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Gilets jaunes et modèle social : la France peut-elle se payer le luxe d’être écolo ?

En même temps, des baisses d’impôts et une hausse des revenus : l’impossible équation des revendications des Gilets jaunes ne facilite pas la transition écologique que voudrait mener le gouvernement.

 

Preuve d’une hausse d’impôt de trop, preuve d’un ras le bol fiscal et social,  preuve d’une classe populaire faite de 15 millions de personnes pour lesquelles les fins de mois se jouent à 50 ou à 150 euros près.

Les quelques 300 000 Gilets jaunes mobilisés depuis le 17 novembre sont des citoyens en colère. Les Gilets jaunes sont toujours dans la rue, le mouvement se structure à peine et les premières demandes commencent à voir le jour. Parmi elles, la hausse du SMIC et des pensions minimum de vieillesse, qui devraient s’articuler en même temps que des baisses de prélèvements obligatoires. Aucune demande ne relève clairement de la transition écologique.

Sur le fond, les revendications ne remettent pas en cause le modèle social dans lequel nous évoluons depuis 30 ans. Elles consistent en des augmentations d’aides publiques – sur l’embauche, le logement, les retraites. Avec la hausse du SMIC, la revalorisation de la pension minimum de retraite à plus de 80%,  les Gilets jaunes indiquent qu’ils veulent conserver une intervention de l’Etat et des aides publiques. Des prestations qui ont évidemment un coût.

Mais en réclamant en même temps des baisses de taxes ou de cotisations sociales, elles ne paraissent pas rationnelles et posent plusieurs questions.

 

Premier point, les baisses de taxes voulues par les Gilets jaunes nous montrent que la colère et la frustration de certains citoyens sont telles que les taxes ne sont plus perçues comme ayant une utilité sociale, celle du financement de notre modèle social censés couvrir les risques encourus par les citoyens. Ce qui amène les mouvements contestataires et mêmes des initiatives de boycott d’impôts, comme l’idée de ce mouvement de Gilets Jaunes bretons, d’un « mois de décembre sans TVA », et qui appelle les commerçants à ne plus collecter la TVA afin de plus avoir à la reverser à l’Etat.

En demandant dans leurs revendications une baisse des cotisations patronales, les Gilets jaunes oublient aussi qu’une bonne partie de notre système de santé, retraite ou chômage fonctionne grâce à ses prélèvements. Que les dépenses publiques dépendent des entrées d’argent, et donc des recettes publiques.

 

Deuxième point, et si le financement des risques les plus élémentaires n’est plus compris, comment mettre en place une fiscalité supplémentaire, la fiscalité écologique, qui serait acceptée ?

C’était tout l’objectif de l’augmentation de la taxe sur les carburants – la TICPE – et de sa composante carbone, à la genèse de la mobilisation des Gilets jaunes.  Faire peser le poids de la transition écologique sur les carburants, comme on fait peser les allocations chômages sur les actifs. Une augmentation des prix, c’est en règle générale l’un des éléments de politique économique les plus efficaces pour changer les habitudes des consommateurs, rappelle le prix Nobel Jean Tirole. Mais c’est aussi un moyen de rendre la politique associée, en l’occurrence ici celle de la lutte contre le réchauffement climatique, impopulaire et donc inefficace.

 

Soutien public et baisse d’impôt. C’est toute l’incompréhension qui réside entre les Français qui descendent dans la rue, dont les craintes légitimes se retrouvent dans la peur du déclassement ou celle de devoir renoncer à des acquis sociaux – et les réalités budgétaires, qui requièrent qu’un Etat ne vive pas au dessus de ses moyens et que les dépenses publiques ne soient, non pas assumées par une dette, mais par des recettes.

 

Les politiques ont longtemps décalé et minimisé l’ambition des réformes budgétaires et se retrouvent aujourd’hui face à un mur impossible à franchir où une remise à plat paraît pourtant inéluctable. En attendant, il est difficile de penser que la transition écologique puisse être financée par les contribuables dans la situation actuelle. D’autres moyens d’y parvenir paraissent plus adaptées, et parmi elles, la promotion d’une filière industrielle écologique. Reposer en partie sur des acteurs privés.

Karine Auvignac

Comments

  • Anonyme
    décembre 2, 2018

    5

  • Anonyme
    décembre 2, 2018

    4.5

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