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L’OPTIMISME LIBERAL ET FORMIDABLE D’EMMANUEL MACRON



Emmanuel Macron est un libéral (économiquement parlant), et parce qu’il est libéral, il est (politiquement) optimiste. Il a réussi (au moins sa vie politique et matérielle), et parce qu’il a réussi, il croit que tout le monde peut réussir et devenir millionnaire (sans aide de l’Etat – c’est en cela qu’il n’est pas de gauche, sa conception de l’égalité est abstraite, et s’arrête à « l’égalité des chances »). Il rejoint ainsi le libéral Guizot, Premier ministre de Louis-Philippe, lançant au peuple le fameux « Enrichissez-vous ». Pour réussir, l’hôte de l’Elysée a bien entendu sa recette : il ne faut pas être ni « fainéant », ni « illettré », et ne pas passer son temps à f… le « bordel ». Il ne faut pas se comporter non plus comme un « zigoto », reproche que M. Macron adresse, en privé, à M. Hollande.

Monsieur Macron est donc un libéral. « Libéral », « libéralisme », ça m’a donné envie, pour vérifier mon opinion, de me replonger dans un vieux polycopié de droit du Pr. Francis-Paul Benoît, qui, en 1972-1973, nous enseignait, en 4ème année de licence, l’histoire des idées politiques depuis la fin du XVIII è siècle. Le premier chapitre de ce cours était précisément consacré au libéralisme. La lecture de ce chapitre est instructive. Elle met en lumière les grands traits de la pensée libérale. Il suffit donc de confronter cette pensée à celle de l’actuel chef de l’Etat pour conclure au libéralisme macronien.

Que dit M. Benoît ? Que le libéralisme est une « volonté », et plus encore une « volonté en marche » : du macronisme pur jus ! Une volonté tournée vers l’action, donc hostile à la plupart des contraintes qui pourraient l’entraver. Une « volonté de la liberté » en somme. D’où, par exemple, le projet du Président de libérer les entreprises françaises d’un certain nombre de contraintes administratives et de réduire la pression fiscale qui pèse sur elles. Pour M. Macron donc, qui est un libéral, chaque homme est maître de son destin, peut agir selon ses capacités, et devenir riche, et donc s’acheter de beaux costumes – à l’évidence la richesse est le critère de réussite de M. Macron.

Mais Emmanuel Macron n’est pas un libéral (politiquement parlant). Il s’auto-définit comme Jupiter, roi des dieux et père aux cieux, se vit comme « la clé de voûte (céleste ?) » de nos institutions, nous faisant revenir ainsi à une conception archaïque de la Vème République, celle d’un chef qui décide de tout, tout le temps. Hyper-puissant donc. Omniprésent de ce fait. On l’a souvent dit : il y a du Bonaparte chez cet homme-là. Et d’abord physiquement. Une fine silhouette, un visage anguleux, avec un nez de rapace et des yeux perçants. Et bien sûr politiquement, avec un sens aigu du dirigisme. La décontraction affichée fait enfin penser à celle d’un Kennedy.
E. M. (l’ET moderne) apparaît bel et bien coincé entre la verticalité : « le fait du Prince », la posture gaullienne, et l’horizontalité : la décision collective, marque de fabrique du mouvement « En Marche », faut-il le rappeler. L’homme est aussi à la fois de son temps, par son trans-partisanisme, et décalé avec notre époque, par son présidentialisme excessif. Toute sa complexité est dans cet écartèlement et ce décalage.

Pour l’heure l’optimisme d’Emmanuel Macron paraît payer. Pour trois raisons. La première : une croissance économique qui repart à la hausse, un chômage qui recule, donc une conjoncture favorable. La deuxième, une opposition faible, tant à gauche qu’à droite, voire à l’extrême-droite. Ainsi ni Jean-Luc Mélenchon, ni l’ex-PS, ni les Républicains, ni Marine Le Pen, n’apparaissent aujourd’hui comme des alternatives possibles. Le premier n’arrive pas à fédérer la protestation de gauche, le PS et les Républicains restent en phase délicate de décomposition/recomposition. Quant à Marine Le Pen, affaibli par ses modestes résultats électoraux (présidentielle, législatives) – par rapport aux attentes – affaibli par son récent divorce d’avec Florian Philippot, elle ne peut plus espérer incarner le « changement » aux yeux des Français. La troisième raison, c’est la faiblesse de « l’opposition de rue », émiettée, désordonnée. L’hyper-individualisme de notre société continue à faire des dégâts, dont est principalement victime l’esprit collectif d’antan. Les syndicats avancent divisés et mobilisent peu. Jean-Luc Mélenchon ne parvient pas à assurer la jonction avec eux. Ajoutons peut-être une quatrième et cinquième raison : un fatalisme ambiant très fort chez les Français, jeunes y compris ; le sentiment chez nos concitoyens que le quinquennat n’en est qu’à ses débuts, et qu’il faut attendre, peut-être encore un an ou deux, avant de le juger.
En conséquence, l’optimisme libéral et formidable d’Emmanuel Macron a encore de beaux jours devant lui.

Michel FIZE, sociologue
Auteur de L’INDIVIDUALISME DEMOCRATIQUE,
les défis de la démocratie représentative, Editions de l’œuvre, 2010

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