Qui est René Girard?
René Girard est professeur de littérature française aux États-Unis à la fin des années 1950 et cherche une nouvelle façon de parler de littérature. Au-delà de la « singularité » des œuvres, il cherche ce qu’elles ont de commun et s’aperçoit que les personnages créés par les grands écrivains évoluent dans une mécanique de rapports que l’on retrouve d’un auteur à l’autre : « Seuls les grands écrivains réussissent la peinture de ces mécanismes sans la fausser au bénéfice de leur Moi : on tient là un système de rapports qui, paradoxalement ou plutôt pas paradoxalement du tout, varie d’autant moins que les écrivains sont plus grands. » Il existerait donc bien des « lois psychologiques », comme le dit Marcel Proust. Ces lois, ou cette mécanique, si bien décrites par les romanciers, René Girard en dégage et formule clairement le fondement : le caractère mimétique du désir. Tel est le contenu de son premier livre : Mensonge romantique et Vérité romanesque (1961). Selon Girard, tout désir est l’imitation du désir d’un autre. Loin d’être autonome (c’est l’illusion romantique), notre désir est toujours suscité par le désir qu’un autre – le modèle – a d’un objet quelconque.
René Girard est croyant depuis sa conversion au catholicisme intervenue à l’époque où il préparait son premier livre. Mais il a développé son œuvre de façon rigoureuse— « Aucun appel au surnaturel ne doit rompre le fil des analyses anthropologiques » — et a toujours affirmé que la théorie mimétique doit être jugée à l’aune de sa puissance explicative et de sa simplicité. Son œuvre peut être caractérisée comme une « anthropologie évangélique » dans la mesure où, pour lui, la théorie mimétique ressort telle quelle des textes bibliques et évangéliques qui « permettent de résoudre des énigmes que la pensée moderne n’a jamais résolues, au premier chef celle du religieux archaïque qui ne fait qu’un avec l’énigme du fondement social».
Paul Valadier dans la revue Etvdes exprime sa réticence à l’égard de cette théorie qui assimilerait à ses yeux la foi à une évidence scientifique, dans un commentaire de Celui par qui le scandale arrive : « Au reproche fait jadis d’avoir affaire à une gnose nouvelle manière (le salut viendrait de la connaissance du mécanisme victimaire) ou à du pélagianisme, Girard oppose maintenant que l’entrée dans l’intelligence de sa théorie suppose une conversion (p. 99), et même une grâce. Mais comment concilier cette rectification avec l’affirmation maintenue que la théorie est scientifique et relève – ou relèvera bientôt – de l’évidence? On voit mal comment la foi pourrait échapper au registre de la libre adhésion, qui est tout autre que la découverte d’un mécanisme victimaire, même s’il faut, en effet, quelque courage pour admettre que ce mécanisme concerne chacun d’entre nous
Le sujet désirant attribue un prestige particulier au modèle : l’autonomie métaphysique ; il croit que le modèle désire par lui-même. Le rapport n’est pas direct entre le sujet et l’objet : il y a toujours un triangle. À travers l’objet, c’est le modèle, que Girard appelle médiateur, qui attire ; c’est l’être du modèle, qui est recherché. René Girard qualifie le désir de métaphysique dans la mesure où, dès lors qu’il est autre chose qu’un simple besoin ou appétit, « tout désir est désir d’être », aspiration à la plénitude ontologique attribuée au médiateur. En cela, contrairement au besoin, le désir humain recèle un caractère infini, au sens où il ne peut jamais être véritablement satisfait.
René Girard, né en Avignon (Vaucluse) le 25 décembre 1923 et mort le 4 novembre 2015 à Stanford en Californie, est un anthropologue et philosophe français, élu à l’Académie française en 2005.
Ancien élève de l’École des chartes et professeur émérite de littérature comparée à l’université Stanford et à l’université Duke aux États-Unis, il est l’inventeur de la « théorie mimétique » qui, à partir de la découverte du caractère mimétique du désir, cherche à fonder une nouvelle anthropologie de la violence et du religieux.