Pierre conesa: « le salafisme séparatiste s’est propagé et diffusé dans toute la société »
Interview de Pierre CONESA dans le cadre de la sortie de son livre « État des lieux du salafisme en France » »
La France est-elle plus concernée que d’autres pays occidentaux par le séparatisme ?
Le salafisme séparatiste s’est propagé et diffusé dans toute la société. Le thermomètre social le plus significatif est devenu celui du comportement des mineurs qui laisse penser que ce sont les familles qui l’ont toléré, soutenu, voire encouragé. Les différentes tentatives des salafistes pour s’emparer de certains lieux de se sont heurtées à la résistance de responsables religieux républicains, mais ceux-ci, balançant entre l’islam consulaire et l’organisation d’un islam de France, ont freiné les différentes tentatives d’organisation de structures représentatives comme cela existe avec les consistoires juifs et protestants. Comme il n’y a plus d’espace mythique avec l’échec du califat, les enjeux de mobilisation de la djihadosphère à propos de l’arrestation du directeur fondateur de BarakaCity ou le CCIF, dissous par le gouvernement en 2020, est un sommet d’accusation hypocrite d’islamophobie, qui fait l’impasse sur les griefs retenus contre les associations et leurs actions, quand ce n’est pas contre le fondateur.
La France a largement contribué à la croissance de Daech et lui a même fourni certains de ses principaux cadres.
Le droit français doit-il s’adapter ?
La politique publique a connu trois temps : jusqu’à la proclamation de l’EI, le problème récurrent des postures séparatistes est traité avec désinvolture par la justice, comme une sorte de problème extérieur. Depuis la perte du califat, le problème est redevenu intérieur. On est face à la troisième génération de jeunes gens qui savent profiter de la réglementation française.
Les formes et les modalités d’expression du séparatisme s’etant diversifiées et multipliées durant la période, la litanie des propositions d’adaptation, de rapprots, d’institutionnalisation de hauts conseils et de réponses jurisprudentielles nuancées traduit la volonté republicaine de régler les questions par la recherche d’une conciliation entre ordre public et droits fondamentaux. Le résultant n’est jusqu’à présent qu’à l’avantage des islamistes. Les politiques paraissent toujours avoir un attentat de retard. Ils découvrent à chaque attentat, une fois les fleurs fanées et les larmes séchées, qu’il reste beaucoup à faire. La fermetue de mosquées salafistes ne débute qu’avec l’état d’urgence ; les condamnations pour apologie du terrorisme qu’après 2014. Encore celle-ci ne justifie-t-elle toujours par la revocation du statut de réfugié, comme le relève le conseil d’Etat en février 2021. Après l’émoi de la mort de Samuel Paty, le ministre de l’intérieur, également ministre des Cultes, decouvre que, sur deux mille six cents lieux de culte musulmans, soixante-seize mosquées sont sous surveillance, dont dix-huit sous contrôle permanent.
L’extrême gauche a longtemps cru au caractère révolutionnaire et anti-impérialiste de l’islam politique ?
Cette analyse d’origine anglo-saxonne pensait que la gauche révolutionnaire absorberait la contestation islamiste. On a vu l’extraordinaire échec de la gauche iranienne lors de la révolution de Khomeyni. En France, on constate quelques remugles de cette pensée : Stéphane Poussier, ancien candidat LFI aux législatives dans le Calvados, a été condamné en mars 2018 à un an de prison avec sursis pour apologie du terrorisme par le tribunal correctionnel de Lisieux(Calvados). En cause, ses tweets publiés au lendemain de la mort du lieutenant-colonel Beltrame tué après s’être substitué à une otage : « A chaque fois qu’un gendarme se fait buter. Je pense à mon ami Rémi Fraisse », militant écologiste tué en 2014 par une grenade tuée par un gendarme. « Là, c’est un colonel, quel pied ! Accessoirement, encore un électeur de Macron en moins. « Son compte a été désactivé. A la barre, et devant la presse, il sest excusé à plusieurs reprises auprès des proches « cruels ». Les tweets ont été condamnés par son ancien mouvement, LFI, et par son leader Jean-Luc Mélenchon qui l’ont exclu du parti. Mercredi 6 novembre 2019, le Nouveau parti anticapitaliste dans sa revue Révolution permanente, se félicite toutefois d’avoir imposé l’annulation du cycle de formation confié à Mohamed Sifoui par l’université Paris 1 sur la radicalisation. Bel exemple de censure contre un homme menacé de mort qui a vécu de près les années sombres en Algérie (cent mille morts)