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SNCF : « gréviculture », « jusqu’au-boutistes »… 2,4 millions de journées perdues

Coup d’envoi de trois mois de galère pour les usagers de la SNCF… Dès lundi 19h, les cheminots – à l’appel de la CGT, l’Unsa et la CFDT – entament une grève «inédite» qui s’étendra jusqu’au 28 juin. Pendant trois mois, les employés de la SNCF sont ainsi appelés à cesser de travailler deux jours sur cinq pour tenter de faire plier l’exécutif sur sa réforme du secteur ferroviaire. En tout temps, les gouvernements se sont cassés les dents sur ce monument françaos quasi-sacré et ont vu descendre dans les rues des cheminots par milliers. Ainsi, en dix ans, la SNCF a comptabilisé plus de 2,4 millions de journées perdues en raison de différents mouvements sociaux. Sous le terme de «journée perdue» on entend le nombre de jours non travaillés des agents en équivalent temps plein, pour cause de mouvement social.
«Statistiquement, les cheminots font sans doute plus grève que d’autres professions. En revanche, dans le passé, ils étaient loin d’être les plus grands acteurs des mouvements sociaux. On retrouvait plutôt des travailleurs du bâtiment, des mines ou de la métallurgie. Au fil des années, la pratique de la grève dans le privé a considérablement diminué», En moyenne, depuis 1980, les agents de la SNCF passent 1,18 journée, chaque année, à manifester ou à faire grève. Entre 2007 et aujourd’hui, ce chiffre monte à 1,5 journée non travaillée par an et par personne pour cause de mouvements sociaux.
Sur les dix dernières années, l’épisode de 2010 – marqué par deux mouvements sociaux majeurs – est celui qui a eu le plus d’ampleur. Selon les données fournies par la SNCF, 572.164 journées avaient alors été «perdues». Cette année-là, la CGT et Sud-Rail avaient lancé un appel à la grève au mois d’avril pour réclamer des réponses à la direction sur le projet de réorganisation des effectifs et sur l’avenir du fret. Le mouvement avait duré 15 jours. À la mi-octobre, les cheminots avaient retrouvé les pavés une seconde fois pour 18 jours de grève reconductible afin de manifester contre la réforme des retraites.
Plus anciennement, 1995 est également une date marquante pour les cheminots, qui s’étaient joints au mouvement de grève générale contre la réforme des retraites et le projet de révision du statut de la SNCF annoncé par le gouvernement Juppé. Au total, 1.054.920 journées avaient été perdues pour la SNCF et les 181.114 agents avaient cessé de travailler pendant 5,82 jours en moyenne
Bien évidemment, le syndicalisme est l’une des grandes composantes des mouvements sociaux et de la culture cheminote. «Les cheminots ont commencé à s’organiser syndicalement à la fin du 19e siècle en se dotant rapidement d’organisations importantes. Ils ont d’ailleurs été partie prenante de la création de la CGT», raconte l’historien Michel Pigenet.

Du fait de l’usage quotidien du ferroviaire en France, les grèves de cheminots passent rarement inaperçues… «Historiquement, les mouvements sociaux de cheminots partaient plutôt des ateliers et étaient, de fait, plus discrets puisqu’il n’y avait que peu d’incidences immédiates sur le trafic ferroviaire. Cela a changé avec le recours à la grève par les mécaniciens et les conducteurs. Là, les trains restaient au dépôt et à quai. Cela se voyait», explique l’historien. En outre, comme le système ferroviaire français est très centralisé, la moindre désorganisation se répercute sur l’ensemble du fonctionnement de la SNCF, d’où les désagréments rencontrés.
Au-delà des inconvénients que les usagers subissent, les mouvements sociaux ont également un coût important. Entre les billets non vendus, ceux remboursés, les substitutions de trains par des autocars et le manque à gagner sur le fret, la facture est lourde. Pour le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, chaque journée de grève coûte 20 millions d’euros. L’aspect financier pèse donc largement sur la durabilité des mouvements sociaux engagés. «La grève coûte cher à tout le monde. Les grévistes sont donc toujours à la recherche de la meilleure tactique, celle qui gêne le plus l’employeur financièrement et qui pèse le moins sur ses propres deniers», explique l’historien.
En mars, les syndicats CGT, Unsa et CFDT ont appelé à une grève par épisodes de deux jours sur cinq pendant trois mois. Ils ont déposé au total 18 préavis de grève distincts, du 3 avril au 28 juin. Cette annonce avait alors ouvert un nouveau point de désaccord avec la direction: celui du décompte des jours de grève.

Avec l’organisation d’une grève par intermittence, deux jours sur cinq, les cheminots avaient imaginé pouvoir alterner entre les journées de grève, non payées, et celles de repos, payées. Mais la SNCF a décidé de comptabiliser l’ensemble des trente-six journées de grève, réparties sur les mois d’avril, mai et juin, comme faisant partie d’un seul mouvement. De cette façon, les repos faisant partie de la période de grève ne sont pas compris. «Les jours de repos à la SNCF sont payés lorsque les jours travaillés ont existé. Lorsqu’il n’y a pas de jours travaillés, les jours de repos n’ont pas à être payés», a confirmé Guillaume Pepy….
GG

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