Le recrutement de contractuels dans les administrations publiques
Le comité interministériel de la transformation publique du 1er février 2018 a décidé le lancement d’une concertation sur plusieurs chantiers, notamment « un élargissement du recours au contrat pour donner davantage de souplesse dans les recrutements » et « un accompagnement renforcé en matière d’évolution de carrière », notamment des reconversions « sous forme soit de mobilité au sein des fonctions publiques, soit de départs de la fonction publique vers le secteur privé ».
Certains services publics sont manifestement en sous-effectifs, mais les besoins à satisfaire peuvent n’être que temporaires. Des recrutements sur des contrats à durée déterminée sont donc nécessaires. Ils sont certes déjà nombreux puisque les contractuels représentent environ un agent sur cinq, mais ils pourraient l’être encore plus et il faudrait renoncer aux plans de titularisation.
La faiblesse de la mobilité des fonctionnaires est l’un des principaux obstacles à la transformation des services publics, que les plans de départs volontaires et les recrutements de contractuels essayent de contourner. Cette mobilité doit être renforcée par des incitations financières et une formation adéquate, mais aussi par des obligations plus strictes pour les agents car c’est une contrepartie de la garantie de l’emploi.
A) Des recrutements plus nombreux sur des contrats à durée déterminée peuvent être nécessaires
Le recrutement d’un fonctionnaire correspond à l’engagement de verser, en moyenne, un salaire net annuel de 30 000 €, pour les fonctionnaires civils de l’Etat à plein temps, pendant plus de 42 ans puis une pension de retraite de 31 000 € (75 % du salaire des six derniers mois d’activité) pendant 23 ans (hommes) ou 30 ans (femmes). Or, compte-tenu de la rapidité d’évolution des nouvelles technologies et des besoins, il est impossible de savoir si le poste ainsi pourvu sera justifié à un horizon bien plus court.
La signature d’un contrat à durée indéterminée correspond à un engagement aussi important dans la mesure où il n’y a pas de licenciements économiques dans le secteur public. Les contrats à durée indéterminée passées par les administrations présentent même souvent plus de rigidité que le statut de la fonction publique lorsqu’il s’agit de changer les agents d’affectation, celle-ci étant précisée dans le contrat. Seuls les contrats à durée déterminée donnent aux administrations une réelle souplesse de gestion.
Le statut général de la fonction publique autorise, par dérogation, le recrutement de « fonctionnaires non titulaires » (ou « contractuels ») sur des contrats à durée déterminée de trois ans au maximum, renouvelables une fois, pour répondre à un besoin temporaire ou à un besoin permanent pour lequel il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptible d’exercer les fonctions correspondantes.
En 2015, ces contractuels représentaient 22 % des effectifs physiques totaux de l’ensemble des trois fonctions publiques, une part stable depuis 5 ans mais en hausse sur une plus longue durée, soit 19 % pour la fonction publique de l’Etat, 21 % pour celle des hôpitaux et 25 % pour celle des collectivités locales . Ils sont plus jeunes, plus souvent ouvriers ou employés et plus souvent à temps partiel que les fonctionnaires titulaires.
Depuis 1946, une quinzaine de plans de titularisation se sont succédés, soit environ un tous les cinq ans, pour faciliter la transformation de ces CDD en CDI ou l’intégration des agents contractuels dans un corps de fonctionnaires. Le dernier plan, le « dispositif Sauvadet », résulte d’une loi de 2012.
Une étude présentée dans le rapport de 2017 sur l’état de la fonction publique montre que les 300 000 agents recrutés en 2011 par contrat sur un premier poste sont en 2015 pour 20 à 25 % d’entre eux (selon la catégorie d’employeurs) sur un CDD renouvelé ou sur un CDI et sont pour 14 % (Etat), 23 % (collectivités territoriales) et 30 % (hôpitaux) d’entre eux devenus fonctionnaires.
Des recrutements plus nombreux sur contrats à durée déterminée peuvent donc être nécessaires pour répondre à des besoins temporaires, mais il faudrait renoncer à tout nouveau plan de titularisation.
B) La mobilité des fonctionnaires doit être renforcée
Les départs volontaires et les recrutements sur contrats à durée déterminée sont nécessaires parce que les fonctionnaires ne sont pas assez mobiles et qu’il est donc très difficile de les faire évoluer des services en sureffectif vers les services en sous-effectif.
La priorité devrait donc surtout être de renforcer la mobilité des fonctionnaires (cf. note d’analyse sur le statut de la fonction publique).
Le cloisonnement de la gestion des fonctionnaires en corps et ministères, dont les régimes indemnitaires et les déroulements de carrière sont très différents, constitue un obstacle majeur à cette nécessaire mobilité qui pourrait être favorisée par une convergence des statuts et des régimes indemnitaires dans le cadre d’une évolution vers une fonction publique de métier.
La mobilité entre les trois fonctions publiques serait plus facile si le régime de retraite des fonctionnaires de l’Etat ne différait pas de celui des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
La faiblesse de la mobilité dans la fonction publique résulte également de l’organisation de l’Etat (en particulier, la LOLF institue une gestion verticale par ministère et par programme qui s’oppose à la mobilité des agents) et de la préférence des organisations syndicales pour une gestion centralisée des agents par ministère et par corps. « L’amélioration du dialogue social dans le secteur public par sa simplification et sa déconcentration » qui a été annoncée lors du premier comité interministériel de la transformation publique est à cet égard nécessaire. Elle constituera le pendant public de la réforme du dialogue social dans les entreprises privées qui a été engagée l’été dernier.
Comme le Gouvernement l’a aussi annoncée, un « véritable effort de formation » doit être mis en place, appuyé sur des outils performants de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Enfin, les obligations de mobilité dans l’intérêt du service devraient être renforcées. Si un fonctionnaire n’accepte aucun des trois postes qui doivent lui être proposés dans le cadre d’une réorganisation, un licenciement est en principe possible mais, dans la pratique, c’est très rare.
A titre d’illustration, dans la plupart des cas de délocalisation de services de la région parisienne vers la province, les agents n’ont pas déménagé. Ils ont été affectés dans d’autres services en région parisienne, où leurs compétences étaient moins nécessaires, et il a fallu recruter de nouveaux fonctionnaires dans les services délocalisés, qui n’avaient pas toujours les compétences requises.
Cette obligation de mobilité est une contrepartie de l’emploi à vie qui a été assez largement perdue de vue en pratique dans la fonction publique et qui doit redevenir une réalité. L’article 4 de la loi du 13 juillet 1983 précise en effet que « le fonctionnaire est, vis-à-vis de l’administration, dans une situation statutaire et réglementaire ». Il n’a pas passé un contrat dont il peut exiger le respect mais, s’il est protégé par son statut contre les licenciements, il dépend en principe des décisions prises par le Gouvernement dans le cadre de son pouvoir réglementaire, notamment des décisions d’affectation.
F. ECALLE