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Mgr Luc Ravel : «Ne nous endormons pas en attendant le prochain attentat»

Mgr Luc Ravel, ancien élève de Polytechnique, est évêque aux armées. Il organise en cette fête de l’Ascension et jusqu’à dimanche, à Lourdes, la 57e édition du pèlerinage militaire international.

LE FIGARO. – Comment caractérisez-vous le contexte de ce pèlerinage militaire international 2015, qui apparaît très complexe sur le plan géopolitique?

Mgr Luc RAVEL. – Nous commençons à voir apparaître les sinistres dividendes de ce qui éclata symboliquement le 11 septembre 2001. Les conflits qui ont suivi ont fini par créer un contexte de guerre qui apparaît désormais plus nettement cette année. La désintégration d’un ordre politique international est le premier de ces dividendes. Elle fut d’abord localisée, la voilà maintenant globalisée, et nous sommes directement atteints sur nos terres mais aussi dans nos mentalités. Car nous affrontons une guerre idéologique qui n’a pas vaincu tant qu’elle n’a pas touché les mentalités. Elle déstabilise de deux manières: la peur ou la séduction. En France, des gens ont effectivement peur mais d’autres sont séduits par cette guerre jusqu’à y prendre part ou la soutenir implicitement.

Qui est l’agresseur ?

C’est l’islamisme, qu’il faut aussitôt distinguer de l’islam en tant que religion pratiquée pour se relier à Dieu. Mais aujourd’hui des personnes islamistes se réfèrent explicitement à une religion pour nous déclarer explicitement la guerre. Nous luttons contre ce premier adversaire de façon militaire mais aussi dans les consciences avec des contre-mesures médiatiques. Mais il s’est vraiment installé, non plus sous la forme d’une organisation mais d’un réseau qui pratique une nouvelle forme de guerre. Ainsi Daech utilise par exemple l’immigration comme l’une de ses armes pour se glisser dans nos fissures et nous fragiliser, puisqu’il nous menace de l’arrivée de 500 000 réfugiés en Europe partis depuis les côtes libyennes. Au moment où nos grands États nations cherchent des alliances plus larges sur le plan économique et politique, ils sont aux prises – à l’intérieur – avec des formes de désagrégation qui n’utilisent pas le jeu politique normal mais celui du terrorisme.

Serait-ce la « guerre par morceaux » dont parle le pape François ?

Son expression désigne effectivement la diversité et la complexité de la situation. Je ne citerai que deux aspects. La question du financement de cette guerre par morceaux – car une guerre coûte toujours – et les gigantesques réseaux de trafics de drogue. Il serait naïf de les sous-estimer car leurs chiffres s’établissent en milliards, dépassant le PIB de certains États. Autre aspect, la guerre contre Daech n’est pas une simple question de « traitement » ou de « réduction » de dizaines de terroristes mais elle pose aussi la question de l’immigration sous un angle nouveau : celui du « pourquoi » de la fuite de tous ces immigrés africains. Ils veulent échapper à des conflits locaux dont on parle peu.

Ce pèlerinage 2015 est donc marqué par un nouveau contexte de « guerre » en Occident…

Tout à fait. Les militaires le savent depuis longtemps et nous allons insister sur ce point à Lourdes : ne laissons pas des questions de politique intérieure étouffer nos consciences. La paix que nous connaissons depuis soixante-dix ans sur notre sol ne doit pas être un anesthésiant. Sans l’attentat déjoué de Villejuif, la conscience de la présence de cette guerre aurait très vite diminué, car ce n’est pas un vent de panique qui nous guette mais son contraire. Il ne faudrait pas que nous nous endormions en attendant le prochain attentat… Les forces armées que nous côtoyons chaque jour nous en parlent sans cesse. Sans l’immense travail du renseignement pour prévenir et déjouer, nous aurions des dégâts plus considérables.

Retrouvez la suite de l’interview

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