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Le libéral est-il une espèce en voie de disparition ?

Alors que les sociétés occidentales traversent pour beaucoup une période de fortes turbulences politiques, économiques et sociales, la voie du libéralisme politique et économique pourrait constituer une bouée de sauvetage bienvenue pour ces sociétés.

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C’est l’impression qui ressort de la consultation quotidienne de la plupart des médias français. Cela dit, les subventions dont les groupes de presse bénéficient ne favorisent ni leur émancipation, ni leur lucidité. Aucun d’entre eux ne croyait au Brexit, pas plus qu’à l’élection de Donald Trump. Pourtant, les Britanniques ont clairement manifesté leur envie de reboucher le tunnel sous la Manche, et les Américains d’ériger un mur les coupant de leurs voisins du sud. Deux pays à l’économie solide et proche du plein emploi tremblent devant le péril de l’étranger. Les Italiens nous ont joué la commedia dell’arte en votant CONTRE la réduction du nombre de leurs élus – incroyable – et la suppression du pouvoir de nuisance du Sénat. Ils voulaient juste faire tomber leur Président du conseil. Mission réussie.

La vague ne s’arrête pas là. Les mouvements eurosceptiques et anti-immigration AFD en Allemagne et Parti pour la Liberté – qui n’a de liberté que le nom – aux Pays-Bas ne cessent de progresser dans l’opinion de leur pays. En France, le Front National a longtemps caracolé en tête des sondages. Cette culture des murailles est-elle une fatalité ? Cette montée des populismes ne traduit-elle pas au contraire une soif irrationnelle – et paradoxale – d’oxygène, même si ces partis ont tout sauf notre liberté en tête ? Après tout, les populistes ne sont pas les premiers coupables. Les prédécesseurs de Donald Trump ont mené plusieurs guerres dans des régions où ils n’avaient rien à faire, engendrant une haine de l’Occident, et laissant s’opérer – certes malgré eux – des massacres de civils voire des génocides, ils ont construit Guantanamo, soutenu l’Arabie saoudite, instauré le Patriot Act et violé les droits de leurs propres citoyens ainsi que ceux des Européens (qui n’ont hélas pas réagi).

Les gouvernements français successifs n’ont pas été les derniers à s’attaquer à nos libertés. Tous, de droite comme de gauche, violent depuis longtemps et sans scrupule les droits des Français qu’ils sont censés protéger. Nos comptes bancaires ont été placés sous étroite surveillance tandis que nous avons subi, dorénavant pieds et poings liés, une hausse massive et ininterrompue de la pression fiscale pour financer l’incurie budgétaire des administrations publiques. Un empilement de lois et règlementations astucieusement promues comme outils de lutte anti-terroriste permet à des administrations – dont certains anciens patrons actuellement poursuivis semblent loin d’avoir consacré leur vie à l’intérêt général – de lire nos mails, d’écouter nos conversations téléphoniques, de placer des caméras à notre domicile et de nous pister sans cadre judiciaire particulier. Vous êtes militant politique ou syndicaliste ? Tremblez, vous êtes sans doute fiché S. Avocat ou journaliste ? Le secret professionnel de votre profession est de plus en plus chimérique. Mais combien de voix se sont élevées pour s’en plaindre à l’Assemblée nationale ?

Les périls existent, comme nous le rappelle tristement l’attentat à Berlin. Les réponses du gouvernement sont loin d’être à la hauteur des enjeux, en particulier en masquant le chaos entre les services de lutte contre le terrorisme par des effets d’annonce et le prolongement de l’état d’urgence. Gardons à l’esprit que les jeunes délinquants qui s’engagent dans le terrorisme islamiste – souvent sans n’avoir jamais ouvert un Coran – ont grandi dans nos banlieues dépotoirs, fruits de la planification urbaine par l’Etat, d’une bureaucratie scolaire en déclin et d’une économie socialiste produisant depuis des décennies un chômage de masse. Nous sommes d’ailleurs nombreux à penser que les concepteurs de ces enfers péri-urbains encore en vie devraient être condamnés à – quitter leur appartement de fonction dans le 7ème arrondissement et à – y vivre le restant de leurs jours. A cause de ces générations successives de politiques et de bureaucrates au service de l’Etat, notre pays vit le même effondrement que l’Union soviétique, mais au ralenti.

Le taux de suicide élevé, la consommation record de drogues diverses, de médicaments et d’anxiolytiques complètent le portrait d’une France déprimée, voire dépressive. Ce n’est pas étonnant quand nous observons à quel point nous sommes entourés, voire encadrés dans nos choix quotidiens. Des publicités de divers ministères et collectivités territoriales nous rappellent constamment qu’il y a de bons citoyens, ceux qui se déplacent en mode de transport « doux » (vélo ou transport en commun), qui se nourrissent de façon équilibrée, qui ne donnent même pas une tape à leurs enfants qu’ils laissent dans l’école publique pour la mixité sociale, qui suivent les médias d’Etat, aiment les syndicats, dénoncent leurs voisins… Et  ceux qui pourraient être fichés dans une liste « anti-France » si elle existait : le public de droite – « obsédé par l’argent », c’est bien connu -, les individualistes qui croient en la société civile plus qu’en l’Etat, ceux qui critiquent les impôts, qui ont la foi, qui aiment l’entreprise, prennent des risques et vivent l’aventure.

L’honnête citoyen – au sens où l’entend l’Etat nounou – est un grand enfant calme et soumis. Le libéral est indépendant et tumultueux. Il s’indigne des dérives d’un Etat devenu le dieu d’une nouvelle religion dont nombre de fonctionnaires et leurs syndicats sont les pasteurs autoritaires. Les premiers révolutionnaires de 1789 étaient des libéraux, à l’instar de ceux des prochaines révolutions. Ils sont les acteurs des mutations technologiques qui changeront le monde de demain : production d’énergies renouvelables et propres, nouvelles formes d’enseignement et d’apprentissage grâce aux nouvelles technologies, substitution de nouveaux outils performants aux Etats régaliens inefficaces ou abusifs pour assurer la protection de nos droits, de nos richesses et de notre vie privée, nouvelles formes de solidarité, modification et décentralisation des pratiques démocratiques, évolution du travail et des modalités d’échange, transhumanisme…

Les libéraux ne voient pas le monde comme une source de déclin et de menaces, contrairement aux réactionnaires – essentiellement situés aujourd’hui à gauche de la gauche -, même s’ils ne nient pas les dangers qui nous menacent. Ils cherchent constamment à découvrir de nouveaux territoires, à innover. Ils défendent le renforcement spontané des liens qui assurent la cohésion d’une société ouverte, par les citoyens qui la composent d’en bas plutôt que par l’arbitraire de ses dirigeants. Ils ne cherchent pas à protéger les gens contre eux-mêmes en les déresponsabilisant mais au contraire à permettre à chacun de chercher son propre bonheur, fût-ce au prix de quelques vices et travers. L’humanité verra toujours s’opposer ceux qui pensent pouvoir calibrer un bonheur collectif – menu unique pour tous – à ceux qui protègent la liberté de chacun – menu à la carte – de construire son propre destin.
De même que nos bien-pensants anti-libéraux ont été surpris par les derniers scrutins italien, américain et britannique, ils semblent tout autant désarçonnés par l’émergence de « grands candidats » qui acceptent l’étiquette libérale en France, Emmanuel Macron à gauche, François Fillon à droite. A croire que les Français ont gardé une petite lueur libérale au fond d’eux-mêmes malgré l’effort constant de rééducation par les grands médias, l’Education nationale, les dirigeants politiques issus du même sérail, les corporatismes et toutes nos institutions toutes plus anti-libérales les unes que les autres. La liberté a connu l’hiver rigoureux de la pensée officielle en France, elle devrait bientôt éclore et retrouver sa vivacité au cours du printemps qui s’annonce. Les libéraux sont plus vivants que jamais.

Par Aurélien Véron, article paru dans atlantico le 22 décembre 2016

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