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Libye : l’après Kadhafi

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Quatre ans après la chute du régime de Kadhafi, la Libye ne connait toujours pas l’unité nationale. Entre les violences et les luttes de pouvoir, voici un état des lieux de la situation du pays après la mort du dictateur.

Le régime Kadhafi

Mouammar Kadhafi est arrivé au pouvoir en 1969 lors d’un coup d’Etat, renversant la monarchie alors en place. Dès le début, il impose la politique du panarabisme, cherchant l’unification des peuples arabes. En 1977, il transforme le pays en une Jamahiriya (« Etat des masses ») en principe gérée par le peuple suivant un système de démocratie directe. Deux ans plus tard, il abandonne le poste de chef de l’Etat mais conserve le titre de « guide de la Révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste ». Son pouvoir est absolu, s’appuyant sur la terreur et une surveillance constante des populations. Aucune place n’est laissée à la liberté politique. Pour financer son régime, il utilise les ressources de la Libye : l’argent du pays mais aussi les richesses naturelles. Ainsi, il orchestre un véritable marché du pétrole qui servira à financer des organisations terroristes et autres mouvements à travers le monde. Mis à l’écart de la scène internationale, il change son fusil d’épaule dès le début des années 2000, adoptant une nouvelle attitude diplomatique et affirmant être un allié des occidentaux dans la lutte contre le terrorisme. Après plus de 41 ans au pouvoir, en février 2011, le colonel Kadhafi doit subir une contestation populaire qui conduira à une guerre civile. En août de la même année, les rebelles s’emparent de Tripoli, d’où l’ex chef d’Etat s’enfuit. Il sera capturé, lynché et tué le 20 octobre 2011 non loin de Syrte.

Un pays divisé et fragile

La fin du régime de Kadhafi a divisé le pays, le plongeant dans le chaos. La transition politique s’annonce difficile. Le 3 août 2011, une déclaration constitutionnelle provisoire définit la Libye comme « un Etat démocratique indépendant où tous les pouvoirs dépendent du peuple » et indique garantir un pluralisme politique et religieux, tout en basant la législation sur la loi islamique : la charia. Le Conseil National de Transition (CNT) annonce rester au pouvoir jusqu’à la réunion d’une assemblée constituante à l’issu de laquelle un nouveau gouvernement sera constitué. Une constitution devra également être rédigée puis soumis à un référendum. Il faudra attendre le 7 juillet 2012 pour qu’une assemblée soit élue par le peuple via un suffrage universel. Il s’agira du Congrès Général National (CGN). Le 8 août suivant, Moustapha Abdel Jalil, président du CNT, remet le pouvoir au CGN qui doit former un nouveau gouvernement de transition, en attendant la mise en place des institutions définitives. Mais les milices armées qui se sont formées lors de la guerre civile menacent de diviser le pays. Le nouveau régime a beaucoup de mal à constituer une autorité centrale solide. La Libye est très vite caractérisée d’Etat en déliquescence : elle ne parvient plus à assurer ses missions principales et notamment le respect de l’état de droit. En août 2014, une nouvelle assemblée est élue et se substitue au CGN : c’est la Chambre des représentants. Le pays n’a alors toujours aucune constitution.

L’affrontement entre deux camps

Suite aux élections législatives, une minorité de membres non réélus du Congrès Général National soutenue par des milices islamistes et anti-kadhafistes décide le 25 août de rétablir l’ancienne législature à Tripoli, s’opposant de ce fait à la Chambre des représentants rassemblant les anciens de Kadhafi, les nationalistes et les libéraux, et dont le siège est situé à Tobrouk, dans l’est du pays. Depuis, le pouvoir est disputé par ces deux camps. Toutefois, seule la Chambre des représentants est reconnue par la communauté internationale. La Libye vit donc depuis plus d’un an avec deux gouvernements et deux Parlements. Les affrontements sont continus un peu partout dans le pays comme à Ajdabiya dans l’est de la Libye où une vingtaine de combattants ont trouvé la mort depuis mercredi.

Un récent accord de paix

Le 17 décembre dernier, à Skhirat, une plage marocaine située près de Rabat, un accord de paix a été signé. Les députés des deux Parlements opposés, fortement poussés par les Nations Unies, les Etats-Unis et l’Europe, se sont mis d’accord pour mettre en place un Conseil présidentiel de 9 membres autour de Fayez al-Saraj, Conseil dont l’objectif est de constituer un gouvernement d’union nationale qui organiserait des élections. Cet accord intervient dans un contexte particulier. Les occidentaux ont en effet aujourd’hui très peur des effets qu’aurait une implantation de l’Etat islamique dans un pays aussi fragile et divisé que la Libye. Il faut dire que les frontières libyennes sont très proches de l’Europe et que les bombardements des occidentaux en Syrie et en Irak poussent les djihadistes à fuir vers la Libye. Rappelons qu’en juillet, l’ONU était déjà intervenue pour faire signer aux deux camps un « accord de paix et de réconciliation » mais les représentants du Parlement de Tripoli ne s’étaient pas rendus à la réunion au Maroc.

Des chances de succès faibles

Cet accord de paix n’est en réalité pas une si bonne nouvelle car les députés des deux camps, qui ont cette fois accepté de discuter, ne détiennent aucun mandat des présidents des Parlements ou des exécutifs de Tripoli et Tobrouk. Ces derniers ont d’ailleurs rejeté l’accord de paix. A noter que la réunion ne s’est pas aussi bien déroulée que cela puisqu’il a fallu reporter de plusieurs heures la signature de l’accord, les deux camps en venant aux mains… Il faut également tenir compte de la situation à Tripoli, lieu théorique d’installation du Conseil présidentiel, qui est aujourd’hui sous contrôle des milices. Rien n’est toutefois perdu car les présidents des deux camps ont organisé plusieurs rencontres (le 6 décembre à Tunis et le 15 à Malte) afin de parvenir à une réconciliation, sans intervention étrangère (et en particulier de l’ONU et des occidentaux qui, en forçant les Parlements à faire la paix sans discuter, dégagent maintenant aux yeux des libyens une image négative). Ces réunions présentent un avantage par rapport à celle qui s’est tenue au Maroc : les présidents des deux camps ont cette fois les milices de leur côté. Il parait relativement logique de penser qu’une paix ne peux avoir des chances de s’établir que si les groupes armés et les différentes parties sont consultés.

Impossible à l’heure actuelle de savoir si la Libye se dirige vers la paix. En revanche, les enjeux sont cruciaux pour les occidentaux qui craignent un rapprochement d’Aqmi et de Boko Haram au Sahel.

G.A

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