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Quand la cour des comptes se met au vert Par Jean de Kervasdoué

La logique bureaucratico-écologique l’emporte sur la raison

La Cour des comptes vient de publier un rapport sur la politique de l’élevage bovin en France.
Il a fait grand bruit car il propose un « pilotage par l’Etat » de la baisse du cheptel français. Il succède à un rapport plus ancien2 (2021) sur la transition agroécologique qui lui-même se plaçait dans la ligne du rapport spécial de la Cour des comptes, européenne cette fois, sur le
« verdissement » (c’est le terme) de politique agricole commune (PAC).

Pour ceux qui s’intéressent à l’économie de l’élevage bovin en France, le rapport de la Cour est de qualité. Il analyse en détail le revenu des différentes filières selon qu’elles produisent
prioritairement de la viande ou de lait. Il décrit la nécessaire reconversion de certains
producteurs qui s’épuisent au travail en dégageant à peine de quoi vivre.

Il montre aussi, de façon moins caricaturale que le rapport précédent, le rôle agroécologique de l’élevage. Oui, les herbivores se nourrissent d’herbe et ce faisant valorisent les prairies sur lesquelles, le plus souvent, il ne serait pas possible de récolter des grains qu’ils fussent de blé, de tournesol ou de maïs.

« Les activités des éleveurs rendent d’autres services sociétaux et environnementaux de
première importance : valorisation de terres non arables, guère utilisables à d’autres fins que le pâturage, maintien des paysages ruraux qui contribuent à l’attractivité de notre territoire,
maintien d’une activité économique dans la France rurale et contribution à une agriculture
durable au travers des cycles des matières. »

Toutefois, tout est bon dans ce rapport, sauf l’essentiel : pourquoi propose-t-il en effet une
politique qui baisserait de manière contrainte la production de viande bovine en France ? Certes, depuis dix ans la consommation y diminue, mais ce n’est pas le cas dans le monde, c’est même le premier poste en croissance quand un être humain sort de la grande pauvreté. Pourquoi ne pas laisser au marché le soin de s’ajuster ? Une telle politique réduirait-elle, comme le prétend la Cour, le rejet de gaz à effet de serre ? « L’élevage bovin est ainsi responsable en France de 11,8 % des émissions d’équivalents CO2, comparables à celles des bâtiments résidentiels du pays.

Le respect des engagements de la France en matière de réduction des émissions de méthane (souscrits dans l’accord international Global Methane Pledge) appelle nécessairement une réduction importante du cheptel. » Pourtant, qu’elle soit en France, en Nouvelle-Zélande ou en Argentine une vache excrète la même quantité de méthane et de fèces. Oui, elles pètent (un peu) et rotent (beaucoup) de méthane sous tous les cieux, or l’effet de serre est planétaire.

Donc que la vache soit élevée en Limousin ou en Patagonie ne change rien. Limiter en France
la production de viande bovine ne réduit en rien les rejets de gaz à effet de serre si la
consommation mondiale de viande bovine ne baisse pas Vient ensuite, toujours dans ce rapport récent, un argument sanitaire. « Cette réduction peut être aisément conciliée avec les besoins en nutrition des Français, un tiers d’entre eux consommant davantage que le plafond de 500 g par semaine de viande rouge préconisé par le plan national nutrition santé. » La Cour suggère-telle de contraindre ces carnivores qui, pour les magistrats de la rue Cambon,
à l’évidence, devraient être honteux ? Se rendent-ils comptent de l’énormité de leur proposition ? Une baisse de l’offre sans baisse de la demande se traduit soit par une augmentation des prix, soit par une croissance des importations, à moins que l’on instaure des cartes de rationnement pour les hamburgers, les côtes de veau et les filets de bœuf. Faut-il rappeler que la viande bovine n’est pas un poison, même quand l’on dépasse 500 grammes de consommation par semaine ?

Que la viande rouge limite les carences en fer ? Que tous les fromages viennent de la fermentation du lait produit par des vaches et que leur apport en calcium contribue à l’ossification ? Que les animaux d’élevage sont en France
particulièrement bien traités ?

Quant aux rapports plus anciens, qu’ils viennent de Cour de Paris ou de celle de Bruxelles, s’ils démontrent à juste titre le peu d’impact environnemental des réformes de la PAC, leur parti-pris écologique est affirmé, il ne s’en suit pas que leurs arguments soient empiriquement fondés. On y retrouve tous les poncifs à commencer par le fait que le « bio » est bon pour la nature, ce qui est discutable, comme pour la santé des consommateurs, ce qui n’a jamais été démontré.

 La seule certitude c’est qu’il est plus cher ! En outre, contrairement à ce que la Cour prétendait en 2021, ce mode de production n’est pas la voie qui va permettre d’accroître le revenu des agriculteurs. En effet, depuis, il y a eu la guerre en Ukraine et la forte inflation du coût des fruits et légumes. Le comportement des consommateurs a évolué, le prix du « bio » a baissé et certains producteurs sont en faillite. Pourtant, il y a deux ans le rapport affirmait sans nuance que « Le développement de l’agroécologie suppose des évolutions profondes des pratiques et systèmes agricoles conventionnels, dans un contexte.

Sans trop nous attarder sur les assertions encore plus discutables du rapport de 2021, notons
toutefois qu’il parle d’économie d’énergie sans suggérer l’usage du glyphosate qui permet
pourtant de limiter les labours et d’économiser ainsi environ 80 litres de gasoil par hectare. Il
reprend à son compte la croyance selon laquelle les nitrates seraient dangereux pour la santé,
ce qui n’est pas le cas. Ne savent-ils pas qu’il y a plus de nitrates dans 50 grammes de salade
verte que dans un litre d’eau dans laquelle on trouverait deux fois les normes autorisées par
l’Union européenne ?

A cette dose le nitrate n’est en rien dangereux pour le consommateur, pas plus que ne le sont des traces infinitésimales de produits phytosanitaires. Il n’y a pas non plus de rappel des évidents bienfaits des techniques de génie génétique qui permettent, notamment, de sélectionner des plantes résistantes au stress hydrique. En revanche, ils donnent du crédit à
une étude CNRS/CIRED5 qui suggère d’acheter des bouteilles d’eau dans toutes les villes où il y a une trace de nitrates et arrive à cette déclaration aussi scandaleuse qu’infondée. Je cite.
« Malgré certaines incertitudes associées à la complexité de l’évaluation monétaire des atteintes à l’environnement, cette synthèse permet de conclure sur le fait que les coûts de pollution engendrés par l’agriculture intensive ne sont pas négligeables.

Pour donner un ordre de grandeur, ils représenteraient entre 21 et 80% de la valeur de la production agricole en France (68,4 milliards d’€ en 2010 (AGRESTE, 2014)), et en tout état de cause plus que les 11 milliards d’euros de subventions à l’agriculture et aux produits agricoles (AGRESTE, 2014) » Les agriculteurs ne seraient donc que des pollueurs !

Alors que perdure ce délire qui touche aux instances les plus prestigieuses de l’Etat, terminons par une bonne nouvelle. Mardi 23 mai 2023, la commission de l’agriculture du Parlement européen a donné un avis négatif à la proposition de loi de la Commission qui imposait des « objectifs de réparation des dommages infligés à la nature », texte-clé du Pacte vert. Les députés européens commencent à comprendre que l’écologie idéologico-décroissante a depuis longtemps pénétré les services de la Commission. Quand les parlementaires français feront-ils le même chemin et comprendront à leur tour que les services de l’Etat comme certaines institutions de recherche ont perdu en la matière toute objectivité et nous conduisent à la ruine ?

 

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