Présidentielle 2017: La démagogie politique de « l’anti-système »
C’est depuis quelque temps très à la mode chez les politiques et en particulier chez les candidats à la primaire de la droite et du centre pour l’élection présidentielle (Alain Juppé excepté, semble-t-il) de se déclarer candidats « anti-système ». Suivant ici, comme sur beaucoup d’autres points, Marine Le Pen, la première des « anti-système » connue, aujourd’hui les Sarkozy, Fillon, Copé, Le Maire, adoptent cette posture car il s’agit bien d’une posture de la part d’hommes et de femmes qui sont d’authentiques produits de ce système qu’ils dénoncent bruyamment, qui appartiennent eux-mêmes à ces « élites » qu’ils accablent sans compter à présent. « Elites », le terme est bien mal choisi en réalité, pour désigner une caste d’accapareurs du pouvoir issus essentiellement des grandes écoles (ENA en tête), de technocrates dessinant la prétendue « haute administration », qu’on appelle encore administration « centrale », c’est-à-dire, de fait, une grosse poignée de « privilégiés ». Rectifions, dans un premier temps, et parlons plutôt d’une « élite » au singulier pour caractériser « ce qu’il y a de meilleur » dans un corps social. Le mot ainsi entendu, seuls des médiocres peuvent vouloir « la fin des élites ». Ajoutons donc, dans un second temps, que toute société a besoin de talents, d’intelligences, d’hommes et de femmes au-dessus du commun, qui puissent tracer des chemins, sans autre souci que celui du bien général, et non avec cette funeste intention d’afficher quelque supériorité sociale.
L’affichage « anti-système » choisi par ces politiques est pur argument de campagne. Il n’y a aucune conviction derrière ces mots du prétendu renouveau politique. Considérons Bruno Le Maire, le plus « anti-système » de tous (arguant, pour nous en convaincre, de son plus jeune âge que les autres). Ce « quadra » appartient à l’énarchie classique (il est aussi normalien) ; il est ancien ministre de Nicolas Sarkozy. Lui suffit-il de se prononcer aujourd’hui pour la suppression de l’ENA, la privatisation de l’emploi, la mise au pas de la technocratie, pour être définitivement affranchi de l’esprit-« système » ?
François Fillon à présent. Cinq ans Premier ministre du même Nicolas Sarkozy, de nombreux mandats locaux et nationaux. Lui suffit-il de fustiger désormais la « caste dirigeante », de vouloir réduire la taille des cabinets ministériels, pour être débarrassé de ses anciennes mœurs politiciennes ?
Quant à Jean-François Copé, qui est député, maire, ancien chef de parti, est-il le mieux placé pour s’en prendre au « système » ?
Nous avons gardé pour la fin Nicolas Sarkozy, plusieurs fois ministre, ancien maire, ancien président de la République, quarante ans de vie politique. L’homme du renouveau politique ? C’est en tout cas un coutumier des attaques « anti-système ». En 2007, dénonciation des « élites », en 2012 des corps intermédiaires (syndicats surtout), aujourd’hui pourfendeur de la pensée unique. Renouveau, avez-vous dit ? Non, non. Comme François Hollande, Nicolas Sarkozy est définitivement « l’homme du passé et du passif ». Un dernier mot sur Emmanuel Macron, futur probable candidat hors-primaire. Hormis son âge (qui n’est en rien un critère absolu de plus grande compétence), voilà un homme, issu lui du système économique et bancaire, mais aussi des coulisses du pouvoir élyséen. Comment pourrait-il prétendre incarner un je ne sais quel « autre système » moins élitiste ? Tous ces messieurs de la politique, qui portent l’étendard de l’« anti-système », font rire Fantomas, mais d’un rire jaune.
Car c’est tout de même, si l’on excepte évidemment Alain Juppé, le grand favori des médias, l’un de ces messieurs (Nathalie Kociusko-Morizet, Jean-François Copé, Jean-Frédéric Poisson étant d’ores et déjà hors-jeu), qui risque de devenir le prochain président de la République en mai prochain. Au vu de l’imprégnation de ces messieurs de l’esprit « systémiste » qu’ils accablent aujourd’hui ; au vu de leurs programmes qui sont tout sauf innovants, l’on peut penser que le prochain quinquennat, comme celui d’aujourd’hui qui n’aura servi à rien, ne servira pas davantage non plus. Une autre façon de faire de la politique s’éloigne une nouvelle fois. C’est la démocratie qui en sort à coup sûr perdante. Bon, rendez-vous, ici même, en 2022. Peut-être alors…
Stéphane Geyres
Tant mieux si la démocratie sort perdante. Il est temps de se rendre compte que l’avenir est à la liberté, pas à la démocratie.