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La « France qui se lève tôt » est aussi une France d’immigrés

Ils se lèvent avant l’aurore, ne comptent pas leurs heures et tirent de modestes bénéfices de leur travail selon l’Insee. Les artisans, commerçants, transporteurs, métiers de la Santé… iront-ils voter à l’élection présidentielle 2022 ? Suivent-ils la campagne ? Qu’attendent-ils du futur président de la République ?Les « Gilets jaunes » puis la crise du Covid-19 ont mis en évidence l’importance cruciale de ces métiers « essentiels », nécessaires à la prise en charge des malades mais aussi à la continuité de la vie économique et sociale, dont l’activité s’est poursuivie même pendant les périodes de confinement : ce sont « les Français qui se lèvent tôt ». 

L’expression apparaît dans le discours de Nicolas Sarkozy début mars 2005 au Conseil national de l’UMP. Elle va devenir pour lui une expression clé, qui sera martelée tout au long de la campagne. Elle se durcit au fil des mois, entrant progressivement dans la rhétorique de la droite qui consiste à opposer des classes de Français entre eux. Il y aurait donc « ceux qui se lèvent tôt » et les autres, qui peuvent regrouper des catégories assez différentes dans un positionnement intermédiaire entre la bourgeoisie et le prolétariat.

L’évolution de l’expression au fil des discours constitue pratiquement un cas d’école, qui illustre la mise en place du discours d’inspiration sarkoziste . Mais l’expression change progressivement de signification, partant du presque consensuel (le travail doit rapporter plus que les aides publiques) jusqu’à un discours qui rejoint celui de l’extrême-droite.

En effet Marine Le Pen et le Rassemblement national, ne cessent de se présenter comme les défenseurs du « peuple », des « exclus », des « petites gens ». Les électeurs déjà exclus ou précarisés au plan socio-économique constituent l’un des rouages essentiel du vote RN parce qu’ils se sentent pris en étau entre d’un côté l’élite, le système, au-dessus d’eux, et en dessous les immigrés et les assistés qui vivraient exclusivement des aides sociales auxquelles ils n’ont pas droit pour leur part. S’ils ne sont pas contre une solidarité en cas de coup dur, certains dénoncent l’assistanat alors que les gouvernements n’ont cessé de multiplier les aides, allocations et compensations en tout genre au cours des dix dernières années, appliquant la boutade d’Alphonse Allais selon laquelle «l’argent aide à supporter la pauvreté», quand « les indemnités chômage sont presque aussi élevées que nos revenus, lâchent-ils comment voulez-vous mettre les gens au travail quand ils gagnent, en restant chez eux, presque autant que nous qui trimons toute la semaine ? »  Mais la réalité est à nuancer :de façon générale ils préfèrent souvent s’en sortir par leurs propres moyens plutôt que de recourir aux aides auxquelles elles ont droit. Un grand nombre sont prêts à occuper un emploi, même sans gain financier immédiat.

Le malaise de cette « France qui se lève tôt » vient en fait d’une atteinte au métier dans ce qui touche à la valorisation des métiers, ce que l’on en obtient indépendamment de sa rétribution, la reconnaissance des compétences, la fierté d’appartenance à un corps de métiers, le sentiment de son utilité sociale, la valorisation publique des biens accomplis, la qualité des liens unissant un corps social donné, les conditions d’exercice de son métier, l’autonomie dont on dispose…

« Cette France qui se lève tôt », ce sont des Français roulant au diesel, habitant à 40-50 km des centres-villes. C’est le cœur du monde du travail, des hommes et des femmes qui se sont battus toute leur vie sur un modèle bâti sur l’effort, le travail, l’accès à la propriété, l’éducation des enfants.  
Ne s’agit-il pas tout simplement, par delà toute récupération politique, de remettre l’homme dans une position reconnue de sujet capable par son professionnalisme d’apporter une juste contribution au collectif de travail au sein duquel il gagne ses lettres de noblesse, de respectabilité, et par conséquent sa dignité ?

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