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« Picasso : 1932, l’année érotique » par Sandrine de La Houssière

On se souvient que Gainsbourg chantait l’année « 1969, l’année érotique » ; nous découvrons aujourd’hui que Picasso peignait avant lui « 1932 : année érotique » selon l’intitulé de l’exposition organisée par le Musée Picasso qui ouvre ses portes le 10 octobre
C’est la première exposition dédiée à une année de création entière chez Picasso, allant du 1er janvier au 31 décembre.
Cet événement, organisé en partenariat avec la Tate Modern de Londres, fait le pari d’inviter le visiteur à suivre au quotidien, dans un parcours rigoureusement chronologique, la production d’une année particulièrement riche.
Grâce à plus de 110 tableaux, dessins, gravures et sculptures, grâce également à une centaine de documents, le parcours suit, jour après jour Picasso dans son processus créatif et la vie quotidienne de l’artiste. Suivant une chronologie stricte, le parcours révèle la prodigieuse poussée créatrice du maître. Nous voyons ainsi Picasso préparer sa première rétrospective inaugurée le 16 juin à la galerie Georges Petit à Paris. Passé cet événement intense et décisif, l’exposition témoigne du relâchement relatif que traverse l’œuvre de Picasso. Ses tableaux sont plus petits, apaisés, les dessins sont idylliques. Jusqu’à ce que se dessine, durant l’été, une nouvelle quête artistique. La baigneuse en est l’héroïne et nous pouvons suivre ses aventures et ses surprenantes métamorphoses jusqu’à l’automne où surgit un nouveau thème, le Sauvetage, qui synthétise les recherches de l’année, les multiples sources de son inspiration et de sa réflexion pleine de rebonds.
Les documents d’archive appuient ce mouvement général. Picasso bouge, entre Paris, son château de Boisgeloup, la côte normande. Il passe quelques jours en Suisse pour l’ouverture de la seconde étape de sa rétrospective. Il va au cinéma, assiste à un match de boxe, visite les expositions de ses collègues artistes, ou celle de Manet

Pablo Picasso a déclaré, «L’oeuvre qu’on fait est une façon de tenir son journal ». Picasso vient d’avoir 50 ans, il a une épouse, la danseuse russe Olga Khokhlava épousée en 1918. un fils, Paulo, une maîtresse, la blonde Marie-Thérèse Walter qu’il « séquestre » dans un appartement du boulevard Haussmann (Picasso est toujours marié à Olga). Il est le peintre le plus célèbre de son temps et, jour après jour, il construit son oeuvre et sa légende.
Parmi les jalons de cette année exceptionnelle se trouvent les portraits et compositions colorées autour de la figure de Marie-Thérèse assise dans un fauteuil, nu allongé, qui dominent la production du 1er semestre de l’année 1932
L’exposition présente des chefs-d’œuvre essentiels dans la carrière de Picasso comme « Le Rêve » (affiche de l’exposition) . Le visage de Marie-Thérèse est à la fois vu de face et de profil, la partie supérieure révélant un pénis. Picasso pousse à son comble l’érotisation de la figure, devenue incarnation de la sexualité. Ainsi que l’écrit Elisabeth Cowling, « la représentation de Marie-Thérèse tient beaucoup plus de l’idole post-freudienne que de la représentation de la femme réelle ».En proie au rêve, la figure passive de Marie-Thérèse est le lieu de projection des désirs érotiques du peintre « veilleur de sommeil »
De même le 3 mars 1932, « Nature morte » : buste de Marie-Thérèse, coupe de fruits et palette de couleurs. Dans son tableau, il introduit comme motif un buste sculpté imaginaire de son égérie, inspiré du profil des plâtres modelés l’année précédente, qui recomposaient librement les traits du visage de sa maîtresse. La coupe de fruits posée sur la table renvoie à la rondeur de la poitrine de Marie-Thérèse ou à des testicules, chargeant la scène de connotations érotiques, transformant la topographie du visage en une icône phallique
En parallèle de ces œuvres sensuelles et érotiques, l’artiste revient au thème de la « Crucifixion » (1930) Tableau très personnel puisqu’il est resté dans la collection personnelle de l’artiste, et destiné à n’être vu que par les intimes où il s’identifie à l’image du Christ, crucifié.
1932 voit également la « muséification » de l’œuvre de Picasso à travers l’organisation des rétrospectives à la galerie Georges Petit à Paris et au Kunsthaus de Zurich qui exposent, pour la première fois depuis 1911, le peintre espagnol au public et aux critiques. L’année est enfin marquée par la parution du premier volume du Catalogue raisonné de l’œuvre de Pablo Picasso, publié par Christian Zervos, qui place l’auteur des Demoiselles d’Avignon dans une exploration de son propre travail.
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Comments

  • Anonyme
    octobre 14, 2017

    5

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