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Pourquoi le débat sur une armée européenne resurgit ? Par Olivier Renault

L’UE veut mener la guerre contre la Russie depuis longtemps. Toutes les forces militaires des pays de l’UE ont pris une orientation militaire et financière dans ce sens et cela ne date pas depuis le mois de février dernier. 

Un projet qui date. En novembre dernier, le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a annoncé la création d’une force de réaction rapide. Il a expliqué à Die Welt Am Sonntag le plan en ces termes suivants: «Dans un premier temps, nous avons créé deux scénarios de déploiement possibles pour la force d’intervention de l’UE: des opérations de sauvetage et d’évacuation et, dans un deuxième scénario, le début (phase initiale) d’un déploiement de stabilisation».

Observateur Continental titrait: «Les pays de l’UE décident de créer leur propre force de réaction rapide». La Commission européenne et le Service extérieur de l’UE ont l’intention de développer un système de commandes militaires conjointes d’armes et d’équipements, qui était jusqu’à présent la prérogative des gouvernements nationaux des pays de l’UE. Observateur Continental précisait : «La disponibilité opérationnelle de cette nouvelle force militaire est prévue pour 2025. Une première mission pourrait assurer un futur cessez-le-feu en Ukraine, a assuré Die Welt. Mais, c’est sous le commandement politique et militaire de Berlin que tout doit se dérouler. Et, c’est avec l’accord de l’Otan qu’il a été décidé de mettre en place la force de réaction rapide».

La création d’une force de réaction rapide de l’Otan avait été, en fait, décidé en septembre 2014, notait Observateur Continental en rapportant en novembre 2021 que le Conseil des ministres de la défense de l’UE a approuvé 14 projets de défense paneuropéens. Le projet a été, donc, mûri de longue date en concertation avec l’Otan et bien avant le lourd conflit actuel de haute intensité en Ukraine. D’aileurs, Observateur Continental, citant un homme politique allemand, rappelait: « Les Etats-Unis préparent l’Ukraine au conflit avec la Russie depuis 2014».

Pourquoi cette Europe unie ? Les observateurs constatent que les responsables de l’UE avec les Etats-Unis ne veulent pas répéter les erreurs commises lors de l’effondrement de l’URSS. Depuis la fin du mois d’octobre dernier, l’UE prépare, avec la participation du Royaume-Uni, un programme de « mobilité militaire» en adaptant des infrastructures civiles et des procédures juridiques pour le transfert de troupes à l’est sur les frontières de la Russie. L’UE a, d’abord, attiré l’attention sur les lacunes de la « mobilité militaire» en 2018.  

A ces fins, pour contribuer à améliorer la mobilité militaire en Europe et promouvoir le réseau transeuropéen de transport, la Commission européenne a proposé en mai 2018 la création d’une enveloppe prévisionnelle de 6,5 milliards d’euros pour le prochain cadre financier pluriannuel (2021-2027) dans le cadre du Mécanisme d’Interconnexion européenne (MIE) pour financer la construction et la mise à niveau d’infrastructures de transport pouvant être sollicités par des activités civiles et militaires.

Maintenant, sous prétexte de ce qui se passe en Ukraine, la Commission européenne veut donner un nouvel élan au projet. Josep Borrell souligne que tout cela signifie, entre autres, une coopération encore plus étroite entre l’UE et l’Otan. Selon lui, il est extrêmement important pour l’Europe d’adapter rapidement les infrastructures au déplacement rapide des troupes et du matériel d’ouest en est. Il est, également, prévu de soutenir le réseau logistique du carburant. 

Le projet SS. A la mi-octobre, l’Otan a annoncé que 15 pays européens (Belgique, Bulgarie, République tchèque, Estonie, Allemagne, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Norvège, Slovaquie, Slovénie, Roumanie, Royaume-Uni, Finlande) ont signé un protocole d’intention pour créer Sky Shield (en abrégé SS) – un système paneuropéen de défense aérienne/antimissile, piloté, selon l’Otan, par l’Allemagne, dont la base sera les systèmes israéliens Arrow 3 avec le Patriot américain et les unités IRIS-T allemandes.

L’initiative du chancelier fédéral allemand, Olaf Scholz, de créer des SS a été approuvée lors d’une réunion des ministres de la défense des pays de l’Otan à Bruxelles. L’UE et l’Otan ont, d’ailleurs, abordé la question de créer un système de défense aérienne/antimissile à part entière sur le territoire de l’Ukraine alors qu’officiellement l’Ukraine n’est pas un membre de l’Otan. 

Le système de défense aérienne de la future armée de l’UE sera très probablement formé sur des principes centrés sur le réseau. Les informations sur les lancements et les mouvements de tout objet dans les airs proviendront de toutes les sources possibles, unies dans un réseau. Chaque cible sera accompagnée. L’intelligence artificielle calculera les options les plus optimales pour sa destruction alors qu’elle est encore en mouvement, et non directement devant l’objet. Cela augmentera la probabilité de toucher des cibles aériennes d’environ 2,5 à 3 fois.

Une armée pour vaincre la Russie. Il convient de rappeler que le chef de l’état-major britannique, le général Patrick Sanders, a appelé en juin à se préparer à une guerre en Europe et à créer une armée capable de «vaincre la Russie au combat». Dans le même temps, le président français Emmanuel Macron a annoncé l’entrée dans la «période de l’économie de guerre». Et le chancelier allemand, Olaf Scholz, a promis de créer bientôt «l’armée la plus puissante d’Europe». Dans tous les cas, le prétexte était la situation en Ukraine.

Un projet d’avant le conflit en Ukraine. En fait, ce qui s’y passe n’est qu’un des prétextes pour que l’Europe se dote de sa propre armée, et enfin se débarrasser des diktats puissants des Etats-Unis. Des mesures vers la création d’une force de réaction rapide et d’un système unifié de défense aérienne/de défense antimissile de l’ UE avec l’intention de les utiliser contre la Russie ont commencé à être prises il y a longtemps, alors que personne ne pouvait même pas penser à un système de défense aérienne en Ukraine.

Il suffit de se rappeler que l’Allemagne s’est officiellement prononcée en faveur de la création accélérée d’une armée unifiée de l’UE, il y a une décennie et demie ! En mai 2008, le ministre allemand des Affaires étrangères de l’époque, Frank-Walter Steinmeier, a déclaré que le processus d’intégration militaire de l’UE devait être accéléré et que le résultat de l’unification des potentiels militaires des 27 membres de l’Union devrait être l’armée de l’UE sous un seul commandement. Dans le même temps, il a noté qu’un groupe d’Etats de l’UE pourrait assumer le rôle d ‘« avant-garde» en matière de politique étrangère et militaire. La France est devenue un partenaire clé dans ce domaine pour l’Allemagne.

Un média du gouvernement allemand rappelle que «les militaires allemands et polonais travaillent ensemble avec succès au sein du Corps multinational du nord-est à Szczecin depuis vingt ans». Deutschland.de notait que des soldats de 22 autres pays de l’Otan y sont désormais stationnés. Cette coopération militaire germano-polonaise était un prototype de l’armée de l’UE. 

Un renforcement du projet d’armée EU dès 2015. Le président de la Commission européenne d’alors, Jean-Claude Juncker, a déclaré au printemps 2015: «Une armée commune européenne montrerait au monde qu’il n’y aura plus jamais de guerre entre les pays de l’UE»; «Une telle armée aiderait également l’UE à formuler des politiques étrangères et de sécurité et à assumer plus de responsabilités dans le monde». 

Immédiatement après, l’ancien secrétaire général de l’Otan, Javier Solana, et l’expert en politique étrangère de l’UE, Steven Blockmans, ont déclaré au Wall Street Journal en 2015: «L’UE a besoin d’une nouvelle alliance pour se défendre contre la Russie agressive à l’est et les islamistes au sud». L’idée de créer une armée européenne a, également, été soutenue par le président finlandais, le chancelier allemand et des représentants de la diplomatie allemande. Et, la ministre allemande de la Défense de l’époque, Ursula von der Leyen, s’est dite convaincue en 2015 que le transfert de la souveraineté nationale des pays de l’UE au niveau supranational en matière militaire est «tout à fait approprié» car «l’armée européenne est l’avenir». Tout a été préparé depuis plusieurs années. 

Olivier Renault

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