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Sécurité : Vers une culture du renseignement en France

Emmanuel Tonnelier
Président du Cluster Data Intelligence au GICAT
Directeur des solutions pour le renseignement chez SYSTRAN

« OSS 117, L’Opération Corned-Beef… versus James Bond 007 ». Cette opposition pourrait résumer à elle seule le fossé culturel qui existe entre notre vision du renseignement à celle du monde anglosaxon. Parodies de film d’espionnage en France, versus noblesse de l’espion outre-Manche. Au Royaume-Uni, en l’occurrence, les espions sont des princes célébrés au cinéma et à la télévision. Le renseignement y est une profession reconnue, qui a toujours été attractive. Pour autant, les lignes semblent bouger dans l’hexagone, et peut-être pas uniquement grâce au récent succès de la série « Le bureau des légendes » …

Mais revenons un instant sur la définition du mot renseignement dans la langue française qui est : Indication fournissant à quelqu’un les éléments de connaissance qu’il désire posséder sur une personne ou sur une chose. Dans le registre des synonymes, voici une liste non exhaustive : avis, donnée, éclaircissement, indication, indice, information, note, précision, mais également fiche, espionnageNe serait-ce pas là l’origine sémantique du fantasme collectif de la surveillance malsaine et liberticide chez une partie de nos compatriotes ? Il est donc à mon sens important de revenir aux fondamentaux.

Il est notamment fondamental de rappeler que la communauté du renseignement en France est extrêmement structurée et encadrée, en adéquation avec les valeurs de la République. Pour mémoire, les services du « premier cercle » sont la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), la direction du renseignement militaire (DRM), la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et le service de traitement du renseignement et d’action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN). Ces différents services forment avec le coordonnateur national du renseignement (CNR), l’inspection des services de renseignement et l’académie du renseignement, la communauté française du renseignement. Ils travaillent en étroite collaboration, investis collectivement d’une mission qu’ils partagent : « connaître et anticiper ».

Le renseignement revêt une importance stratégique parce qu’une capacité d’appréciation autonome des situations est la condition de décisions libres et souveraines pour la France. Le renseignement est non seulement une priorité, mais il doit aussi s’adapter à des formes inédites de conflits ou des menaces émergentes, et affronter les nouveaux défis auxquels la France fait face, notamment en tant que cible de prédilection du terrorisme d’une part, et de l’espionnage industriel d’autre part. Dans ce contexte d’insécurité et de menace permanente, le renseignement joue un rôle central dans sa fonction de « connaissance et d’anticipation ».

Dans un registre parallèle, l’académie du renseignement, jeune institution créée en 2010, contribue, par la formation, à resserrer les liens entre les services de renseignement en devenant un lieu privilégié d’échanges et de partage. Cette académie a également pour mission la diffusion de la culture du renseignement qui se concrétise peu à peu par la mise en œuvre de sensibilisations au profit de différents publics et par l’organisation d’événements en lien avec le monde de l’université et de la recherche. Son site web incarne cette volonté pédagogique et démocratique de faire connaître le monde du renseignement français : www.academie-renseignement.gouv.fr

Il est crucial de comprendre que la communauté du renseignement est au service de la Communauté (avec un C majuscule), de sa souveraineté et de sa sécurité. En effet, la France fait face aujourd’hui à une inflation de menaces, notamment terroristes, toujours plus fortes, toujours plus imprévisibles. Le renseignement, et bien entendu la culture du renseignement, est une impérieuse nécessité si nous ne voulons pas dépendre demain d’informations glanées auprès des États-Unis, de la Chine ou de la Russie. Elle est indispensable pour conserver notre autonomie stratégique et notre souveraineté.

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