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Vœux à la Place financière François Villeroy de Galhau

Je vous souhaite à toutes et à tous, qui êtes nos partenaires toute l’année – responsables publics, acteurs financiers et économiques, journalistes – la bienvenue dans cette magnifique Galerie dorée, pour cette heureuse tradition des vœux à la Place.
Je veux commencer en vous présentant, au nom de toute la Banque de France et de l’ACPR, nos vœux les plus chaleureux pour l’année 2017, pour vous-mêmes et vos proches, ainsi que pour l’ensemble de vos collaborateurs. A ces vœux personnels, je voudrais ajouter ce soir plusieurs vœux collectifs : d’abord pour l’Europe et son économie, ensuite pour notre pays, et enfin pour le bon financement de notre économie et pour les établissements financiers.
1) Pour l’Europe et son économie
Il y a un an, j’avais constaté avec vous que 2016 s’ouvrait comme l’année de la volatilité, avec les fortes turbulences sur les marchés financiers. En fait, 2016 a plutôt été l’année des incertitudes, avec la victoire du Brexit en juin, l’élection américaine en novembre et le référendum italien en décembre. Pourtant, malgré ces incertitudes, 2016 a été l’année d’une certaine stabilité en Europe : la croissance de la zone euro, d’abord fragile en début d’année, s’est affermie, et les marchés financiers ont résisté aux différents chocs.
Pour 2017, naturellement, aucune de ces incertitudes n’est levée et d’autres vont s’y ajouter : 2017 est une année électorale pour les Pays-Bas, la France, l’Allemagne et peut-être l’Italie. Néanmoins, la zone euro peut compter sur quatre repères :
  • la croissance économique, qui s’annonce solide ; dans l’Eurosystème, nous la prévoyons à 1,7 % comme en 2016.
  • la remontée progressive de l’inflation. Ce ne devrait pas être une surprise, l’Eurosystème annonce avec constance depuis des mois le passage du seuil des 1 % : à fin décembre, l’inflation a progressé de 1,1 % en zone euro. Cela s’explique en partie par le rebond des prix de l’énergie, mais c’est aussi le fruit de notre politique monétaire non conventionnelle ; elle a permis d’écarter le danger mortel de la déflation qui nous guettait. A l’inverse maintenant, certains semblent s’inquiéter d’un « retour de l’inflation » ; c’est très exagéré… et nous ne sommes pas encore à notre cible de 2 %. L’autre interrogation affichée porte sur les différences entre les pays, avec le + 1,7 % allemand. Ces différences devraient s’atténuer progressivement au fil de l’année, et elles sont cohérentes avec les sous-jacents économiques.
  • la politique monétaire de l’Eurosystème. Je ne m’y attarderai pas ce soir car nous sommes en « période de réserve » avant le prochain Conseil des gouverneurs. Mais, dans un monde d’incertitudes, la politique monétaire européenne est un repère de prévisibilité très appréciable : notre décision du 8 décembre dernier a clarifié les perspectives de financement pour les acteurs économiques sur les douze mois qui viennent.
  • l’euro. Notre monnaie commune est solide et reconnue dans le monde entier. Les citoyens de la zone euro y sont très majoritairement attachés, à 70 % selon le dernier Eurobaromètre de la Commission européenne de décembre, chiffre le plus haut atteint depuis 2008.

Ceci m’amène à formuler deux souhaits pour 2017 :

  • D’abord, au risque d’un paradoxe audacieux, que la zone euro dans cette année électorale puisse être une aire de stabilité relative, face aux incertitudes américaines et britanniques. Nous ne savons pas encore comment le Brexit va se dénouer mais j’observe qu’il a eu pour effet de faire passer la croissance prévisionnelle officielle britannique en dessous de celle de la zone euro, à 1,4 % seulement pour 2017. Nous n’avons pas souhaité le Brexit, mais dans les négociations, nous avancerons avec un principe clair – le marché unique ne se divise pas – et avec une carte décisive à jouer pour la zone euro et la Place financière de Paris. Nous devons tous rester pleinement mobilisés pour montrer et renforcer l’attractivité de la Place de Paris ; nous avons des marques d’intérêt très significatives de nombre de maisons internationales, avec qui nous parlons discrètement mais sérieusement.
  • Ensuite, que 2017 ne soit pas une année perdue en Europe pour l’Union économique, qui doit venir compléter et équilibrer le succès de l’Union monétaire. La priorité à court terme est de construire une « Union de financement et d’investissement », pour mieux mobiliser les 350 milliards d’excédent d’épargne européenne. Mais il serait aussi souhaitable de préparer dès cette année les options permettant une meilleure stratégie économique collective ensuite, et qui seront soumises au choix des futurs gouvernements : le livre blanc que la Commission européenne doit publier d’ici le printemps est une belle occasion à saisir.

2) Pour notre pays
2017 est évidemment l’année d’un grand débat démocratique en France. Dans le domaine économique, je forme avec vous le vœu que ce débat permette de clarifier les diagnostics, présenter les solutions possibles, éclairer les choix d’action. La Banque de France est indépendante : cette valeur essentielle vaut pour tous les temps, mais plus encore cette année. Notre rôle n’est donc certainement pas de distribuer les bons et mauvais points politiques et nous aurons, comme toute grande institution publique, un devoir de réserve. En tant qu’institution de confiance, nous pouvons juste contribuer à un débat sérieux, grâce aux données et aux études que nous publions, et en rappelant les faits. Au regard des succès de beaucoup de nos voisins, compatibles avec le respect du modèle social européen, j’ai déjà eu l’occasion de le dire : la crédibilité budgétaire et les réformes économiques sont le meilleur chemin pour que la croissance et l’emploi accélèrent en France, et pour que la France soit écoutée en Europe. La France a fait plus de réformes qu’on ne le dit mais moins que nombre de nos voisins, de tous bords politiques.
La Banque de France sert aussi le pays par les services économiques qu’elle rend. En 2016, nous avons aidé 212 000 familles à sortir du surendettement et, conformément à ce que nous avions proposé, le législateur a simplifié la procédure avec la réforme de la phase amiable1 et la « dé-judiciarisation »2. Ces deux avancées, qui prendront effet au 1er janvier prochain, vont accélérer la mise en œuvre de solutions – avec un gain de 3 mois en moyenne : plus de 130 000 familles en auraient bénéficié en 2016. Nous avons aussi en 2016 nommé, dans chaque département, un correspondant TPE chargé de les conseiller dans leurs demandes de financement ou de diagnostics financiers ; j’invite les banques ici présentes à poursuivre parallèlement leurs efforts envers les TPE. Enfin, en 2016, la Banque de France a été désignée opérateur de la stratégie nationale d’éducation économique et financière des publics. À ce titre, nous serons le chef d’orchestre des actions des services publics, associations et professionnels, pour fournir à nos concitoyens un maximum de ressources pour bien comprendre les questions budgétaires, économiques et financières du quotidien. D’ici fin janvier, nous vous donnons rendez-vous pour une étape très concrète avec l’ouverture du nouveau portail d’information « mes questions d’argent .fr ».
3) Pour le bon financement de notre économie, et pour les établissements financiers
2016 a globalement été une bonne année pour le financement de notre économie, grâce aussi aux professionnels que vous êtes :

  • le dynamisme du crédit à l’économie en France est le plus fort de tous les grands pays de la zone euro. Pour les entreprises, les derniers chiffres à fin novembre sont de + 4,9 %, à comparer aux + 2,2 % en zone euro. Pour les ménages aussi, les crédits ont augmenté en 2016, de + 4,2 %, contre + 1,9 % en zone euro. Et ce dynamisme du crédit a été accompagné par des taux d’intérêt parmi les plus faibles d’Europe.
  • la solidité des banques et des assurances françaises s’est confirmée. Du côté des assurances, la solvabilité du marché français est largement satisfaite, avec une couverture du capital de solvabilité requis (SCR) de 209 % pour les groupes et de 222 % pour les organismes solos au 1er janvier 2016, par rapport au minimum réglementaire de 100 %. Pour ce qui est des banques, les grands groupes affichent des ratios prudentiels bien au-dessus des exigences minimales, avec en particulier un ratio de solvabilité CET1 (« full CRD4 ») moyen de 12,7 % à fin juin 2016, soit plus qu’un doublement par rapport à 2008 (5,8 %). Ailleurs en Europe, en Italie notamment, des difficultés subsistent avec certaines banques : ces problèmes sont gérables mais il y a urgence à agir. Ce sentiment d’urgence semble heureusement enfin s’imposer.

Pour le bon financement de notre économie, 2017 passe par cinq questions prioritaires :

  • Bâle 3. Nous avons, grâce à notre mobilisation sans faille et à celle de nos partenaires européens, déjà évité un mauvais accord tel qu’il se profilait l’été dernier. Pour transformer l’essai, il faudrait maintenant, dans les semaines ou mois qui viennent, pouvoir conclure un bon accord. La coopération internationale en matière de réglementation financière doit rester un actif collectif, des deux côtés de l’Atlantique.
  • Achever l’union bancaire, à partir du paquet de réformes présenté par la Commission européenne en novembre dernier – en particulier sur le volet résolution. Ces propositions nous paraissent globalement les bonnes. L’union bancaire doit maintenant permettre davantage de consolidations transfrontières au sein de la zone euro : des banques plus largement européennes pourront mieux accompagner l’épargne au-delà des frontières nationales vers les besoins d’investissement.
  • Mieux orienter l’épargne en France vers les entreprises et l’innovation. Nous avons réformé depuis un an l’épargne réglementée pour éviter des avantages excessifs et l’adapter aux taux bas : baisse du taux du PEL, fin de la surindexation du Livret A, incitation à modérer les rendements de l’assurance-vie. En complément, il est souhaitable aujourd’hui que les professionnels que vous êtes, avec les pouvoirs publics, imaginent de nouveaux produits de long terme : au prix d’une moindre liquidité, ils concilieraient protection du capital et rendement plus élevé des actions. Leur succès suppose aussi une forme de neutralité fiscale.
  • Réussir la mue digitale. La révolution numérique crée pour les acteurs financiers, comme pour les consommateurs, beaucoup d’opportunités à saisir : services financiers plus nombreux et plus accessibles, satisfaction des clients plus complète. Mais elle nécessite aussi une réflexion d’ensemble pour adapter les business models : diversifier les services et faire évoluer leur tarification, du côté des revenus ; anticiper les mutations de l’emploi et des compétences, dans le dialogue social. La Banque de France et l’ACPR sont mobilisées pour accompagner l’innovation : création du « FinTech Forum » et d’un pôle FinTech dédié avec l’AMF ; nomination interne d’un « Chief Digital Officer ». La Banque de France aussi se transforme.
  • Ne relâcher en rien les efforts en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Il y aura de nouvelles avancées en 2017 avec l’entrée en vigueur complète de la loi Urvoas de juin dernier (dont son volet sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme) et de l’ordonnance de transposition de la 4ème directive européenne. Je vous demande de veiller très attentivement à leur application effective.

Avec toutes ces perspectives, ces défis et ces promesses en tête, je renouvelle à chacune et à chacun d’entre vous mes vœux de réussite pour 2017. Je vous remercie de votre attention.
1. La phase amiable sera réservée aux dossiers où le débiteur est propriétaire d’un bien immobilier.
2. Les commissions de surendettement pourront imposer directement des plans d’effacement de créances sans homologation préalable par le juge d’instance

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