« Sadiq Khan, maire de Londres : exit Houellebecq, vive Ratatouille ! par Alexandre Melnik
Un musulman de modeste origine pakistanaise à la tête de la plus grande ville occidentale (Londres a récemment dépassé New York en termes du nombre d’habitants), une ville – monde, fenêtre ouverte sur le XXI siècle… comparée avec une Paris, majestueusement figée dans l’histoire.
Faut – il y voir le début d’une « soumission » de l’Occident à l’islam agressif, avec son prétendu « agenda cachée » de conquête mondiale, dans l’esprit de Michel Houellebecq ? Ou une belle illustration de la race to the top, rendant aujourd’hui possible ce qui était inimaginable hier, dans l’inspiration de Ratatouille, un rat qui devient, grâce à ses propres qualités, un chef cuisinier d’un grand restaurant parisien ?
Un nouveau spasme d’une crispation identitaire ou l’ode à un melting – pot bouillonnant et créatif ?
Peur ou espoir ?
Passé ou avenir ?
En formulant, à travers ces dichotomies, l’amplitude des interprétations possibles, je ne fais que bâtir un socle sur lequel chacun pourra forger son opinion autonome, en espérant que la mienne est clairement exprimée.
Entendons – nous bien sur l’essentiel : qu’on le veuille ou non, la globalisation – « nexus of peuple, places and ideas » (rien à voir avec le bâtard sémantique de sa malheureuse traduction en français « mondialisation » !) – est la quintessence de notre époque. L’air que nous respirons tous, partout, à tout instant, en ce début de nouveau millénaire.
La globalisation, perçue ainsi, à savoir – comme « mot de passe » dans « le logiciel » du XXI siècle, n’altère en rien l’identité culturelle : elle la réinitialise, en reliant en permanence, via un clic, un producteur de camembert dans l’Orne à un fabricant de smartphone à Baotou en Chine. Ce qui ne veut absolument pas dire que le premier devient, du point de vue identitaire, moins français, et le second – moins chinois. La globalisation, c’est l’apothéose d’une diversité que l’Humanité n’avait jamais auparavant connue !
Bref, contrairement à la doxa dominante qui étouffe la France, la globalisation et l’identité, loin d’être antinomiques, sont deux notions complémentaires, voire inséparables, qui avancent, dans notre monde, ensemble main dans la main, comme le yin et le yang, dans la philosophie chinoise.
Voilà la principale leçon que je tire de l’élection de Sadiq Khan.
EVELYNE GISSE-ILKIW
Je suis très déçue d’avoir à constater votre totale irresponsabilité de réflexion dans le monde actuel. L’avenir prouvera vos torts à approuver la présence des musulmans.
Guy Prouin
La peur des musulmans ressentie chez bon nombre de personnes provient du flou perçu entre le bien et le mal et l’acceptable et l’inacceptable. Les musulmans font peur, car leur culture offre un spectre moral qui s’étend jusqu’à l’horreur. Faute de frontière entre les bons musulmans et les autres, tous suscitent la suspicion. Pourtant cette frontière est facile à déterminer. C’est celle de la laïcité définie par deux fondements. La première est connue, elle est celle de la séparation des pouvoirs politiques et religieux. La deuxième l’est moins, car elle concerne la morale qui est devenue un gros mot dans la bouche qui l’évoque. Pourtant elle est sous-jacente à tous les propos qui évoquent les valeurs de la république ou la civilité des comportements. La laïcité se définit aussi par sa morale : la morale de la vie. Ses valeurs se déduisent de l’ultime projet de chaque être humain de respecter la vie humaine et la pérennité de son espèce. Respecter la vie, c’est la défendre notamment en créant les conditions pour que l’être humain éprouve du plaisir à vivre. Des conditions qui éloignent de la dépression, font désirer la paix et donnent le goût du challenge. Avec cette définition, les individus se divisent entre les laïcs et les adversaires de la vie. Dans ces conditions, un musulman laïc est une personne parfaitement respectable. Si Sadiq Khan est sincèrement laïc, il peut être une chance pour les Londoniens.
Melnik
Merci pour vos réactions à ma tribune. En attendant le jugement
» de l’avenir sur mes torts », je peux vous assurer que :
– je doute moi – même en permanence sur la justesse de ma perception de l’évolution du monde , le doute étant consubstantiel, à mon avis, à toute réflexion géo-philosophique (qui peut prétendre avoir le monopole de la Vérité en la matière ?) et j’avoue , en toute transparence, mes erreurs d’appréciation (par exemple , j’ai sous-estimé le degré d’efficacité de la campagne syrienne de Poutine, tout en restant persuadé qu’à long terme, elle ne se situe pas du « bon côté de l’Histoire ») ;
– je ne suis apôtre d’aucune religion, étant profondément athée. Le seul « Dieu » auquel je crois , c’est le talent de l’Etre Humain, capable de se surpasser sur le chemin de son épanouissement et celui de l’Autre (d’ou les fréquentes références à la métaphore de Ratatouille). Plus précisément, en l’occurrence, je pense que le Coran de Sadiq Khan, qui est compatible avec la bière et le mariage gay, n’a plus de pertinence historique que le « communisme » chinois actuel qui exalte la priorité privée et l’enrichissement individuel.
Bien à vous .
AM