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Normalisation du commerce mondial et Chine

 

Depuis cinq ans, la croissance du commerce mondial est proche de celle de l’activité industrielle après avoir été deux fois plus rapide avant 2008. Ce ralentissement s’explique largement par le rééquilibrage de la Chine vers sa demande interne et la production de services. Une croissance quasi parallèle du commerce et de l’activité industrielle mondiale devient dès lors la « norme », si l’on exclut un recul du commerce dû à une montée du protectionnisme.

Certains s’inquiètent du ralentissement du commerce mondial qui devrait pourtant durer. Le graphique 1 montre que, depuis 2011, son rythme (en rouge) est le même que celui de l’activité industrielle (en noir). Les années 2015 et 2016 sont marquées par les croissances de l’activité et du commerce les plus lentes depuis la crise ; d’où la sonnette d’alarme tirée par plusieurs, à l’écho amplifié par les craintes associées aux suites du référendum britannique et de l’élection présidentielle américaine.

Graphique 1 : Atonie de la production et du commerce mondial

Les facteurs du ralentissement du commerce mondial

Des études récentes avancent plusieurs facteurs explicatifs de ce ralentissement, cycliques ou structurels, de demande ou d’offre. Le rôle de la faiblesse de la demande mondiale est mis en avant dans l’analyse du FMI et plus récemment dans celle de la Banque d’Angleterre. Le commerce international est en effet procyclique. La part des composantes les plus volatiles de la demande, l’investissement des entreprises en premier lieu, y est plus grande que dans l’activité totale. Cependant, comme le souligne Sébastien Jean (blog du CEPII, 18/10/16), la faiblesse de la demande mondiale n’expliquerait qu’un tiers du ralentissement observé. Surtout, les causes de cette faiblesse ne sont pas seulement conjoncturelles. Des changements structurels du côté de la demande comme de l’offre mondiale sont à l’œuvre.

Toutes les analyses, en particulier au sein de l’Eurosystème, signalent le rôle joué par l’internationalisation des processus de production, ou allongement des « chaînes de valeur internationales ». Le développement spectaculaire de ces dernières dans les décennies précédentes a laissé place à une stabilisation, voire un repli. D’après Timmer et al. (2016) ce développement s’est arrêté en 2011, la demande s’étant tournée vers les services, notamment en Chine. L’OCDE met en avant d’autres explications structurelles comme la faiblesse de la croissance potentielle et de l’investissement, la politique commerciale et à nouveau le rôle spécifique de la Chine. Cette dernière explication serait la plus importante depuis 2015 et c’est celle que nous privilégions également ici (et dans notre Rue de la Banque de septembre). Le choc d’offre chinois a contribué à l’accélération du commerce mondial d’avant-crise et sa réorientation domestique à l’actuel ralentissement, ou à sa normalisation.

La parenthèse refermée d’un commerce mondial hyper-dynamique

En dehors de chocs de grande ampleur mais temporaires, le rythme du commerce mondial ne peut pas s’écarter durablement de celui de l’activité mondiale. C’est une nécessité logique et un fait empirique (Rue de la Banque #30). Par exemple, une réduction des obstacles aux échanges élève le niveau d’ouverture mondial et le taux de croissance du commerce mondial, dans la transition vers un nouvel équilibre ; mais l’élasticité commerce-activité, c’est-à-dire le ratio des taux de croissance du commerce et de l’activité globale, revient vers un après chaque choc.

La Chine a été à la source de tels chocs dans les dernières décennies. L’émergence chinoise et l’allongement des chaînes de valeur ne peuvent être dissociés. Ces dernières ont très souvent été développées en tirant parti des formidables opportunités de localisation en Chine des tâches intensives en travail peu ou moyennement qualifié. Ensuite, la libéralisation des échanges a amélioré et sécurisé un accès des producteurs en Chine au marché mondial et des firmes multinationales au marché chinois (pour la fourniture de biens intermédiaires à forte valeur ajoutée notamment). Avec l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001, l’offre de travail chinoise disponible dans le secteur des biens échangeables internationalement a fait pression à la baisse sur le prix des biens manufacturés (amplifiant par exemple la progression de la demande mondiale de l’électronique grand public, cf. graphique 3 du Rue de la Banque #30). Dans le même temps, la demande chinoise a contribué à la hausse des prix des matières premières, engendrant des revenus dépensés en importations par les pays producteurs (cf. billet de Daniel Gros, du 11/10/16, et discours du gouverneur J.H. Powell, du Board de la Fed, 18/11/16).

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