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Trump, la politique du tweet… et ses conséquences

 

Vous pensiez, peut-être assez naïvement et tout comme moi, que la fonction présidentielle impliquait une certaine tenue, une certaine maîtrise de soi, de l’exercice de sa parole publique.

Il n’en est manifestement plus rien. Tout ceci relève d’une époque révolue.

Aujourd’hui, nous vivons non seulement dans un monde de « post-vérité », dans un monde dominé par la presse de propagande qui ne se cache même plus, et dans un monde dans lesquels les maîtres du monde exercent leur pouvoir grâce à leur pouce vengeur… et Twitter.

La plateforme de micro-blogging, pourtant en perte de vitesse aussi bien financièrement que boursièrement, s’offre une visibilité sans pareil grâce au 45e président des Etats-Unis, j’ai nommé Donald Trump.

Trump n’a pas encore pris ses fonctions – cela sera le cas le 20 janvier prochain – mais il semble déjà avoir pris le pouvoir, du moins médiatique, tançant les grands noms de l’industrie américaine ou bien refaisant la géopolitique du globe à coups de 140 caractères.

De quoi nourrir la réflexion, non seulement sur le rôle des nouveaux médias mais aussi sur la signification, et la portée, de cette politique Twitter.

Puce Twitter, héraut de notre époque
Pourquoi Trump a-t-il choisi le réseau de micro-blogging pour imprimer son style sur cette période de transition ? Inscrit depuis mars 2009, celui qui ne pensait pas encore à la présidence américaine a vite compris l’intérêt de ce mode de communication, qui lui est devenu indispensable avec le lancement de sa campagne puis son élection.

Twitter est un outil de notre époque : il est accessible à tous, ou du moins à tous ceux qui ont accès à Internet et ne vivent pas sous le joug d’un gouvernement qui se pense investi de la mission de protéger son peuple du pépiement de l’oiseau bleu. En outre, il est gratuit. Il appartient à l’ère de l’instantanéité. Plus besoin de passer par une équipe de communication, plus d’intermédiaire, vous pouvez directement vous adresser au peuple. Et surtout, il évite toute réflexion trop complexe (et trop intelligente) en obligeant à s’exprimer en 140 caractères.

140 caractères, délivrés à tous, immédiatement… voici le nouvel outil du pouvoir.

Evidemment, 140 caractères, c’est peu et cela favorise donc non pas l’analyse mais le commentaire, la réaction, voire l’insulte.

J’ironise mais l’affaire est plus que sérieuse.

Puce Arme diplomatique en 140 caractères…
Tout d’abord diplomatiquement : messages en faveur de Poutine, en faveur de Taiwan ou contre la Chine, la politique internationale de Trump fait bouger les lignes et grincer bien des dents dans un monde où les relations sont généralement plus feutrées – et traditionnelles – que cela.

On se souvient de ses tweets sur le réchauffement climatique (une invention des Chinois) ou bien sur la guerre des devises à laquelle se livrerait Pékin. A chaque tweet de Trump, c’est toute l’Asie, de la Chine au Japon en passant par la Corée du Sud, qui s’interroge sur les intentions de la future administration américaine. La Corée du Sud aurait, selon le journal Korea Joongang Daily, dédié un diplomate à la surveillance du fil Twitter du président élu.

Puce … Et outil économique
Twitter a aussi été le biais privilégié par Trump ces dernières semaines pour peser économiquement. Le nouveau président s’en est ainsi directement pris à plusieurs grandes entreprises américaines.

A Boeing, par exemple, en décembre dernier :

Boeing construit un tout nouveau 747 Air Force One pour les prochains présidents mais le coût est exorbitant, plus de quatre milliards de dollars. Annulez la commande !

Puis à Lockheed Martin le 12 décembre :

The F-35 program and cost is out of control. Billions of dollars can and will be saved on military (and other) purchases after January 20th.
Le programme F-35 et ses coûts sont hors de contrôle. Des milliards de dollars peuvent être économisés et le seront en matière d’achats militaires (entre autres) après le 20 janvier.
Puis de nouveau le 22 décembre :

Based on the tremendous cost and cost overruns of the Lockheed Martin F-35, I have asked Boeing to price-out a comparable F-18 Super Hornet!
En raison des coûts et des dépassements de budgets formidables du F-35 de Lockheed Martin, j’ai demandé à Boeing un F-18 Super Hornet comparable et bien moins cher !

Après la première déclaration de Trump, le cours de Lockheed Martin s’effondrait de plus de 5%.
Depuis, les investisseurs sont nerveux sur la valeur, et ce n’est pas la seule qui subit les répercussions des tweets de Trump. Le secteur automobile est au premier rang pour en recevoir les rafales. General Motors, Ford, Fiat-Chrysler ou Toyota ont fait les frais des tweets rageurs de Trump.

Un exemple parmi d’autres, daté du 3 janvier :

General Motors is sending Mexican made model of Chevy Cruze to U.S. car dealers-tax free across border. Make in U.S.A. or pay big border tax!
General Motors envoie sans droit de douane des Chevy Cruze fabriquées au Mexique aux concessionnaires américains. Assemblez ces modèles aux Etats-Unis ou payez de grosses taxes d’importation !

Toyota, qui fait partie des trois plus grands vendeurs de voiture aux Etats-Unis, a aussi été ciblé :

Toyota Motor said will build a new plant in Baja, Mexico, to build Corolla cars for U.S. NO WAY! Build plant in U.S. or pay big border tax.
Toyota Motors a dit vouloir construire une nouvelle usine à Baja au Mexique, pour produire des Corolla à destination du marché américain, a-t-il tweeté le 5 janvier. PAS QUESTION ! Construisez cette usine aux Etats-Unis ou payez une taxe importante à la frontière.

Conséquence : -3% en bourse et un constructeur qui jure le cœur sur la main avoir l’intention de conserver l’essentiel de sa production sur le territoire américain.

Dans la foulée, Ford annonçait sa décision de maintenir quelques 700 postes aux Etats-Unis. Belle opération de communication qui a été saluée comme il se doit par Trump, toujours sur Twitter :

Thank you to Ford for scrapping a new plant in Mexico and creating 700 new jobs in the U.S. This is just the beginning – much more to follow.

Autre cible préférée de Trump, les géants de la Silicon Valley, adeptes de la délocalisation, tout particulièrement en Asie.

Que penser de tout cela ? Quelles conséquences et quelle portée a cette politique économique du tweet ?

Puce La mort de la presse
Premièrement, comme l’expliquent Ray Blanco et Gerald Celente dans le nouveau numéro de NewTech Insider, la presse traditionnelle est morte. Ils vont même jusqu’à prédire son effondrement d’ici la fin de l’année.

[NDLR : Mutations profondes dans le secteur de la presse : Ray vous propose de miser sur les nouveaux acteurs de contenu sur Internet, dans NewTech Insider.]

Dernier coup dans un édifice déjà moribond : l’élection de Trump.

Outre cette chute des revenus, du lectorat et de leur crédibilité, la quasi-totalité des journaux américains s’est prononcée contre Donald Trump, prenant position pour Hillary Clinton.

A mesure que la course à la Maison-Blanche se faisait plus intense, les attaques de Trump contre les médias se sont elles aussi intensifiées : il les a qualifiés d’incompétents, les a dénoncés comme peu fiables, et a encore fait baisser le niveau de confiance que leur accordait le grand public.

Maintenant qu’ils ont été mis K.-O. par les contre-attaques de Trump et par l’émergence d’autres sources alternatives d’information, nous sommes de plus en plus nombreux à penser que les grands médias sont inutiles et superflus.

Trump, grand fan de Twitter, ouvre la voie. Adieu les conférences de presse et les longs entretiens accordés à des journalistes qu’il a toujours condamnés et humiliés. Qui a besoin d’eux ? La vérité sera formulée selon mes termes, et sur Twitter, affirme Trump.

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