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Denis Tillinac nous a quittés…

Ce pourrait être l’épilogue d’une vie qu’il a mené comme une balade en zigzags sur les routes de son imaginaire. On pouvait le retrouver aux abords de sa maison d’édition (la Table ronde) dans le Quartier Latin, on pouvait le surprendre en terre d’Ovalie où il aimait se rendre, l’apercevoir dans une rédaction pour le besoin de ses chroniques ou dans les bureaux de la Fondation De Gaulle rue de Solférino avant de reprendre son train pour la Corrèze. Puis de repartir à un autre bout de ses mondes intimes. Il se jouait des frontières, tout le passionnait, surtout les coulisses et surtout les irréguliers. D’où une cinquantaine de livres crayonnés avec autant d’ironie que de tendresse. Car si Denis Tillinac n’aimait pas son époque, il avait de la sympathie pour les personnages qui tâtonnent aux marches de la gloire. Ou aux frontières du désespoir. Entre les lignes d’une prose de styliste, miroir parfois cruel des mœurs contemporaines, on perçoit les désarrois d’un immense écrivain.

 

Au final, Denis Tillinac s’est bien amusé. « Ta vie est un jeu ; n’en sacrifie pas la gratuité à des obligations. Un jeu tragique, souvent cruel et dont les cartes sont biseautées. Tout de même, ce «songe d’un songe» (Calderón), cet aléa si improbable et plus bref dans son genre que la vie d’un papillon, tâche d’en faire la marelle d’une cour de récréation. Émerveille-toi d’avoir sauté une case, avec cette gravité des enfants qui jouent. Émerveille-toi de tout et d’un rien en privilégiant l’envers poétique des êtres et des choses. Ta vie est un jeu amoureux ; n’en dilapide pas les mises sur les échiquiers dérisoires de l’esprit de sérieux. »

​S’il a soutenu des politiques, notamment son ami Chirac, c’est par le jeu d’une fidélité personnelle et il n’a jamais appartenu à un parti, un syndicat, une maçonnerie, jamais renoncé à sa liberté. Il se sentait totalement en exil dans le monde actuel. Qu’il jugeait trop mercantile, trop mécanique, trop inélégant, trop harcelant, trop immanent. « Réac » métaphysique et esthétique qui faisait l’apologie du détachement, de l’intériorité, de la mélancolie…

​ « Sois le condottiere de tes désirs, pas leur délégué syndical !
Prends tes distances avec le goût du jour. C’est ton inconsistance qu’instaurent la rotation accélérée des stocks d’un imaginaire concassé par l’info en boucle, le débat en cours, le spectacle en vogue, le dernier sondage, le dernier scandale. Éloigne-toi du bruitage de l’« actu» pour n’être pas frappé de surdité quand les vents de l’Histoire se mettront à hurler. Débranche-toi sans craindre d’être largué. Désintoxique-toi. Sois inactuel… 
»

Denis était le parrain d’une cloche de Notre-Dame de Paris et en tirait grande fierté. Nul doute qu’elle sonnera plus fort demain…

 

Sandrine de La Houssière

Comments

  • Anonyme
    septembre 28, 2020

    5

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