 

La hausse des prix du gaz a exercé un immense impact sur l’industrie européenne: les compagnies énergivores ont été confrontées à une réduction de la production, voire à son arrêt à cause des prix élevés du gaz. L’Europe a déjà commencé à passer aux importations de gaz américain, ce qui a fait des États-Unis le plus grand exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL) au premier semestre de l’année. 

Ces dernières années, bien que les États-Unis aient continué d’augmenter les livraisons de gaz en Europe, aucune percée n’a eu lieu: selon les informations disponibles, entre avril 2016 et début 2022, l’UE a importé un peu plus de 60 milliards de GNL américain. Après le début du conflit russo-ukrainien, les importations de GNL ont augmenté, mais en l’absence d’infrastructure les États-Unis ne peuvent pas alimenter à court terme l’UE en quantité suffisante de gaz pour devenir une alternative ou pour interdire complétement les importations d’hydrocarbures russes. 

On ignore combien de temps cette période difficile durera en Europe. Bien des choses dépendent de sa capacité à réduire la demande. La dépendance du gaz russe diverge à cause des structures énergétiques différentes des pays de l’UE. Selon les informations sur la part du gaz russe importé par l’UE en 2020, la dépendance des pays tels que la Lettonie est proche de 100%, alors que celle de l’Allemagne dépasse 60%. Étant donné que certains pays ne sont pas prêts à se priver, l’UE a rendu l’accord sur la réduction de la consommation de gaz volontaire en y ajoutant des points supplémentaires. Par exemple, les pays baltes, qui ne sont pas connectés au système énergétique européen et dépendent en grande partie du gaz pour produire de l’électricité, sont exemptés des conditions obligatoires. 

Afin de parvenir à réduire la demande de gaz de 15%, les pays de l’UE sont convenus de mesures suivantes qui pourraient être résumées en quelques points: 

Premièrement, une réduction générale. Dans la régulation du gaz pour le secteur industrielle, l’approvisionnement de la population sera prioritaire. En ce qui concerne les consommateurs, les autorités de l’UE appellent les gouvernements à mener des campagnes auprès de la population pour économiser l’électricité et réduire les émissions, par exemple en encourageant les gens à éteindre la lumière ou à réduire la température des thermostats et moins solliciter les climatiseurs. 

Deuxièmement, la substitution. Afin de trouver une alternative au gaz russe, les gouvernements de l’UE pourrait songer à repousser le renoncement à l’énergie nucléaire et au charbon. 

Troisièmement, la régulation. L’UE exige que les pays membres rapportent tous les deux mois leurs plans d’économie d’énergie aux autorités compétentes de l’UE et appelle les États membres à prendre des mesures pour réguler et contrôler l’énergie. 

La pression sur l’Europe à cause du manque de gaz pourrait atteindre son apogée au fur et à mesure de l’augmentation de la demande en hiver. Si le plan de réduction de la demande n’était pas dûment appliqué, les pays européens seraient confrontés non seulement à une pression sur les entreprises industrielles et le public, mais également au déclin économique que cela provoquerait. De plus, la décision de prendre ou non des mesures restrictives à terme revient aux gouvernements des pays. Même si l’UE adoptait une régulation obligatoire du gaz cet hiver, il faudrait d’abord voir si tous les pays membres sont d’accord, sinon cela conduirait à une plus grande divergence intérieure à terme. 

La « révolution de schiste » aux États-Unis a effectivement changé la structure des livraisons de gaz naturel dans le monde. Le conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine a conduit à une flambée de la demande de gaz en Europe et à une augmentation des exportations de GNL américain. Cependant, les risques politiques à cause de l’élargissement des exportations d’hydrocarbures américains demeurent. Comme en témoigne l’échec de l’élargissement de l’oléoduc Keystone, traversant les États-Unis et le Canada, à cause des frictions entre les partis. Si les États-Unis veulent remplacer entièrement la Russie, ils doivent, premièrement, régler les différends politiques intérieurs et, deuxièmement, continuer d’élargir l’infrastructure de pipeline vers l’Europe, ce qui est difficile à faire à court terme. Enfin, il faut aussi tenir compte du potentiel des capacités de production, car les capacités actuelles attendues aux États-Unis ne pourront pas satisfaire la demande européenne. 

Au vu de l’incertitude des résultats du conflit ukrainien, la future orientation du marché énergétique mondial reste également floue. Cependant, il est à prévoir que la demande mondiale de gaz restera élevée à terme.

Alexandre Lemoine

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