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Présidentielle 2022 : Macron, pourquoi tant de haine ?

Nous empruntons le titre à l’ouvrage de Nicolas Domenach et Maurice Szafran  publié le 12 janvier :« Macron, pourquoi tant de haine ? ». 

La cause est entendue : Emmanuel Macron serait le candidat des banques et des patrons, le fourrier du néolibéralisme, avec l’effet cumulatif des « petites »phrases à l’emporte-pièce : de« pognon de dingue » à «  Je traverse la rue et je vous trouve un travail », en passant par les« Gaulois réfractaires »…

De même la multiplication de décisions politiques aussi symboliques que la suppression de l’ISF ou la baisse de 5 euros des APL …

Pour autant, s’agit-il vraiment de haine ? Il faudrait plutôt parler de ressentiment ( le fait de se souvenir avec aigreur et humiliation d’une injustice) que de haine ( le sentiment violent qui pousse à vouloir du mal à quelqu’un et à se réjouir du mal qui lui arrive).

Le rapport à la personne d’Emmanuel Macron est d’ordre passionnel : on aime ou on déteste ! Ni plus ni moins que d’autres personnalités clivantes comme Jean-Luc Melenchon, Christiane Taubira ou Eric Zemmour.

On peut évidemment critiquer sa politique ou son style personnel, pointer ses maladresses ou ses provocations, mais n’est-ce pas le cas de tous ceux qui sont dans l’action ?

 Le ressentiment qui s’attache aujourd’hui à la personne du président de la République n’est pourtant pas inédite. A l’égard de leurs gouvernants, les Français ont manifesté au cours de l’histoire des sentiments divers et extrêmes, de l’admiration à l’attachement jusqu’à la détestation. On fait volontiers l’hypothèse que la mort de Louis XVI reste dans l’ inconscient collectif . Le peuple français est à la fois monarchiste et régicide, c’est le paradoxe du « en même temps » ! il est profondément attaché à la personnalisation du pouvoir mais est dans la tentation de lui couper la tête.

Il est vrai que la concentration du pouvoir a pour effet de concentrer aussi les critiques et les indignations. On le sait, la Ve République confie l’essentiel du pouvoir à un monarque républicain élu par le peuple. Les révisions constitutionnelles n’ont cessé de renforcer le pouvoir du président, de l’élection au suffrage universel direct en 1962 à l’introduction du quinquennat et des élections législatives dans la foulée en 2000, sans oublier les effets de la pratique gouvernementale. Les corps intermédiaires s’affaiblissant, le chef de l’État prend les critiques de plein fouet.

Le peuple français est fortement attaché à la devise républicaine de l’égalité : le président actuel n’est plus seulement celui qui concentre le pouvoir, et, à ce titre, concentre les critiques, comme les précédents présidents de la République. Il est celui qui tranche radicalement avec la passion égalitaire. Il est scandaleux qu’il soit aussi jeune et talentueux. De plus, il semble n’avoir connu ni les épreuves ni les échecs. Mitterrand n’a été élu qu’après une longue vie publique et deux échecs à l’élection présidentielle, Chirac n’est devenu président de la République qu’après de longues traversées du désert et deux échecs .

 En outre, Emmanuel Macron est victime de la « déception démocratique ». La société démocratique, où toutes les fonctions sont formellement ouvertes à tous, suscite les espoirs et les ambitions. Elle multiplie en conséquence, à tous les niveaux, le nombre des déçus et des humiliés. En proclamant l’égalité des chances et la méritocratie, elle déçoit inévitablement ceux qui ne réussissent pas, en nourrissant leur sentiment de l’injustice sociale et leurs ressentiments. La démocratie est un régime qui promet tout, il est normal que son représentant déçoive…

La navrante conclusion à tirer est que ce ressentiment laissera des traces, au-delà de l’élection présidentielle, en fracturant durablement le pays. Elle est de même nature que le racisme véhiculé par l’extrême-droite et aura à terme les mêmes conséquences. Mais lors de l’élection elle-même, on en verra les conséquences, interdisant tout report de voix vers le candidat Macron, ce qui laisse augurer une perte de légitimité, même en cas de victoire.

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