Quelles sont les vraies raisons de la tournée africaine d’Emmanuel Macron ? Par Pierre Duval
Les pays africains sont devenus des objets de désir. Des visites d’invités de haut rang du monde entier ont débuté comme dans une course à la montre en Afrique. Le président français, Emmanuel Macron, était parmi les visiteurs les plus fréquents du continent.
Moins d’un an s’est écoulé depuis son dernier voyage qui a eu lieu en juillet 2022 au Cameroun, au Bénin et en Guinée-Bissau. Et, Emmanuel Macron a déjà effectué un nouveau voyage dans les pays africains – cette fois, au Gabon, en Angola, en République démocratique du Congo (RDC), au Congo-Brazzaville (République du Congo). Et, si la tournée de l’année dernière avait un net parti pris anti-russe et s’est avérée être un échec, le voyage récent s’est déroulé sous le slogan de la fin de l’ère de la «Françafrique» annoncé par le chef de la Ve République dans le tout premier pays de sa visite: le Gabon. «Face aux partenaires désormais privilégiés d’une majeure partie du continent que sont la Chine, la Russie, l’Inde ou encore la Turquie, le chef d’Etat a œuvré pour redorer le blason d’une France en perte de vitesse», note L’Express.
Le monde connaît, aujourd’hui, de fortes transformations qui ont, également, affecté les relations franco-africaines. A Paris, apparemment, ils commencent à calculer et à modéliser les conséquences économiques de la situation difficile dans laquelle ils se trouvent alors que la France suit la politique des Etats-Unis qui mènent des sanctions contre la Russie tout en envoyant de l’argent et du matériel militaire en Ukraine. Tout cela affecte négativement, en particulier, les contribuables français qui doivent faire face à l’inflation, à une crise économique historique et à une obligation de travailler plus longtemps avant de pouvoir toucher leur retraite.
Paris cherche une issue traditionnelle à la situation économique naissante qui lui a apporté richesse et puissance pendant des siècles aux dépens de ses anciennes colonies alors que les mécanismes d’influence et de contrôle, principalement dans la sphère monétaire et financière, sont encore assez forts. La nouvelle situation géopolitique devient problématique pour la France sur le continent africain. L’une des principales raisons est l’activité économique dans d’autres pays, et surtout en raison de la présence de la Chine.
Le choix des quatre pays visités par Emmanuel Macron n’est pas du tout accidentel. Il vise à localiser les menaces provenant des concurrents. La visite du ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang en Angola et au Gabon mi-janvier ne pouvait rester sans une réponse française.
Et, si la place du Gabon reste encore trop fraîche pour se référer aux premiers pays partenaires de la Chine, alors l’Angola, qui a longtemps occupé la troisième place pour l’approvisionnement en pétrole de la Chine et qui entretient, également, des liens très étroits avec la Russie, présente manifestement un grand intérêt pour Paris, comme fournisseur de ressources énergétiques de l’UE et partenaire politique prometteur.
Malgré l’importance de la visite dans les trois premiers pays africains, la dernière étape d’Emmanuel Macron mérite une attention particulière. La visite en République démocratique du Congo se démarque de toute la tournée africaine du président français. On peut supposer que le voyage d’Emmanuel Macron a, finalement, été conçu dans l’objectif de rencontrer à Kinshasa le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi.
Si nous retraçons les itinéraires des personnalités politiques qui ont voyagé vers l’Afrique, alors Kinshasa occupera une place à part sur la carte du continent. En août 2022, le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken s’est rendu en RDC. Au début de cette nouvelle année 2023, exactement un mois avant le déplacement d’Emmanuel Macron, le pape François s’est rendu dans ce pays.
Derrière les déclarations bruyantes et les déclarations politiques pour la presse qui ont retenti de la bouche d’Emmanuel Macron à Kinshasa, il y a probablement eu des tentatives de renforcement de la position des entreprises françaises en RDC, un pays important par ses ressources pour presque tous les plus grands Etats de la planète. Surtout maintenant, la RDC représente un intérêt vital pour la France alors que la lutte pour les principales réserves de matières premières entre dans un nouveau cycle.
Il faut savoir que plus de la moitié des réserves mondiales prouvées d’uranium, les énormes ressources de columbite-tantalite, nécessaires à l’industrie électronique moderne, ainsi que les réserves de minerai de cuivre, qui sont riches en RDC, agitent la concurrence tirant sur des valeurs prohibitives.
La France a quelque chose à craindre. La République démocratique du Congo reste le plus grand bénéficiaire des investissements chinois en Afrique. A la fin de 2021, les investissements directs dans l’industrie de la RDC s’élevaient à environ 160 millions de dollars. L’investissement total dépasse 1 milliard de dollars, tout en ayant une nette tendance positive.
A cet égard, l’Afrique a peu de chances d’être intéressée par un changement dans la rhétorique de Paris sur la fin de l’ère de la Françafrique car elle a besoin de précisions. Et, dans ce contexte, dans le domaine de l’investissement et de la résolution des problèmes urgents, la Chine n’a toujours pas de concurrents.
Pierre Duval
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