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vaccin contre le covid-19 « en Afrique »: Vertu de la science, virus du racisme ?

Stephane Geyres est consultant et auteur d’ Éclairs de Liberté.

Suite à un échange ce jeudi sur LCI entre Jean-Paul Mira, de l’APHP,  et Camille Locht, de l’Inserm, où ils évoquèrent l’idée éventuelle de tester un vaccin contre le coronavirus « en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation », un collectif africain réagit dans Le Monde du 3 avril.
Cette réaction, publiée dans un quotidien vecteur de désinformation de masse, contient un grand nombre de phrases émotives et peu rationnelles de la même veine. L’émotion cacherait-elle autre chose de moins flatteur ? Nous allons le voir, vous en jugerez vous-mêmes.
Précisons tout d’abord qu’il ne s’agit pas ici de donner raison ou tort aux deux personnes citées, l’émotion actuelle autour du virus et son traitement rend l’exercice trop périlleux.
Par contre, il nous a semblé intéressant de décortiquer la teneur de cette tribune choquée en réaction, dont on verra qu’elle ne fait rien pour contribuer à trouver une solution calme, posée et rationnelle à la situation dramatique actuelle, affichant ainsi la maturité sociale et les motivations réelles de ses auteurs.
Décortiquons donc ce texte sans plus attendre.

« Monsieur le Président de la République, » – Texte d’introduction…

Puis le rappel de la fameuse phrase dite par les intervenants sur LCI..

« Rien de choquant à les en croire puisque, déjà, sur les prostituées africaines, « on essaie des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées » !

L’auteur, qui qu’il soit, semble avoir du mal à entrer dans la logique scientifique. Pour un scientifique, il est clair que des populations comme celle-ci ont les qualités statistiques qui simplifient les tests. Il n’est pas sûr qu’il faille être choqué par cette logique en soi. Nous sommes là dans la froideur de la réflexion purement qualitative.
Par contre, on pourrait être choqué que les scientifiques raisonnent comme envers des  cobayes quand ils recherchent des populations témoins, nous en conviendrons aisément.
Mais si on suit cet angle, le désaccord doit alors être sur ce point de principe et ne pas s’arrêter ni se focaliser sur ces femmes en particulier. Le principe est soit scandaleux pour tout le monde, soit il ne l’est pour personne. Ce n’est pourtant pas le propos tenu par l’auteur. Soit on conteste le principe du test, soit on entre dans la pure polémique.
« Nous, citoyennes et citoyens français, élues et élus de la République, responsables associatifs ou membres de la diaspora africaine, réprouvons avec force ces propos manifestement racistes… »
Mais hélas c’est bien la polémique qui est confirmée par cette seconde phrase. Racisme ? Sans connaître ces deux intervenants, on évitera de les juger trop rapidement sur un sujet aussi sensible. Ce qui est sûr par contre, c’est que si dès qu’on parle de population africaines on doit prendre le risque de se faire traiter de raciste, il y a peu de chances que cela contribue à ce que le racisme disparaisse de ce monde. Car il se pourrait tout aussi bien que le pire raciste soit celui qui en parle en premier et qui le voit partout.
« qui abîment et divisent notre pays. »
Notre pays ? De quel pays parle-t-on ici ? L’Afrique n’est pas un pays. La France ? Mais qui peut bien se targuer de parler au nom d’un pays, quel qu’il soit ? Un peu de modestie, s’il vous plaît, vous parlez en mon nom sans m’avoir consulté.
De plus, le racisme ne divise probablement pas autant un pays que les scandales actuels autour des projets de vaccin face à d’autres modes de traitement du Covid-19. Vues les circonstances, l’argument raciste n’est probablement pas le plus adapté ni le plus adroit.
Par exemple, il aurait été probablement plus fin de retourner le propos un peu léger de ces scientifiques en allant sur le terrain de l’ironie. Ainsi, l’Afrique ne serait-elle pas fière de jouer le rôle de population pionnière apportant sa pureté au service de la santé de l’humanité ? Voilà qui aurait plus d’allure et plus de poids. Mais est-ce votre objectif ? Nous le verrons.
« Nous exigeons des excuses de leurs auteurs et de LCI qui ne les a pas interrompus. »
À quel titre ces personnes devraient-elles s’excuser ? On a vu qu’elles n’ont insulté personne. Voilà bien une attitude de notre temps, se vexer pour un rien et espérer se donner ainsi un peu d’importance, sans même avoir la finesse d’esprit d’en faire l’occasion d’une pointe d’humour bien plus efficace et pacifique.
« A titre conservatoire, nous portons plainte devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel et les juridictions compétentes et nous attendons des pouvoirs publics qu’ils réaffirment les valeurs républicaines. »

Ahhh, les valeurs républicaines… Que voilà bien des Arlésiennes qui auront été mises à toutes les sauces et auront servi à justifier la pire des mauvaises foi.
Sachez Monsieur et néanmoins auteur, que lorsqu’on a des arguments à avancer, des vrais, quand on a un grief réel et substantiel à opposer à autrui, il n’y a pas besoin de se cacher derrière les valeurs républicaines. Il suffit d’avancer ses arguments de manière claire et la chose se règle toute seule. C’est quand on n’a rien à opposer qu’il est utile de faire appel à des telles chimères.
« Mesurez, Monsieur le Président, de tels propos qui sont une insulte à l’Afrique et à l’humanité. » 
La première insulte, Monsieur, fut dans vos propres propos. Ces scientifiques ont sans doutes été maladroits, mais ce n’est pas en traitant tout ce qui bouge de raciste que vous contribuerez à apaiser et à faire avancer le Dialogue, pour reprendre un concept cher à feu Félix Houphouët-Boigny.
« Faut-il rappeler que le dénuement africain (« pas de masques, pas de traitement »…) n’est pas un fait de nature, mais résulte notamment d’un pillage continu ? »

Voilà que votre propos prend un autre tour. Nous voilà dans la critique post-coloniale, il semble bien. Pillage ? Peut-être serait-il plus honnête, soixante ans après l’indépendance de la plupart des anciennes AEF et AOF, de porter votre critique sur le pillage systématique organisé par les Etats africains et leurs élus et bureaucrates eux-mêmes ?
« Faut-il décrire les sentiments de familles réduites à la condition de rats de laboratoire ? »
Nous avons déjà abordé cette question de l’éthique en tout début de billet. Là encore, l’irrationnel ne vous réussit pas. Vous auriez pu plutôt interroger froidement ces deux personnes quant aux conditions qu’elles imaginent, le cas échéant, pour assurer l’information et la protection sanitaire de telles populations, comme c’est légitime et d’usage pour toutes populations testées. Mais est-ce votre objectif réel ?
« Imaginez, Monsieur le Président, l’impact de telles paroles sur l’image de la France… »
Il semblerait que ce soit plutôt votre propre image qui soit en jeu dans cette affaire.
« et la montée du sentiment anti-français au sein de la jeunesse africaine dont, déjà, vous vous inquiétiez en décembre 2019, lors de la réunion du G5 Sahel. » 
Vous imaginez donc que les deux intervenants, d’évidence concentrés sur un sujet en lien avec une crise majeure aux répercutions mondiales, avaient à l’esprit et comme seule fin d’aggraver le « sentiment anti-français » ? Il se pourrait bien que votre intervention, elle-même fort peu en harmonie avec la crise ambiante, et peu empathique, se voie in fine contribuer à ce sentiment que vous faites mine de dénoncer.
« Gageons, Monsieur le Président, que vous saurez associer les gouvernements africains à l’élaboration de recherches médicales respectueuses de leur souveraineté. »
Voilà donc le sujet véritable, voilà donc ce qui motive votre propos et ces agitations ? Si on vous comprend bien, le racisme de façade pourrait bien en fin de compte être oublié si par pur hasard quelques milliards pouvaient finir dans les poches des pilleurs que vous oubliez de mentionner ? Belle mentalité que voilà. Imaginez-vous contribuer ainsi à l’éradication du racisme ?
« Gageons que vous saurez solliciter, pour cela, les communautés africaines de France, toujours prêtes à s’impliquer dans le développement des deux rives de la Méditerranée. » 

Ah, et à condition bien sûr que dans la manœuvre, assez de miettes finissent dans votre propre escarcelle. N’est-ce pas précisément cela que vous êtes ici en train de suggérer ?
« Toutefois, cela supposera notamment de sortir d’une logique de stigmatisation, voire d’abandon, des personnes migrantes africaines. Cela supposera un sens de l’Histoire et de ses mouvements. »
L’Histoire a bon dos. La stigmatisation aussi. Une fois encore, la mauvaise foi et l’irrationnel auront servi à entretenir le pillage de l’Afrique.  Mais pas celui dont vous vous faites l’opposant, hélas.

S Geyres

Comments

  • Anonyme
    avril 4, 2020

    5

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