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Présidentielles 2017 : les chaînes d’information sont déjà dans les starting-blocks

La France compte déjà plusieurs chaînes d’information privées (BFM TV, iTélé, LCI) et une chaîne d’information publique (France 24). Dans ce contexte, la concurrence est rude et chacune cherche à se démarquer pour prendre l’avantage. Rappelons que l’enjeu est grand : couvrir le mieux possible les présidentielles de 2017.

 

Une popularité actuellement bien nette

Parmi les chaînes d’information, BFM TV prend largement l’avantage par rapport à ses concurrents. Selon lesderniers chiffres de Médiamétrie pour octobre 2015, BFM TV est la première chaîne d’info de France (et ce, déjà depuis juin 2008) avec 2% d’audience nationale (exactement comme en octobre 2014). C’est 2,2 fois plus qu’iTélé, la deuxième chaîne d’info, qui obtient quant à elle 0,9% d’audience nationale. La couverture mensuelle de BFM TV pour le mois d’octobre 2015 s’élève à près de 34,2 millions de français. L’écart est très marqué avec iTélé qui atteint 28,3 millions de téléspectateurs. Lancée le 28 novembre 2005, BFM TV est dirigée par Alain Weill depuis 10 ans. La chaîne d’information en continu cumule les versions, changeant régulièrement de décor et améliorant sa réactivité et son programme. Mais son point fort, et ce qui la démarque actuellement de ses concurrents, c’est son audace. En effet, en 2006, l’entente entre les différentes chaînes d’information est tendue. Lors de la campagne de désignation du candidat du PS à l’élection présidentielle de 2007, les chaînes parlementaires Public Sénat et LCP-Assemblée Nationale décide de mettre en place trois débats entre Laurent Fabius, Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn. Mais voilà, ces chaînes n’autorisent que LCI à retransmettre en direct les débats, BFM TV et iTélé devant se contenter d’une diffusion avec 30 min de décalage. Un accord « choquant » pour iTélé, mais complètement inacceptable pour la chaîne n°1 de l’info en continu. Après s’être plainte à François Hollande, à l’époque premier secrétaire du PS, BFM TV franchit la ligne en diffusant le signal des chaînes parlementaires sans autorisation. Si elle contribue aux frais techniques de retransmission, Public Sénat et LCP-Assemblée Nationale considère avoir subi un « acte de piratage ». La procédure n’ira heureusement pas très loin, les parties trouvant rapidement un accord.

La chaîne sera également pointée du doigt (parmi d’autres) lors des attentats de Charlie Hebdo, les reporters étant un peu trop au cœur de l’action. L’abondance de détails en temps réel aurait pu compromettre l’intervention des forces de police mais aussi la sécurité des otages. Souvenons-nous, BFM TV déclarait qu’un otage était retenu dans l’imprimerie où se trouvaient les frères Kouachi. Ces derniers ne le savaient pas, puisqu’il s’était caché. Cette déclaration aurait donc pu coûter la vie à une personne de plus. Il n’était absolument pas exclu que les terroristes puissent avoir accès à la radio ou à la télé pour s’informer du début de l’assaut. Lors du mois de janvier 2015 (mois des attentats de Charlie Hebdo), la chaîne avait d’ailleurs battu un record historique, atteignant 3% d’audience nationale. Les chiffres pour le mois de novembre ne sont pas encore disponibles, mais il est fort à parier qu’ils seront supérieurs à 2%.

TF1 lutte pour passer LCI en gratuit

Depuis plusieurs mois, TF1 se bat pour convaincre le CSA de passer en gratuit LCI. Sa dernière tentative en 2014 avait échoué mais aujourd’hui, le groupe est plus motivé que jamais. Le 14 septembre, les dirigeants de TF1 ont de nouveau tenté leur chance devant le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel afin de modifier la décision prise l’été dernier, qui a d’ailleurs été annulé par le Conseil d’Etat pour vice de forme. A l’époque, ce projet avait été refusé pour éviter de mettre en danger les deux chaînes gratuites d’information en continu (BFM TV et iTélé). Plusieurs arguments permettent de démontrer aujourd’hui la solidité de ces deux dernières. D’abord, Altice, géant des télécoms et des médias, va prochainementracheter NextRadioTv, la maison mère de BFM TV, un rachat prévu pour 2019. D’autre part, Canal +, propriétaire de la chaîne iTélé, passe sous le contrôle du groupe Vivendi. Pour LCI, un des problèmes est donc résolu puisque ce sont bien des « groupes puissants qui investissent ». On reprochait aussi à LCI de vouloir s’intégrer dans un marché où il n’y a pas de place pour une troisième chaîne d’information en continu. Encore une fois, TF1 se défend, expliquant ne pas avoir la même vocation que ses concurrents. Elle ne présenterait qu’un quart d’actualité en continu (contre près de 50% pour BFM TV et iTélé), 43% de magazines thématiques et 20% de magazines d’info. Catherine Nayl, directrice de l’information, a expliqué ne pas vouloir interrompre l’antenne « toutes les 10 minutes pour une information qui, bien souvent, 10 minutes plus tard n’en est plus une ».

Passer LCI en gratuit a toutefois un enjeu un peu plus stratégique car les politiciens boudent les chaînes payantes qui ne touchent donc pas un maximum de téléspectateurs. Avec l’arrivée des régionales en fin d’année, mais surtout des présidentielles en 2017, on comprend facilement pourquoi TF1 se bat autant pour LCI. Le CSA donnera sa réponse en fin d’année mais le pari semble mal engagé car le Conseil Supérieurde l’Audiovisuel a déjà prévenu des impacts négatifs de cette potentielle arrivée sur les autres chaînes. Il révèle ainsi que 100 postes devraient être supprimés pour BFM TV (soit un quart de sa masse salariale) si l’action se concrétisait. iTélé serait également impactée. L’avocat de LCI, Me François-Henri Briard, déclare quant à lui que « LCI ne peut survivre qu’en demeurant gratuite. Ce qui va survenir, c’est la fin de LCL qui ne pourra plus vivre. Les contrats de diffusion en payant s’arrêtent fin 2015, ensuite LCI est morte. » En tuer une pour en sauver deux, ou en sauver une pour en mettre en danger deux : voilà le difficile choix que doit faire le CSA.

Une nouvelle chaîne d’information de service public

Malgré l’écart relativement grand entre BFM TV et les autres chaînes d’information, Delphine Ernotte Cunci, nouvelle présidente de France Télévisions, a annoncé dès son arrivée le lancement en septembre 2016 d’une nouvelle chaîne d’info en continu. Le projet sera mené en collaboration avec Radio France. Il convient, à juste titre, de se demander l’intérêt de ce lancement, aucun besoin n’apparaissant clairement dans ce domaine. Selon les premières informations, cette nouvelle chaîne gratuite aurait pour vocation de toucher un public plus jeune, qui ne porte que très peu d’attention au traditionnel JT. Delphine Ernotte Cunci vise également à proposer une information « qui dépasse l’émotion » et « aide à comprendre ». En d’autres termes, cette nouvelle chaîne serait plus pédagogique que ses concurrentes qui, elles, diffusent l’information plus ou moins à chaud en suivant l’évolution des faits. Elle s’implanterait ainsi clairement en tant qu’alternative à BFM TV. Aucune solution budgétaire n’a pour l’heure été proposée. Quelques doutes planent donc encore sur le projet, d’autant plus que TF1 et Radio France présentent un déficit budgétaire respectif de 10 et 21 millions d’euros. La représentante SNJ à Radio France reste perplexe. « Comment pourrons-nous participer à ce projet alors qu’on est censé faire des économies ? », déclare-t-elle.

Prochain combat : couvrir les élections

Avec un lancement prévu exactement neuf mois avant le début des élections présidentielles, Delphine Ernotte Cunci n’a pas nié l’évidence. La date a été programmée « pour pouvoir traiter les élections ». Mais elle ne sera pas seule à jouer sur ce terrain. De son côté, BFM TV a de l’expérience en la matière et a prouvé à plusieurs reprises qu’elle était capable de tout pour offrir une bonne couverture des débats politiques. iTélé se prépare aussi. L’actionnaire majoritaire de Vivendi, Vincent Bolloré, a annoncé en septembre dernier le changement de nom de la chaîne. Elle s’appellera désormais CNews, ce qui va lui permettre de redynamiser son image. LCI se défend également, cherchant à devenir une chaîne gratuite pour attirer des politiciens sur son plateau. Elle s’est récemment associéeà RTL et Le Figaro pour couvrir les élections régionales 2015. Elle prévoit notamment deux soirées électorales les 6 et 13 décembre avec un débat mené par Benjamin Sportouch. Il est bien évident que la chaîne se battra à son tour pour réaliser un maximum d’audience lors des présidentielles. Dans l’état actuel des choses, difficile de dire si ses efforts seront suffisants pour détrôner BFM TV. A suivre donc…

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