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Rester humain… ou devenir plus humain ?

 

On lit souvent des phrases telles que « Mieux vaut être très humain que transhumain ! », ou « Le transhumanisme n’est pas un humanisme, car il nous déshumanise par définition ! ». Et si ces condamnations étaient en fait basées sur une imposture sémantique ?

La plupart des gens sont attachés à ce qu’ils appellent leur « humanité ». A l’inverse, des mots comme « inhumain » sont connotés très négativement.

Or, dans le mot « transhumanisme », il y a une idée de changement continu (« trans ») par rapport à ce que nous considérons comme notre état actuel (« humain »). Ainsi, on lit souvent des phrases telles que :

« Mieux vaut être très humain que transhumain ! »

« Le transhumanisme n’est pas un humanisme, car il nous déshumanise par définition ! »

Et si ces condamnations étaient en fait basées sur une imposture sémantique ? Le mot « humain » a en effet deux sens : un sens biologique, et un sens philosophique.

Dans le sens biologique, un humain est un animal de l’espèce homo sapiens, ce qui implique certaines caractéristiques : deux bras, deux jambes, une espérance de vie d’environ 80 ans [1], un cerveau d’environ 1500 grammes… Or, il deviendra bientôt possible de jouer sur ces caractéristiques biologiques : allongement de l’espérance de vie, amélioration de nos capacités cognitives, organes artificiels… Ce faisant, on s’éloigne de la définition strictement biologique de l’humain – de la même manière qu’un homo sapiens n’est plus un homo erectus. C’est dans ce sens-là que le mot « transhumanisme » doit être compris.

Dans le sens philosophique, être « humain » implique des qualités que nous pensons (à tort ou à raison) propres à nous : intelligence, empathie, créativité, sensibilité artistique… Les anglophones ont un mot pour cela : « humane » (avec un « e »), à ne pas confondre avec « human ». Malheureusement, cette nuance n’existe pas en français : le mot « humain » peut être compris aussi bien au sens biologique qu’au sens philosophique.

Ainsi, lorsqu’on affirme haut et fort que le transhumanisme nous « déshumanise », on joue sur les mots : sous prétexte que le transhumanisme modifie notre humanité biologique, on sous-entend qu’il malmène notre humanité philosophique – comme si ces deux choses étaient inextricablement liées. Or, mettre un même mot sur deux concepts différents ne suffit pas à les rendre équivalents, loin s’en faut !

En effet, vivre plus longtemps en bonne santé ne nous fait en rien perdre notre humanité « philosophique ». Au contraire, cela nous permet d’en profiter plus longtemps, et d’acquérir davantage de connaissances et de sagesse. Quant à l’augmentation cognitive, elle vise justement à renforcer ce qui fait l’essence de notre humanité (comme dit plus haut : intelligence, empathie, créativité, sensibilité artistique…). En ce sens, cela vise précisément à nous rendre plus humains ! Enfin, les diverses interfaces entre l’humain et la machine (contrôle par la penséeréalité virtuelle …) étendent le champ des possibilités humaines : connaissance, découvertes scientifiques, entraînement sportif, création artistique…

A la lecture du paragraphe précédent, un critique du transhumanisme embrayera aussitôt sur les objections usuelles : risque d’ennui, de perte de contrôle, de société dystopique… C’est là tout un débat, qui doit avoir lieu si nous voulons éviter de nous égarer. Mais ce que nous voulons montrer ici, c’est quelque chose de beaucoup plus simple : le transhumanisme ne nous fait pas par essence perdre notre humanité. Il peut mener à certains écueils, mais il peut aussi nous rendre beaucoup plus « humain » au sens philosophique du terme. Affirmer le contraire, c’est jouer sur les mots et se cacher derrière une imposture sémantique.

Mais plutôt que de nous quereller sur le sens du mot « humain », pourquoi ne nous demanderions-nous pas tout simplement : quelles caractéristiques jugeons-nous importantes chez nous ? Et surtout, quelle caractéristiques souhaitons-nous (ou pas) développer ? [2]

C’est sur cela que devrait se concentrer le débat. Sans recourir à des phrases toutes faites (« le transhumanisme nous déshumanise ») qui jouent sur notre compréhension approximative des mots.

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