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Dépenses publiques, impôts, SNCF… Les extraits du livre choc d’Agnès Verdier-Molinié

En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables. Clemenceau
EXCLUSIF – Si elle salue les intentions réformatrices d’Emmanuel Macron, la fondatrice de l’Ifrap met en garde dans son dernier livre En marche vers l’immobilisme : rien ne serait pire que de décevoir les Français en sombrant dans le piège de l’enlisement. Les urgences, à ses yeux : réduire les dépenses publiques et les impôts, mais aussi renforcer au plus vite la compétitivité des entreprises.
● Le prélèvement à la source s’attaque à la familialisation de l’impôt
L’augmentation de la CSG a fait des ravages sur les porte-monnaie des retraités début 2018? Ce n’est rien par rapport à ce qui va se passer avec le prélèvement à la source en janvier 2019!
Tous ceux qui ont approché le sujet de près à Bercy savent que le prélèvement à la source est «un truc de technos manipulé par des idéologues». Un peu comme la Sécurité sociale qui refile son travail de remplissage des dossiers aux médecins. L’Etat refile son travail de prélèvement de l’impôt aux entreprises. De surcroît, il attaque au cœur l’un des principes de la France: la familialisation de l’impôt sur le revenu. Le rêve ultime de la gauche? C’est à se demander. […] Et pendant qu’on individualise de plus en plus l’impôt, on familialise de plus en plus les aides sociales. Même l’aide aux demandeurs d’asile est calculée en fonction de la composition du foyer.
● Ceux qui profitent du système ne veulent pas bouger Les régimes passent. Les abus restent. Il n’y a que les profiteurs qui changent
Les premiers mois du quinquennat ont été utilisés à vider les placards des cadavres laissés par la majorité précédente. De bonnes choses ont été réalisées, il faut le souligner: jour de carence, ISF vidé aux deux tiers, réduction du nombre d’emplois aidés… mais la liste est incomplète et se caractérise surtout par le fait que l’ambition reste faible derrière les rodomontades. En 2018, les ménages n’ont pas vu leurs impôts baisser et, d’ici à 2022, il y aura seulement 20 milliards de baisses d’impôts au total (et combien de hausses?), entreprises et ménages compris.
Le code du travail est encore plus lourd et les ordonnances offrent une vision bien gentillette de la flexibilité. Les seuils sociaux bloquent toujours (surtout celui de 50 salariés) la croissance de nos entreprises et les embauches. Le chômage stagne toujours pour l’instant avec plus de 6 millions de demandeurs d’emploi toutes catégories confondues.
Heureusement pour le gouvernement, le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) voté sous Hollande commence à porter ses fruits, booste un peu la croissance et l’emploi marchand.
Mais il ne suffit pas de thésauriser sur les deux bonnes mesures prises pendant le précédent quinquennat. La bataille de la compétitivité est loin d’être gagnée, la croissance faiblit et les jours filent à toute allure, plus le temps de rester au niveau de la réformette. Toujours trop d’élus, trop d’impôts, de dépenses, de communes, de taxes, d’aides sociales. Il ne reste plus que 1300 jours pour redresser la France avant les présidentielles de 2022.
Ceux qui profitent du système et ne veulent pas bouger sont aussi bien en place. Ils sont encore très puissants. Surtout, personne ne les contrôle vraiment. Ce sont des Etats dans l’Etat. Les grands corps, les syndicats paritaires et les élus n’en font qu’à leur tête. La rente publique, ils connaissent. Pour survivre, dès qu’ils le peuvent, ils transforment les réformes en monstres de complexité. Face à leur pouvoir d’inertie, les gouvernements passent et les réformes trépassent. Ce qu’ils veulent? Que l’immobilisme triomphe.
● SNCF, tout ça pour ça…
Une grève perlée de 36 jours sur 3 mois, la France bloquée, 790 millions d’euros jetés par les fenêtres! L’enjeu? La promesse de voir disparaître à partir de 2020 le statut de cheminot pour les nouveaux embauchés. La marque d’un gouvernement qui ne lâche rien? Et si la réforme de la SNCF faisait pschiiitC’est (plus que) possible car le projet du gouvernement, largement amendé lors de son passage au Parlement, propose bel et bien de transposer le statut des cheminots et ses avantages (on parle de «sac à dos social») en cas de transfert des cheminots SNCF vers d’autres entreprises ferroviaires. Un beau cadeau empoisonné pour les futurs concurrents. Ou plus vraisemblablement un moyen de tuer la réforme dans l’œuf.
● La réforme de l’État: c’est décourageant
Il est désabusé, cet éminent membre de CAP 2022 – ce sigle ésotérique désigne le Comité pour l’action publique censé phosphorer sur la réforme de l’Etat «pour une transformation du service public». L’autre jour, Emmanuel Macron en personne lui confie: «Je compte sur toi pour la réforme de l’Etat, j’espère que vous allez nous faire de belles propositions.» Notre éminent membre pâlit: «Il me dit “Je compte sur toi”? Mais moi je ne suis au courant de RIEN!
Réforme de l’État: un test décisif pour le macronisme : La France est un pays qui adore changer de gouvernement à condition que ce soit toujours le même.
La réforme de l’Etat, de l’action publique, de l’administration, de la fonction publique: on nous la promet sous toutes ses formes depuis 2007 (et même avant!). Nicolas Sarkozy inventait la RGPP pour la «révision générale des politiques publiques», François Hollande changeait le titre avec la MAP pour «modernisation de l’action publique». En parallèle, a été nommé un secrétariat général pour la modernisation de l’action publique pour coordonner ces questions auprès de Matignon, mais il laisse ensuite sa place à la DITP pour Direction interministérielle de la transformation publique et à la DINSIC pour Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat en 2017. Le tout en travaillant en partenariat avec la DGAFP, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique et la Direction du budget à Bercy. Un véritable dédale qui dure depuis plus de dix ans et tout ça pour rien.
Et ce n’est pas le seul sujet de reculade des ordonnances travail. Beaucoup d’experts le disent – en off -, les ordonnances, en réalité, ne changent rien, ou si peu. Un surplace qui arrange beaucoup de monde si l’on croit le concert de louanges qui a suivi leur adoption. Ainsi, Jacques Généreux, économiste classé à gauche, qui se déclarait «désespéré» par l’annonce des ordonnances, constatait, à son grand soulagement, qu’elles ne changeaient pas grand-chose. A côté, il faut noter la passivité dont l’ancien leader de FO, Jean-Claude Mailly, a fait preuve, lui qui a retenu ses troupes. De fait, le secrétaire général n’a pas voulu s’associer à l’appel à la manifestation lancé par la CGT et SUD en septembre 2017, ce qui a suscité des critiques et des interrogations, y compris dans ses propres rangs. Mais pourquoi manifester quand les branches et leurs pouvoirs étaient renforcés? Pourquoi se plaindre quand la marche pour passer des accords collectifs (et donc pour introduire plus de flexibilité) était un peu plus surélevée? Bref, pourquoi user ses bottines sur le bitume quand presque tout va dans votre sens?
● La France n’a pas retrouvé son attractivité fiscale
Quand vous posez la question suivante à la communauté française à Bruxelles, à Lisbonne, ou à Genève, «Qui sont ceux d’entre vous qui préparent leur retour en France?», la réponse est soit un silence de plomb, soit un grand éclat de rire, mais nul ne lève jamais la main. Cela arrivera peut-être. On l’espère en tout cas. Ce sujet reste totalement tabou. Et ce parce que les différents gouvernements, et surtout Bercy, savent bien qu’avec un taux de prélèvements obligatoires supérieur à tous ceux des pays européens, la France est loin d’avoir retrouvé son attractivité fiscale, même et surtout vis-à-vis de ses propres ouailles. Plus de 175 000 Français établis en Suisse, plus de 120 000 en Belgique avec une large surreprésentation des entrepreneurs. Le sujet reste largement sous-estimé.
«En marche vers l’immobilisme», par Agnès Verdier-Molinié, Albin Michel, 288 p., 20 €. En librairie le 26 septembre.
Cet article est publié dans l’édition du Figaro du 21/09/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici

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