Prostitution au Japon : une réalité complexe et nuancée
La prostitution au Japon est un sujet délicat, marqué par une longue histoire et une législation ambiguë. Bien que souvent perçue à travers l’image de quartiers comme Kabukichō à Tokyo ou les « soaplands », la réalité de la prostitution au Japon est bien plus complexe. Cet article explore les aspects juridiques, culturels et sociaux de ce phénomène, tout en examinant les enjeux contemporains qui entourent la prostitution dans le pays.
Une Histoire Ancrée dans la Culture
La prostitution fait partie de l’histoire japonaise depuis des siècles. Durant la période Edo (1603-1868), les quartiers de plaisir (ou yūkaku) étaient des lieux où la prostitution était non seulement tolérée, mais aussi régulée. Le quartier de Yoshiwara, à Edo (aujourd’hui Tokyo), est sans doute le plus célèbre. Les courtisanes de haut rang, appelées oiran, étaient des figures culturelles importantes, appréciées pour leur beauté et leur raffinement, ainsi que pour leurs compétences artistiques. Leur statut social, bien que ambigu, leur conférait une certaine forme de reconnaissance.
Au fil du temps, la société japonaise a évolué et les formes de prostitution ont changé. Au début du XXe siècle, la prostitution réglementée était encore une réalité, mais avec la montée du mouvement féministe et l’influence des réformes occidentales, des voix ont commencé à s’élever contre cette pratique.
La Législation : Entre Interdiction et Contournement
En 1956, le Japon a adopté la loi sur la prévention de la prostitution (Baishun Bōshi Hō), qui interdit officiellement l’échange d’argent contre des rapports sexuels. Cependant, cette loi présente des lacunes notables. En effet, si la pénétration sexuelle est illégale en échange d’argent, d’autres formes de services sexuels ne sont pas explicitement interdites. Cela a donné lieu à des zones grises dans lesquelles différentes formes de prostitution peuvent se dérouler sous d’autres appellations.
L’existence de ces échappatoires juridiques a permis à des établissements comme les soaplands de prospérer. Les soaplands sont des établissements où les clients paient pour un « bain », mais qui proposent souvent des services sexuels dissimulés. De même, d’autres formes de prostitution, comme le « fūzoku » (terme générique désignant l’industrie du sexe au Japon), continuent d’exister dans un cadre flou où les activités ne violent pas techniquement la loi.
Les hôtesses de bars, les clubs de rencontres et les kyabakura (clubs où des hôtesses divertissent les hommes) sont également des secteurs qui, bien qu’officiellement non liés à la prostitution, peuvent dans certains cas inclure des échanges d’argent pour des services sexuels en dehors de l’établissement.
Les « Jōsō » et « Enjo Kōsai » : Des Phénomènes Sociaux Alarmants
Deux aspects particulièrement préoccupants de la prostitution au Japon sont les phénomènes du « enjo kōsai » et du « jōsō ». L’enjo kōsai (littéralement, « relations compensées ») est une forme de prostitution où de jeunes filles, souvent lycéennes, acceptent de sortir avec des hommes plus âgés en échange d’argent ou de cadeaux. Bien que toutes les relations compensées ne soient pas explicitement sexuelles, elles exposent néanmoins ces jeunes à des situations de vulnérabilité.