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Statistiques ethniques: Où en sommes-nous ?


Depuis la Révolution de 1789, la population française est officiellement répartie en deux grands groupes qui n’ont rien à voir avec des ethnies, mais avec des nationalités : les Français et les étrangers, non dotés de la nationalité française. Dans certains tableaux de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la distinction est faite parmi les Français entre les Français de naissance y compris par réintégration, et les Français par acquisition, c’est-à-dire par naturalisation, mariage, déclaration ou à leur majorité. La population étrangère est définie en fonction d’un critère de nationalité : « est étrangère toute personne résidant en France qui n’a pas la nationalité française. Un étranger peut acquérir la nationalité française au cours de sa vie, en fonction des possibilités offertes par la législation. Il devient alors français par acquisition ». Le critère du lieu de naissance permet de définir la population immigrée : « est immigrée toute personne née étrangère, dans un pays étranger, qui vit en France. Cette population se compose pour la plus grande partie d’étrangers mais aussi de personnes qui ont acquis la nationalité française. Tout étranger n’est pas nécessairement un immigré, et tout immigré n’est pas forcément un étranger ».

Selon le dernier recensement de 1999, la France compte donc 52 902 209 millions de Français de naissance et par exemple 725 782 Marocains, 685 558 Algériens, 448 018 originaires de divers pays de l’Afrique noire[réf. nécessaire], etc. Cependant le recensement ne permet pas de comptabiliser :

  • les individus originaires de pays étrangers et réintégrés ;
  • les individus originaires de pays étrangers et naturalisés ;
  • les enfants d’individus originaires de pays étrangers et de nationalité française ;
  • les ultramarins vivant en métropole ;
  • les métropolitains vivant outre-mer.

Au début de la décennie 1990, une polémique se développe sur la prise en compte ou non de « l’ethnicité » dans les enquêtes de l’Institut national d’études démographiques (INED) et de l’INSEE. Le concept même d’ethnie est problématique. Dans le numéro 300 de la revue de l’INED Population et Sociétés (avril 1995), Michèle Tribalat a publié un article intitulé « Appartenance ethnique ». L’auteur tente de segmenter la population française selon l’origine ethnique et utilise pour cela des caractéristiques qu’il définit comme objectives : le lieu de naissance des parents, la langue, etc. Elle peut ainsi catégoriser plusieurs « ethnies » comme « l’ethnie espagnole », « l’ethnie kabyle ». Selon Michèle Tribalat, ces statistiques constituent avant tout un outil de connaissance.

Mais de nombreux détracteurs, en particulier Hervé Le Bras, considèrent sa terminologie aberrante. Ils considèrent que les catégories « ethniques » de Michèle Tribalat sont assez douteuses et peu pertinentes. Ces détracteurs pensent que la classification de Tribalat « [se contente] d’appliquer des instruments mathématiques à des catégories de populations sans se poser de question sur la pertinence scientifique de ces catégories ».

En janvier 2007, le CRAN (Conseil représentatif des associations noires) a publié un sondage effectué par la Sofres sur les populations noires en France7.

Le projet de loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile prévoyait une disposition permettant le dénombrement des groupes ethniques. Cette disposition a suscité une opposition importante. Ainsi, le Conseil constitutionnel a été saisi, les 25 et 26 octobre 2007 respectivement, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs8. Dans sa décision du 15 novembre 2007, il a conclu à la non-conformité de l’article 63 (concernant la réalisation de traitements de données à caractère personnel faisant « apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques ») :

  • cet article a été adopté à l’issue d’une procédure irrégulière, étant issu d’un amendement sans lien avec l’objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie (texte qui portait essentiellement sur le regroupement familial, sur l’asile et sur l’immigration pour motifs professionnels ;
  • sur le fond, le Conseil ajoute que « si les traitements nécessaires à la conduite d’études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l’intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l’article 1er de la Constitution, reposer sur l’origine ethnique ou la race. »

À la suite de cette censure du Conseil constitutionnel, l’INED et l’INSEE ont décidé de retirer leur question sur la couleur de la peau7.

Toutefois, s’il est exact que le recensement de population, tant qu’il est obligatoire, ne permet pas le recueil d’information sur la religion ou l’origine ethnique, toute enquête non obligatoire peut le fair. Ainsi, contrairement à une idée reçue, comme le rappelle François Héran, directeur de l’Ined, il est permis depuis longtemps de poser des questions « sensibles » dans une enquête de la statistique publique, c’est-à-dire une question risquant de faire apparaître directement ou indirectement des appartenances (réelles ou supposées) à un parti politique, un syndicat, une religion, une race, une orientation sexuelle. Poser de telles questions n’est possible qu’à une double condition : « que la question soit pertinente pour le questionnaire (proportionnée aux objectifs poursuivis) et que les répondants donnent leur accord exprès, c’est-à-dire signé (la signature étant apposée non pas sur le questionnaire, qui perdrait ainsi son caractère anonyme, mais sur une feuille à part présentée par l’enquêteur) » .

L’enquête Trajectoires et origines (TeO), par exemple, réalisée conjointement par l’Ined et l’Insee en 2008, pour faire suite à l’enquête Mobilité géographique et insertion sociale (MGIS) de 1992, a permis de récolter non seulement des informations sur les pays d’origine et les langues parlées, mais aussi « sur les appartenances ethniques déclarées ainsi que sur les principales qualités perceptibles qui peuvent servir de support aux discriminations dans notre société : couleur de la peau, coiffure, tenue vestimentaire, accent et autres signes corrélés de façon visible ou hypothétique à une appartenance religieuse ou ethnique (pratiques alimentaires, respect d’un calendrier festif non chrétien, pratiques funéraires, etc.) ». Ainsi, selon cette enquête, 40 % des nouveau-nés entre 2006 et 2008 ont au moins un grand-parent né étranger à l’étranger (dont 11 % au moins un grand-parent né dans l’Union européenne, 16 % au moins un grand-parent né au Maghreb et le reste au moins un grand-parent né dans une autre région du monde). Parmi eux, 15 % ont quatre grands-parents nés étrangers à l’étranger, 3 % en ont trois, 14 % en ont deux et 8 % ont un seul grand-parent né étranger à l’étranger. Une part importante de ces naissances est donc issue d’unions mixtes. Si l’immigration est de l’Union européenne, pour 75 % des naissances d’un parent immigré ou descendant d’immigré, l’autre parent n’est ni immigré, ni descendant d’immigré ; cette part est de 45 % si elle est d’un pays hors Union européenne

Fanny.M

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