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DEUX LEVIERS DE LA DEMOCRATIE: LIBERALISME ET JUSTICE

Depuis longtemps les faits démentent l’idée, mais l’idée demeure. Marx a été amené à passer de la thèse de la paupérisation absolue (les pauvres s’appauvrissent) à la paupérisation relative (les pauvres s’enrichissent moins vite que les riches), puis à la paupérisation mondialisée (l’impérialisme fait disparaître la pauvreté dans les pays riches grâce à l’exploitation des nations prolétaires). Sans aller jusqu’à ces positions extrêmes, un grand nombre de personnes sont persuadés qu’il y a plus de pauvres que jamais : injustice du libéralisme.

 

C’est un sentiment que la réalité dément : dans les pays libres, les écarts de revenus, puis les écarts de patrimoine, se sont réduits. Demeurent les dictatures où en effet tous les écarts se creusent. Globalement, les chances de vivre, de recevoir une éducation, d’être soigné, d’avoir un travail et un logement, ont été multipliées par un coefficient variant entre 5 et 20 suivant les pays, et l’on peut mesurer cette évolution positive à travers les « indices de développement humain » calculés chaque année. 

 

La justice, est-ce l’égalité ?

 

La justice est un concept attractif. Les « justes » ont toujours été donnés en exemple dans les nations civilisées. Mais s’agit-il d’une justice de comportement (le juste est celui qui a une conduite droite) ou d’une justice d’état (est frappé d’injustice celui qui est dans une situation inférieure) ? Hayek a montré l’impossibilité de fixer sérieusement un seuil d’inégalité que l’on pourrait considérer comme juste. Le niveau zéro d’inégalité des situations est impensable, sauf à l’imposer par la force (encore l’inégalité existait-elle dans les goulags). La seule égalité pensable est celle de la dignité humaine, des droits individuels fondamentaux. Mais précisément cette dignité est indépendante de la situation de l’être humain, elle est inscrite dans sa nature, non dans sa position : elle n’a rien à voir avec la richesse, sinon la richesse du cœur et de l’esprit.

 

Le philosophe John Rawls, référence incontournable en matière de justice « sociale » a proposé une solution qui semble pertinente : une société a atteint un niveau juste de distribution des revenus à partir du moment où on a donné le maximum possible à ceux qui ont le minimum. Le « maximin » tient compte d’une réalité : si la société se donne un objectif de redistribution des revenus, on peut donner davantage à ceux qui ont moins jusqu’au point où la redistribution a un effet contre-productif, parce qu’elle sépare le niveau de vie et l’effort.

 

Le problème, c’est que personne n’a jamais su calculer ce fameux point de retournement : à quel moment fait-il cesser d’appauvrir les riches pour enrichir les pauvres ?

 

Position sociale ou promotion sociale ?

 

Allons plus loin dans l’étude des inégalités. Ordinairement on les mesure en instantané, quitte à prendre des photos à plusieurs moments successifs : points de vue statiques ou métastatiques.

 

C’est doublement critiquable.

 

D’une part, ces mesures ne tiennent aucun compte de la composition des « cohortes » : les gens dont on mesure l’écart par rapport à d’autres ne sont pas les mêmes, en vingt ans l’employé a pu devenir cadre. Aux Etats-Unis, pays qui passe pour le champion de l’inégalité, on a pu mesurer qu’en l’espace de deux générations 95 % des individus les plus bas dans l’échelle sociale (désignés par exemple par le niveau 1) n’y sont plus et ont monté les échelles de la société américaine, un quart d’entre eux ayant même atteint le niveau 5, le plus élevé. On est toujours le pauvre ou le riche de quelqu’un, l’important pour le pauvre est de savoir s’il pourra un jour devenir riche. 

 

D’autre part, les mesures des inégalités sont en général globales ou catégorielles : c’est la méthode des sociologues qui prévaut. Or la réalité humaine est faite d’individus, non de groupes ; la question importante est de savoir ce qu’il advient de la richesse ou de la pauvreté d’une personne tout au long de sa vie. La promotion, c’est aussi affaire d’histoire personnelle, et de responsabilité personnelle.

 

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