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Régionales 2015 : le FN peut-il vraiment gagner plusieurs régions ?

mamadouLes 5 et 13 Décembre, les Français devront se prononcer pour élire les conseillers régionaux à la tête des treize régions de France nouvellement dessinées par la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) adoptée par le Parlement le 17 Décembre 2014.

La progression du FN

Si l’on en croit l’infographie réalisée par Nil Sanyas, la dernière édition des Européennes et des Départementales a fait exploser le nombre d’électeurs du FN. Pour les premières, le Front National n’avait conquis que 1 147 452 votants en 2009 contre 4 712 461 en 2014. Même tendance pour les Départementales où le parti d’extrême droite affichait un score de 2 766 427 votants en 2011 contre 5 142 177 en 2015. En revanche, le FN perd plus d’un million de votants lors des régionales de 2010 (2 223 800) par rapport à celles de 2004 (3 718 015). Globalement, le parti connait donc une progression notable qui s’explique notamment par sa présence locale marquée. Aux dernières Départementales, le Front National a ainsi présenté 7648 candidats dans 1912 des 2054 cantons, soit une présence de 93%. C’est bien plus que le PC et l’Union de la Gauche (77,4%), l’UMP et l’Union de la Droite (77,6%) et que le Front de Gauche et les Communistes (58,2%).

Les régions où les percées du FN sont les plus significatives

Les derniers chiffres obtenus pour le FN montrent que deux régions sont particulièrement exposées à la montée de l’extrême droite : le Nord-Pas-de-Calais – Picardie et la Provence-Alpes-Côte d’Azur. Avec 36,2% des voix aux Européennes 2014 et 34,2% aux Départementales 2015, Marine Le Pen a acquis dans le Nord de la France un large groupe d’électeurs. Idem dans la région du Sud-Est où elle obtient un peu plus de 33% des voix aux Européennes 2014 et aux Départementales 2015.

Selon les derniers sondages, Marine Le Pen prend largement la tête avec des intentions de votes au premier tour compris entre 35 et 42%, devant le LR Xavier Bertrand (25 à 26%) et le PS Pierre de Saintignon (15 à 19%). Le Partie de gauche, le PCF et EELV réuniraient 13 à 17% des voix. En supposant qu’une triangulaire ait lieu entre le PS, le LR et le FN, Marine Le Pen pourrait obtenir au second tour entre 37 et 46% des suffrages.

Concernant la Provence-Alpes-Côte d’Azur, les derniers sondages d’octobre révèlent un premier tour serré entre la nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal-Le Pen, qui obtiendrait 34 à 36% des voix et le LR de Christian Estrosi, maire de Nice (30 à 32%). Le PS se trouve nettement écarté avec seulement 16 à 18% des suffrages pour Christophe Castaner. Difficile actuellement de savoir qui l’emporterait en cas de triangulaire entre le PS, le LR et le FN, car la droite et le FN détiennent actuellement des intentions de votes semblables. Toutefois, le PS a peu de chance de gagner si l’on en croit les sondages actuels. Au second tour, il obtiendrait entre 27 et 29% des votes.

Le Nord-Pas-de-Calais – Picardie et la Provence-Alpes-Côte d’Azur se distinguent des autres régions par des intentions de votes pour le FN de plus de 34% au premier tour des Régionales 2015. Cette percée de l’extrême droite n’est pourtant pas anodine. Au Nord, elle s’explique en particulier par l’histoire de la région. La fermeture des mines de charbon a provoqué une hausse du chômage qui est toujours très marquée aujourd’hui. Les jeunes en font les frais car trouver un emploi s’avère souvent un véritable parcours du combattant, de nombreuses entreprises mettant régulièrement la clé sous la porte. Autre fait marquant : la présence de la ville de Roubaix en tête du classement du taux de pauvreté des 100 plus grandes communes de France avec un taux de 45%, suivie par Calais (15ème place, 30%) et Lille (22ème place, 25%). Le Nord-Pas-de-Calais – Picardie est la 3ème région la plus pauvre de France après la Corse et le Languedoc-Roussillon. Après avoir longtemps voté pour la gauche ou la droite, ses habitants n’ont pas vu d’améliorations concernant leur situation. L’arrivée des migrants à Calais n’a pas non plus calmé les esprits, de nombreuses personnes s’offusquant de la « facilité » à trouver un hébergement et de la nourriture à des étrangers quand d’autres meurent de froid et de faim dans la rue. Dans ce climat, l’extrême droite n’a pas hésité à se positionner en défenseur des français voulant dernièrement « éradiquer l’immigration bactérienne » et expliquant ouvertement que la baisse du chômage annoncée n’était en réalité qu’une manipulation des chiffres, de nombreux chômeurs étant brutalement changés de catégorie ou radiés. Donner sa voix au FN représente pour beaucoup une source d’espoir, l’espoir que ce parti, bien qu’extrême, puisse changer ce que ni la gauche ni la droite n’a pu changer jusqu’à maintenant. La situation de la Provence-Alpes-Côte d’Azur est assez similaire avec un taux de chômage pour 2015 de 11,5%.

Les régions de l’Est penchent aussi pour l’Extrême droite

En Alsace, Champagne Ardenne et Lorraine, le FN avait recueilli 30,7% des voix lors des Départementales 2015 et 29,6% pour les Européennes 2014. En Franche-Comté et Bourgogne, le FN affichait un score autour de 27,7 %. La présence du Front National y est relativement bien marquée. En étudiant les taux de chômage pour 2015, on peut remarquer qu’ils sont pour ces régions compris entre 9,2 et 10,9%. Si les sondages réalisés du 2 au 5 novembre laissent penser que la région Franche-Comté – Bourgogne pourrait passer à droite avec François Sauvadet (31% des suffrages au premier tour), l’Alsace-Lorraine Champagne-Ardenne pourrait être la troisième région à basculer du côté du FN avec le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et la PACA. En effet, Florian Philippot est à ce jour en tête des intentions de votes pour le premier tour des Régionales 2015 avec 32% des voix, devant Les Républicains (30%), le PS et le Parti Radical de Gauche (19%), et le Front de Gauche (6,5%).

Le net contraste de deux régions de l’Ouest

Au vu des informations détenues à ce jour, il serait particulièrement étonnant que deux régions de l’Ouest puissent tomber dans les mains du FN : l’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et la Bretagne. En effet, elles affichaient respectivement des scores de 20,1 et 18,3% pour l’Extrême Droite aux dernières Départementales, des pourcentages nettement plus bas que ceux observés à l’échelle nationale. Les sondages réalisés confirment ces prévisions avec un net avantage pour la gauche. En Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, le PS obtiendrait au premier tour 36% des suffrages avec Alain Rousset, suivi par Virginie Calmels (LR) avec 30% et par Jacques Colombier (FN) avec 20%. Il pourrait également gagner les voix des écologistes (5%) et du Front de gauche (5%) au second tour, totalisant ainsi 46% des suffrages et distançant les 33% du LR. En Bretagne, le premier tour devrait se jouer entre le socialiste Jean-Yves Le Drian et Marc Le Fur du LR qui obtiennent des résultats contradictoires suivant les sondages, l’écart entre les deux partis étant assez serré. Néanmoins, une triangulaire donnerait très probablement l’avantage au PS avec 46% des voix récoltées. Le FN serait écarté avec seulement 18% des suffrages.

Reste à savoir comment expliquer ces différences particulièrement frappantes de popularité du FN. Le taux de chômage varie pourtant entre 8,8 et 9,9% dans ces régions, ce qui n’est pas négligeable. L’Extrême droite, qui utilise les fractures sociales pour étoffer ses propos et son programme pourrait donc très bien y trouver son compte, ce qui n’est pas le cas. Et pour cause, l’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et la Bretagne sont dotées d’une identité régionale profondément ancrée dans les esprits. Selon un article de l’Agence Bretagne Presse, le FN serait même un « ennemi des intérêts de la Bretagne et des Bretons ». On peut notamment y lire que « la Bretagne a ses propres atouts et une identité singulière forte, une identité que le FN veut d’ailleurs détruire, proposant comme Marion Le Pen de supprimer les prénoms bretons ou, comme sa tante Marine, de combattre la langue bretonne ». « Nous avons fait le choix de la Bretagne avec Marc Le Fur, parce que son programme, pragmatique et novateur d’un point de vue économique, tient compte de notre identité bretonne et de ses atouts, s’inspire de l’esprit pionnier des Bretons, et que la réunification est au cœur de son projet. », peut-on y lire également. Des propos qui se trouvent donc aux antipodes de la réflexion menée par le Nord et la région PACA qui voient en l’Extrême droite une solution aux problèmes actuels. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, la montée du FN pourrait donc tout aussi bien s’expliquer par les pertes d’identités (catalanes, occitanes,…) régionales.

Au bilan, les Régionales 2015 pourraient se solder par une percée du FN sur trois régions. Il faudra toutefois attendre mi-décembre pour confirmer ces prédictions.

A.B

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