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Retour du bipartisme en Espagne? Par Germán Gorraiz López

Dans son livre La CIA en Espagne (2007), le chercheur madrilène bien connu Alfredo Grimaldos, assure que l’arrivée au pouvoir du socialiste Felipe González à la présidence du gouvernement espagnol en 1982 était en fait l’alternative «conçue et contrôlée par la CIA pour maintenir la tutelle sur l’Espagne», une stratégie conçue au Congrès de Suresnes après laquelle on a assisté à l’acte de décès du camarade «Isidoro»* et à la naissance d’un Felipe Gónzalez qui était déjà devenu secrétaire général d’un PSOE protégé par la CIA.

Le GAL (Groupes antiterroristes de libération) et Monsieur X. La dérive totalitaire de l’Etat espagnol commence avec la mise en œuvre de la doctrine de l’alternance au pouvoir du bipartisme PP-PSOE comme défense et garant de l’establishment dominant susmentionné, résultat de l’accord tacite entre les partis politiques après le coup d’Etat simulé de Tejero (23 février 1981), et est devenu majeur avec l’arrivée au pouvoir du PSOE et la nomination comme président du gouvernement de Felipe González (1982). Avec Felipe González, nous assistons à la mise en place de la Transition idyllique et au début de la dérive du totalitarisme du système par la mise en œuvre de ce qu’on appelle le «terrorisme d’Etat» ou la «guerre sale» contre l’ETA et son entourage, dont les Groupes antiterroristes de libération (commandos para-policiers et paramilitaires espagnols) seraient un paradigme.

Ce complot a été découvert grâce aux enquêtes des journalistes de Deia, Diario16 et d’El Mundo. Mais, bien que l’une des personnes impliquées, le commissaire Amedo ayant déclaré que «les GAL étaient la décision de Felipe Gónzalez» et bien qu’à son époque ce n’était pas possible de prouver que le mystérieux «Monsieur X», qui a tiré les ficelles du GAL dans l’ombre, était le président du gouvernement de l’époque, Felipe González, la récente déclassification des documents de la CIA citée par le journal La Razón, confirme que Felipe González «a accepté de créer un groupe de mercenaires pour combattre les terroristes en dehors de la loi». La Razon rajoute que «les références démocratiques du gouvernement espagnol et du Parti socialiste seraient sérieusement ternies».

Un jalon fondamental dans la spirale involutionniste du régime de 1978 serait la mise en œuvre par le gouvernement socialiste de Felipe González de la loi antiterroriste de 1985, définie par José Manuel Bandrés dans son article «La loi antiterroriste: un état d’exception clandestine», publié dans le journal El País, comme «l’application de facto de l’état d’exception secret». Ladite loi antiterroriste (toujours en vigueur malgré l’absence d’activité de l’ETA), serait un anachronisme typique de la dictature franquiste, un vide juridique qui pourrait transformer les sous-sols des casernes et des commissariats en Guantánamo virtuel réfractaire au contrôle des juges, procureurs et avocats.

Felipe Gónzalez, figure de proue de l’établissement. L’establishment dominant de l’Etat espagnol est composé des élites financières et commerciales, des politiciens, des militaristes, de la hiérarchie catholique, des universités et des médias de l’Etat espagnol, héritiers naturels de l’héritage du général Franco qui ont englouti toutes les sphères de décision (selon la lecture du livre Oligarchie financière et pouvoir politique en Espagne écrit par l’ancien banquier Manuel Puerto Ducet). La formation d’un gouvernement de coalition «à la Navarre» entre le PSOE et Unidas Podemos aurait déclenché des alarmes dans l’establishment pour lequel une croisade médiatique aurait commencé à délégitimer «l’union contre nature du PSOE et de Podemos dirigés par Felipe González et Juan Luis Cebrián, reconverti en figures de proue de l’Establishment.

Ainsi, après un éditorial dévastateur du groupe PRISAcontre le gouvernement de coalition PSOE-Unis, on a assisté au limogeage brutal de Soledad Gallego-Díaz (directrice du journal El País, fleuron du groupe PRISA) et son remplacement par la voix de son maître, l’ancien directeur Javier Moreno, à des changements motivés par la pression d’Ana Botín, à la tête visible de la banque Santander, qui contrôlerait 5% de groupe PRISA et dont la dette à la fin de 2019 était proche du chiffre astronomique de 1 000 millions d’euros et aurait donc besoin d’une restructuration urgente de sa dette pour éviter son asphyxie économique. Une fusion ultérieure avec le groupe VOCENTO n’est pas exclue.

De même, ils travailleraient dans les coulisses pour faire pression sur Alberto Feijóo et Pedro Sánchez et les convaincre «dans l’intérêt général de l’Espagne» de la nécessité urgente d’un gouvernement de salut national PSOE-PP après les élections de 2023, un accord qui aurait la bénédiction de l’establishment financier et aurait pour objectif ultime le retour du bipartisme PSOE-PP et l’adoption de coupes suite aux diktats de la troïka européenne pour éviter le sauvetage. Ces mesures se traduiront par une réduction drastique des subventions sociales qui affecteront la durée et le montant des indemnités de chômage. De même, elles mettront en scène la métamorphose du Régime de 1978 par une réforme adoucie de la Constitution actuelle en vigueur pour mettre en place un Etat monarchique et bonapartiste et eurocentriste, suivant la citation de Giuseppe Tomasi Di Lampedusa: «Il faut que tout change pour que rien ne change».

*«Isidoro» était le nom utilisé par Felipe González lorsque le PSOE vivait dans la clandestinité

Germán Gorraiz López, analyste politique

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