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L’étiquetage nutritionnel : nouvelle arme de la santé publique

 

Woman choosing cheese in grocery store.

 

En tant que consommateur, vous êtes avide d’informations précises et intelligibles sur les produits nutritionnels. Qu’à cela ne tienne, vous allez être servi. Encouragé par le Haut Conseil de la santé publique, le Ministère de la Santé vous prépare, depuis quelques années déjà, une nouvelle codification pour vous aider à choisir parmi les aliments de l’industrie agroalimentaire : un étiquetage compréhensible sur la valeur nutritionnelle des produits alimentaires dont tout un chacun remplit ses placards et son estomac.

Après la demande d’information de traçabilité et d’origine géographique, après la composition détaillée des produits dont la liste s’allonge au dos des emballages, voici venus les codes couleur qui classeront vos achats selon leur qualité nutritionnelle.

Vous êtes conscient que l’équilibre nutritionnel de votre alimentation conditionne votre état de santé, du moins je l’espère. L’obésité, le diabète, les maladies cardio-vasculaires, et la plupart des cancers sont attribuables, en partie, à des facteurs alimentaires. La qualité de vos repas est donc un enjeu majeur de santé publique. Le Programme national nutrition santé (PNNS) oeuvre à cet enjeu depuis 2001. Eh oui, ça ne date pas d’hier sauf que, depuis 2013, notre ministre de la Santé, Marisol Touraine, demande que des initiatives concrètes soient proposées afin de donner un nouvel élan au PNNS.

Puce Les initiatives ne manquent pas
Le Nutri-Score (ou 5C)
, proposé par Serge Hercberg, président du PNNS, s’inspire des critères en vigueur au Royaume-Uni (apposition sur la face avant de chaque produit alimentaire d’une pastille de couleur reflétant sa qualité nutritionnelle : vert, jaune, orange, et rouge et d’une lettre). Le système prend en compte la valeur calorique, la teneur en acides gras saturés, en sucres simples, en sel pour 100g (les teneurs en protéines, fibres, légumes et fruits ne sont pas systématiquement pris en compte). Les vitamines et les minéraux ne sont directement pas pris en compte pour éviter les enrichissements artificiels chers aux industriels. Ce projet a tout de suite obtenu le soutien (dès 2014) de la Société française de pédiatrie, de l’Association française des diététiciens nutritionnistes, d’associations de malades (diabétiques)…

A l’inverse, l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) n’a pas caché son hostilité. Cette dernière s’oppose à « tout dispositif simpliste et partiel visant à discriminer les produits par une couleur ou une note ». La pastille rouge fortement connotée, voici ce que les industriels ont du mal à digérer ! Ils souhaitent cependant informer le consommateur que vous êtes — mais sans jamais vous dire que certains produits sont à consommer de façon occasionnelle : on marche sur la tête !

En octobre 2014, Carrefour propose alors son étiquetage maison : un logo distingue quatre classes de produits accompagnées d’indications sur la fréquence de consommation recommandée (deux, trois, quatre fois par jour ou « de temps en temps »). Le logo Repère-Alimentaires SENS, inventé par le leader de la distribution, a été repris depuis lors par toutes les enseignes de la Fédération du commerce et de la distribution (Auchan, Casino, Monoprix, Lidl…) : désignant la fréquence de consommation souhaitable à l’aide des triangles de couleur, allant du vert au violet (et surtout pas de rouge), il n’est basé sur aucune étude scientifique. Les industriels avancent qu’il n’est pas stigmatisant et qu’il n’y a, de toute façon, pas de bons et de mauvais produits. Je vous laisse réfléchir à ce dernier argument…Le fait qu’il n’y ait pas de « mauvais produit » est discutable. L’information n’a jamais entravé le libre choix de chacun. Cette initiative recopie la première en l’édulcorant : une information partielle et partisane ne peut pas vous aider à faire le bon choix.

Une autre initiative, soutenue par l’ANIA, Nutri-Repère, consiste à se baser sur les repères nutritionnels journaliers. Je m’explique : le « GDAs » (Guideline Daily Amounts), le RNJ en français, permettait de visualiser la constitution en pourcentage et en valeur absolue d’une portion d’aliments par rapport au besoin journalier, 2000 kcal, soit celui d’une femme. Ce système a été complété par une mise en forme graphique des pourcentages afin d’être testé chez les consommateurs sous le nom de Nutri-Repère. Quid des enfants, des hommes, des sportifs, des personnes âgées? La portion de base prise comme étalon est inférieure à ce que vous mangez réellement, sans compter que la « valeur indicative » est fixée de façon arbitraire par la Confédération des industries alimentaires de l’UE. Il y a matière à s’interroger sur la fiabilité de ce système.

2000€ à gagner en donnant votre avis !

La dernière initiative à noter est la Nutricouleur (ou feux tricolores). Elle reprend un système de couleur auquel s’ajoute moult détails (en valeur absolue et en pourcentage): pour chaque portion de 100g ou 100ml, des seuils sont définis pour quatre nutriments (sucres ajoutés, matières grasses, acides gras saturés et sel) afin de les classer en trois couleurs (rouge, orange, vert). Elle s’inspire du modèle anglo-saxon des « Traffic Lights ». Vous pouvez vous retrouver à lire jusqu’à 15 chiffres ! Pour peu que vous vous y colliez, prévoyez quelques heures pour remplir votre panier à provision…

Après cet aperçu, vous me direz que chacun peut se constituer l’équilibre nutritionnel adapté à ses besoins selon des informations minimales, celles dont vous disposez déjà au dos des emballages : glucides, lipides, protéines, sel, sucre, graisse. Vous n’aurez pas tort : il n’y a pas de régime standard et, j’ai beau savoir que le chocolat est calorique, j’en consomme tous les jours.

A vouloir tout classer, n’est-on pas justement en train de nous inventer un régime standard ? C’est très louable de vouloir nous aider à choisir nos aliments… est-ce que la pastille rouge va me faire prendre conscience que je dois diminuer ma consommation de chocolat? Je n’en suis pas si sûre. Et vous? Vais-je culpabiliser lorsque que j’achèterai des produits qui n’auront pas obtenu un score nutritionnel optimum?

« Il n’est pas question de dire qu’un aliment est bon ou mauvais, mais de donner un outil pour se repérer », affirme le professeur D. Jourdan. Le système qui est en cours d’expérimentation n’est pas parfait mais il a le mérite d’avoir des bases scientifiques puisqu’il s’inspire du modèle anglo-saxon qui semble avoir fait ses preuves.

On ne peut pas se nourrir exclusivement de brocolis parce que le brocoli a la pastille verte.

Tout excès, et même celui de l’eau, est de toute façon néfaste à la santé. N’y a-t-il pas une confusion entre noter les aliments (vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas que c’était mauvais) et éduquer dès le plus jeune âge à ce qu’est une alimentation équilibrée.

Lorsque j’entends mes enfants me réciter par coeur la leçon sur la classification des aliments avec la pyramide que j’ai connue petite, je me dis que rien ne bouge sauf la composition des produits qu’on nous propose… précuits, transformés, « enrichis » d’additifs, sans compter qu’il y a de moins en moins de cacao dans ma tablette de chocolat ! Et quand je vois les menus de la cantine, je bondis !

Vous n’êtes pas naïf, vous n’ignorez pas que le choix vous incombe, d’autant que les couleurs à l’instar des feux de signalisation n’apprennent pas à bien agir…

Avez-vous vraiment le temps de lire toutes ces informations ? Êtes-vous sûr de réussir à les interpréter correctement ? Vos emplois du temps ne sont-ils pas assez pleins sans en plus y ajouter ce qui devient une activité chronophage, déchiffrer les étiquettes!

Pour en avoir le coeur net, pourquoi ne pas faire vos courses dans l’une des enseignes participant à l’expérimentation depuis fin septembre dont vous trouverez la liste ici. Avant de vous lancer, allez faire un tour sur le site du Ministère des Affaires sociales et de la Santé pour avoir un aperçu de tous les logos que vous pourrez croiser.

L’objectif sera de déterminer quel système est le plus efficace sur les comportements d’achat, sur la base d’un protocole établi par « un comité scientifique indépendant ». Les résultats de cette expérimentation sont attendus pour décembre 2016 avec une mise en oeuvre sur les emballages alimentaires par les industriels au cours du premier semestre 2017.

Déjà des voix s’élèvent contre l’expérimentation : elle est pilotée par le Fonds français pour l’alimentation et la santé. Or le FFAS représente les intérêts de l’industrie agroalimentaire. Je vous rappelle que c’est cette même industrie qui s’oppose à tout système d’étiquetage qu’elle n’aurait pas elle-même conçu. Comment croire dès lors à l’impartialité du FFAS ?

Parmi les étiquetages testés, deux ont été élaborés par les distributeurs et industriels et ne reposent pas sur des fondements scientifiques suffisamment solides. C’est ce qu’estiment les professionnels de santé de la Société Française de Pédiatrie (SFP), la Société Française de Santé Publique (SFSP) ou encore la Société Française de Nutrition (SFN).

Inquiets face au risque de conflits d’intérêts, six experts renommés ainsi que le directeur de l’Inserm lui-même ont claqué la porte du Comité scientifique de l’expérimentation.

A vous de juger sur le terrain, à vos paniers !

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Meriem Saïdi

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