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Le Monde : un journal « indépendant des partis politiques, des puissances financières et des Eglises ».


Patrick Eveno dans son « Histoire du journal Le Monde 1944-2004 » explique la place à part qu’occupe le journal dans le système médiatique français. Dès sa fondation, Hubert Beuve-Méry, directeur du quotidien pendant un quart de siècle, proclamait sa volonté de faire un journal « indépendant des partis politiques, des puissances financières et des Eglises ». Très vite considéré comme le « quotidien de référence », Le Monde a su rester indépendant, même si, au cours de ses soixante années d’existence, il a connu des évolutions majeures. Alternant les périodes fastes et les périodes de crises internes, le journal et l’entreprise de presse Le Monde ont connu une histoire heurtée.
Tout commence en ce jour de septembre 1944 quand le général de Gaulle lance à son ministre de l’information, Pierre-Henri Teitgen : « Refaites-moi Le Temps ! Choisissez un directeur dont le passé de résistant et la compétence de journaliste ne peuvent pas être mis en cause… » Et c’est ainsi, fort d’un tel parrainage, qu’Hubert Beuve-Méry fonda Le Monde. A la « une » du premier numéro, on peut lire que l’ambition de ce nouveau journal est « d’assurer au lecteur des informations claires, vraies et, dans toute la mesure du possible, rapides, complètes… »
Ce qui était le quotidien de la rue des Italiens est aujourd’hui le journal – papier et site Internet – du boulevard Auguste-Blanqui. D’un immeuble à l’autre, le journal a été au cœur de grandes mutations, et il est toujours au centre d’enjeux forts.

En tout cas il est apparu longtemps comme un journal d’idées et de débat, indépendant, journal de qualité et de référence destiné aux élites. Il incarne de part son histoire, l’esprit de la Résistance, de l’humanisme et des droits de l’Homme. Il a en outre la singularité de paraître dans l’après-midi et non le matin comme ses confrères.

« Le Monde n’a pas, n’a jamais eu de « ligne » imposée, quel que soit le domaine » déclare la médiatrice Véronique Maurus.

Histoire heurtée disions-nous, ponctuées de difficultés tant internes que externes :
Patrick Eveno, spécialiste de la presse, analysait déjà en 2007 les changements à la tête du quotidien français faisant état de dissensions au sein de la rédaction entre journalistes sociaux-libéraux et antilibéraux : « Il est vrai que certains ont une vision plus antilibérale, qui correspond à l’idée que l’indépendance éditoriale dépend de l’indépendance de l’actionnariat. Or, ce qui garantit l’indépendance d’un titre, c’est sa rentabilité. De ce point de vue, la situation du Monde est loin d’être stabilisée. La dette du journal est d’environ 50 millions d’euros, plus 75 millions d’euros d’obligations remboursables en actions. En soi, ça n’est pas énorme, mais le déficit se creuse chaque année Assainir la situation impliquera de faire des compressions budgétaires, avec à la clé un plan social plus ou moins lourd. »

Le 19 décembre 2007, à la suite de désaccords en matière financière entre la direction et la Société des rédacteurs du Monde, le président du directoire Pierre Jeantet, le vice-président Bruno Patino et le directeur du journal Éric Fottorino démissionnent en bloc. Le 4 janvier 2008, alors que Pierre Jeantet et Bruno Patino confirment leur démission, Éric Fottorino décide finalement de ne pas démissionner. Il devient président du directoire le 25 janvier 2008.
En janvier 2008, Jean-Michel Dumay claque la porte de la société des rédacteurs en dénonçant un « marchandage indigne ». Le même mois, le journal est condamné par un tribunal de Barcelone, à 300 000 euros de dommages-intérêts pour avoir publié un article jugé diffamatoire évoquant les pratiques du dopage au FC Barcelone.
Problèmes de trésorerie aussi avec le refus de BNP Paribas, pourtant banque historique du Monde, d’aider le quotidien en grave difficulté. En juin 2010, cinq repreneurs sont présentés : Le Nouvel Observateur, El País, le groupe de presse qui édite L’Espresso (Italie), le groupe de presse Ringier(Suisse) ainsi qu’un trio formé par Pierre Bergé (entrepreneur, propriétaire du magazine Têtu), Matthieu Pigasse (homme d’affaires, propriétaire et président du magazine Les Inrockuptibles) et Xavier Niel (fondateur de Free). Par ailleurs, le président de la République Nicolas Sarkozy rencontre Éric Fottorino le 9 juin 2010, alors que le journal cherche d’urgence un repreneur, pour interdire la reprise du journal par le trio Bergé-Pigasse-Niel et le met en garde en déclarant que si cette option était choisie, l’État renoncerait à verser 20 millions d’euros pour participer au sauvetage de l’imprimerie du journal. Fin juin, l’offre du trio Bergé-Pigasse-Niel est plébiscitée par les salariés actionnaires. Ce choix est validé par le vote du conseil de surveillance. Le 2 novembre, le rachat du journal par le trio est entériné.
Toujours en 2010, décidément l’année de tous les dangers, Éric Fottorino est révoqué de la présidence du directoire du groupe Le Monde et de sa fonction de directeur de la publication, pour divergences de point de vue avec les actionnaires, tout en restant provisoirement le directeur du journal ; Louis Dreyfus est nommé à sa place à la présidence du directoire.
En février 2014, un mouvement de contestation est déclenché dans le journal par l’annonce d’un plan de mobilité prévoyant le passage vers la version numérique d’une cinquantaine de postes et la suppression d’un certain nombre de rubriques (Logement et exclusion, Économie sociale et solidaire, Banlieue…)
Le 6 mai, sept membres de la rédaction en chef démissionnent et dénoncent « des dysfonctionnements majeurs, ainsi qu’une absence de confiance et de communication avec la direction de la rédaction ».
Le 9 mai, Vincent Giret et Michel Guerrin, les deux adjoints de la directrice du Monde, démissionnent à leur tour, mis en cause par une partie de la rédaction qui demandait leur départ.
Enfin, le 14 mai, à la suite d’un bras de fer avec la rédaction et d’une absence de soutien des actionnaires, Natalie Nougayrède jette l’éponge et démissionne de son poste. Dans un texte envoyé à l’AFP, elle explique n’avoir « plus les moyens d’assurer en toute plénitude et sérénité » ses fonctions.
Le 28 mai, un nouvel organigramme est mis en place: Gilles van Kote est promu membre du directoire et directeur du Monde par intérim par le trio Bergé-Niel-Pigasse dans l’attente d’un vote de la Société des rédacteurs du Monde (SRM) tandis que Jérôme Fenoglio devient directeur des rédactions.
Le 6 octobre 2014, Le Monde lance une nouvelle formule voulue « plus claire et plus aérée », selon son directeur général Louis Dreyfus.
Le 30 juin 2015, à la suite de la démission de Gilles van Kote ,Jérôme Fenoglio accède au poste de directeur du quotidien tandis que Luc Bronner le remplace en tant que directeur des rédactions.
Le journal est toujours la propriété du groupe Le Monde, détenu depuis 2010 par les trois hommes d’affaires : Xavier Niel, Pierre Bergé et Matthieu Pigasse. Via leur société « Le Monde Libre » (LML), l’homme d’affaires Pierre Bergé, le banquier Matthieu Pigasse et le fondateur de l’opérateur Free Xavier Niel contrôlent désormais 60% du célèbre quotidien.
Sa diffusion qui atteignait 450 000 exemplaires quotidiens dans les années 1978-1981, tire désormais à 318 236 exemplaires par jour en 2012, en chute de -30% en trente ans. (Il tirait encore à 358 000 en 2007).
Les exemplaires payés sont subventionnés par des organismes publics (l’État et les collectivités locales en achètent des milliers pour l’information de leurs cadres dirigeants) ou privés (hôtels ou compagnies aériennes par exemple pour les distribuer gratuitement à leurs clients).
Ce déclin tendanciel (commun à toute la presse) qui semble irrésistible a conduit le journal du soir à des difficultés financières dont il ne semble pas voir le bout malgré les efforts de diversification et de redressement.
Comme la plupart des titres de presse français, le journal Le Monde touche des subventions de l’État. Ainsi, il a perçu 2,95 millions d’euros d’aide du fonds d’aide à la modernisation de la presse de 2003 à 2010. En 2010, il est le second quotidien français qui reçoit le plus de subventions de l’État avec 17 millions d’euros d’aides directes.
A noter que Le Monde diplomatique fondé en 1954 par Hubert Beuve-Méry, le « Diplo » (comme on l’appelle) autrefois simple supplément du quotidien, a acquis progressivement son autonomie.
Comme la plupart de ses confrères, le quotidien a lancé une version numérique, alternative désormais obligatoire, de la version papier. Le Monde est présent sur Internet avec son propre nom de domaine (lemonde.fr) depuis le 19 décembre 1995. Les visites mensuelles du site se chiffrent à 97 380 024 et représente 35% du lectorat global.
La quasi-totalité du contenu textuel du journal y est accessible gratuitement tous les jours, en début d’après-midi. Les articles de moins de trois jours sont également librement accessibles, mais sans la documentation iconographique et infographique du journal. D’autres sources sont aussi mises à disposition du lecteur, comme des dépêches d’agences de presse ou des billets de blog.
Pour l’accès aux archives, l’abonné au journal a un droit limité ( 25 articles d’archive par mois) et gratuit de consultation, sinon la lecture des archives est payante. On peut, depuis avril 2002, s’abonner à la partie payante du site et bénéficier des dépêches d’agence (AFP, AP, Reuters), d’une base de données de résultats électoraux mise à jour depuis 1969, accéder à des contenus multimédia (près d’un million d’articles du Monde en ligne, soit l’intégralité du quotidien depuis 1987).

Comments

  • Virgile Dobrowolsk
    août 15, 2017

    Indépendant? Ils osent se prétendre indépendants tout en roulant pour la gauche? Rappelons que ce journal a défendu Castro, Allende, a présenté la prise de Saïgon et Phnom Penh comme la libération de Paris en 1944. Bref a été complice avec la tyrannie et les criminels communistes!

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