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L’externalisation réduit-elle le coût des services publics ? Par François Ecalle

Le rapport d’une commission d’enquête du Sénat sur « l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques » a lancé un débat public sur l’externalisation de certaines fonctions stratégiques de l’Etat et, de manière plus générale, sur l’ampleur et l’utilité de l’externalisation des services publics qui fait l’objet de cette note.

L’externalisation consiste, pour une administration comme pour une entreprise, à transférer une fonction à un organisme tiers. Entre l’achat de services de gardiennage et la concession d’une autoroute, elle peut prendre des formes très diverses.

Le recensement des marchés publics en France reste fragile et ne permet pas de faire des comparaisons internationales fiables. Les achats de biens et services des administrations publiques en comptabilité nationale (220 Md€ soit 8,3 % du PIB en 2022 en France) peuvent en revanche être comparés, de même que le taux d’externalisation qui rapporte leur montant à celui des dépenses de fonctionnement et d’investissement. En 2022, la France faisait partie des trois pays de l’Union européenne où ce taux d’externalisation (39 %) était le plus faible. Il est beaucoup plus élevé dans les administrations publiques locales que dans les administrations centrales.

L’externalisation est plus coûteuse que la production en interne de services dans la mesure où le coût du capital des entreprises privées est plus élevé que celui des administrations. Les entreprises privées peuvent toutefois être plus flexibles, plus innovantes, plus spécialisées et, au total, moins coûteuses et plus efficaces si elles sont soumises à une concurrence suffisamment forte.

Comme le souligne Jean Tirole, « l’objectif de la commande publique, quel qu’en soit le montant, est avant tout de satisfaire un besoin identifié en parvenant à la meilleure performance en termes de coût et de services ou fonctionnalités attendus. Charger la commande publique d’atteindre des objectifs sociaux, environnementaux ou d’innovation est inefficace ». Or, d’une part, l’administration est trop souvent incapable d’identifier ses besoins lorsqu’elle passe un marché et, d’autre part, de multiples critères de choix autres que le prix ont été introduits dans le code de la commande publique. L’efficacité des achats publics reste donc trop souvent insuffisante.

L’externalisation ne doit pas être recommandée ou proscrite par principe mais doit faire l’objet d’analyses au cas par cas de ses avantages et inconvénients en tenant compte du processus de mise en concurrence. Cette conclusion vaut pour les marchés de conseil en stratégie comme pour les autres.

L’ampleur de l’externalisation

L’externalisation, ou la sous-traitance, consiste, pour une administration comme pour une entreprise, à transférer une fonction à un organisme tiers.

Elle peut se limiter à des fonctions particulières (du gardiennage à l’élaboration de la stratégie) exercées par l’administration dans le cadre de missions de service public qu’elle continue à assurer elle-même. Elle peut avoir un champ beaucoup plus large et, par exemple, concerner à la fois la construction et l’exploitation d’infrastructures publiques telles que des autoroutes, dans le cadre de « contrats de partenariat public privé » ou de « délégations de services publics ».

Entre l’achat de services de gardiennage et la concession d’une autoroute, les exemples d’externalisation de services publics, ou de composantes de services publics, sont très divers, mais ils ont le plus souvent pour caractéristique commune de donner lieu à des marchés publics ou à des contrats de nature voisine comme les contrats de concession (leurs principales caractéristiques sont précisées dans la fiche sur les achats publics).

Il existe certes d’autres formes de financement de services publics externalisés, comme les subventions accordées à des associations qui prennent en charge l’insertion des personnes en difficulté, la préservation de l’environnement etc. Le présent billet se limite cependant à l’externalisation sous forme de commandes publiques.

Les marchés publics sont des contrats à titre onéreux passés entre des « pouvoirs adjudicateurs » (L’Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial) et des agents économiques, publics ou privés, pour répondre aux besoins des premiers en matière de travaux, de fournitures ou de services.

L’observatoire économique de la commande publique recense les marchés dont le montant est supérieur à 90 000 €. Il en a compté 186 000 en 2021 pour un montant total de 152 Md€ (128 Md€ hors marchés exceptionnels liés à la crise) partagé à peu près également en trois parts : l’Etat et les hôpitaux ; les collectivités territoriales ; les autres pouvoirs adjudicateurs (entreprises publiques…). Il s’agit de marchés de fournitures de biens (ordinateurs, médicaments pour les hôpitaux…) pour 39 % (en montant), de marchés de prestation de services (restauration, études…) pour 37 % et de marchés de travaux publics (construction de routes, de bâtiments…) pour 24 %.

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