Pourquoi le FN risque de tout perdre?
Si le Front National a affiché des scores phénoménaux dans plusieurs régions de France, le deuxième tour des élections ne semble toutefois pas gagné.
Avantage à Xavier Bertrand
Les différents problèmes que connait la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie ont nourri considérablement les discours tenus par l’Extrême Droite. Chômage, problèmes de Calais, immigration sont autant de points sensibles que les habitants cherchent désespérément à résoudre. Problème : savoir quel candidat apportera vraiment une répondre concrète à ces difficultés. Dans un premier temps, Marine Le Pen connait un succès évident, de par ses propos et sa présence soutenue dans les zones difficiles. Cela suffira-t-il à évincer du tableau son concurrent ? Pas si sûr car le dernier sondage tend à montrer que Xavier Bertrand gagnerait le second tour avec 53% des voix, contre 47% pour Marine Le Pen. Comment expliquer ce changement brutal alors que, rappelons-le, le Front National menait largement le premier tour avec 40,64% des suffrages, contre 24,96% pour son concurrent ?
La colère a été exprimée
Calais est l’exemple type à prendre en considération. Le problème des bidonvilles et en particulier de la jungle calaisienne a pris tellement d’ampleur que les habitants ont ressenti un besoin extrême et inévitable de montrer leur colère, leur désaccord face à la politique de gestion menée. Quel geste aurait été plus parlant que de voter FN au premier tour des régionales ? Le sentiment d’insécurité a grandi. Dans le reste de la région, le chômage aussi a pris de l’ampleur. Il fallait nécessairement réagir, donner le signal d’alerte. Les choses ont plutôt bien fonctionné puisqu’aujourd’hui, de réelles questions se posent pour tenter de comprendre ces électeurs qui ont fait le choix d’un parti extrême. Il ne faut pas y voir un goût particulier pour la politique menée par ce parti mais plutôt comme une preuve flagrante d’un ras-le-bol généralisé et d’un geste désespéré pour faire bouger les choses. Notons qu’un niveau très élevé de participation a pu être relevé dans les villes particulièrement touchées par les problèmes de la région.
Le taux d’absentéisme, un élément déterminant
On ne lui accorde pas toujours le crédit qui lui revient, le taux d’absentéisme est un paramètre très important. Considérons que l’ensemble des électeurs voulant voter FN pour qu’on les prenne au sérieux aient déjà voté au premier tour. Soit ils seront autant à voter au second tour, soit ils seront moins, certains pouvant très bien avoir voté FN pour créer une réaction du monde politique, sans vouloir vraiment que l’Extrême Droite prenne le contrôle de la région. Il est peu probable que le FN rassemble beaucoup plus d’électeurs. En revanche, dans la partie non exprimée (les électeurs qui se sont abstenus), un certain nombre se dit choqué par l’avancée spectaculaire du Front National, tout en ne cachant pas leur peur de voir un tel parti prendre la tête de la région. En ce sens, on pourrait s’attendre à un second tour marqué par un taux d’absentéisme plus faible pour faire barrage au FN. C’est la raison pour laquelle la tendance observée au premier tour a des chances de se voir bouleversée au second tour. Notons aussi que les commerçants cherchent à motiver les citoyens à voter. A Marly par exemple, près de Valenciennes, la friterie O Délice a décidé d’offrir un sandwich à tous ceux qui voteront dimanche, une belle initiative pour inciter les jeunes qui ne portent que peu d’intérêt à la politique à faire leur devoir. L’action n’est pas la seule à être menée actuellement. Le 20 Minutes en cite quelques autres. L’esprit reste toutefois le même : pousser les gens à voter, quitte à leur promettre une récompense en contrepartie.
Le FN, une grande victoire ou une grande perte ?
Telle est la question. Les démonstrations de joie ont peut-être été trop rapides car n’oublions pas qu’il s’agit d’un parti extrême. Le FN a surfé plus que jamais sur l’abondance des problèmes survenus ces derniers temps et notamment sur Calais et les divers attentats de Paris. Cela explique partiellement les résultats obtenus. En revanche, il convient de prendre ces scores avec des pincettes car ils s’inscrivent dans un contexte particulier où les esprits se sont échauffés sur des sujets dramatiques. Mais qui aurait vraiment pu les éviter ? Peut-on profondément croire qu’un parti politique ou un autre aurait pu empêcher des attentats ou l’accueil massif de migrants ? Chacun aura sa propre opinion mais soyons réaliste. Quoi qu’il en soit, le FN a misé beaucoup sur sa politique actuelle qui consiste à se positionner là où les tensions sont palpables pour soutenir et convertir les électeurs à l’Extrême Droite. L’année 2015 a été riche en émotions : riche en peur, en colère et en peine. Si le FN, qui grandit lors de ces épisodes, ne gagne pas ces régionales, il est très peu probable qu’une année aussi propice à une percée d’Extrême Droite se représente prochainement. Il pourrait donc briller en étant vainqueur de plusieurs régions ou repartir grand perdant des élections.
