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L’initiative franco-allemande : une avancée significative pour l’Europe, ouverte sur l’innovation budgétaire

 

Valérie Hayer (FR, Renew Europe) Négociatrice pour le budget européen 2021-2027 pour le Parlement européen

Par les limites idéologiques qu’elle repousse, l’initiative d’Emmanuel Macron et Angela Merkel sur le plan de relance post Covid-19 est une véritable révolution. Les propositions avancées, notamment la création d’un fonds de relance de 500 milliards d’euros et le mécanisme d’endettement commun, sont nécessaires et essentielles pour ouvrir la voie à une Europe enfin politique. Pour répondre à la crise et relever les défis du XXIème siècle, l’Union pourra désormais emprunter massivement sur le marché. Après tout, c’est ce que font tous les Etats. Mais cette initiative était impensable il y a encore 3 mois.

 

Le temps de la solidarité est venu. La proposition franco-allemande soutient des investissements directs pour les régions les plus touchées, qui peuvent prendre la forme de subventions mais aussi d’investissement en capital. C’est, là aussi, une avancée majeure : des aides directes, et pas des prêts. En effet, en réponse à la crise, les institutions européennes se sont dans un premier temps accordées sur la création ou la mobilisation de plusieurs instruments financiers. L’instrument SURE, le fonds de garantie de la Banque européenne d’investissement, le Mécanisme européen de stabilité sont autant d’outils nécessaires pour soutenir l’économie. Mais tous s’appuient sur des prêts, qui devront être remboursés par des Etats déjà lourdement endettés. Sachons tirer les enseignements de la crise de la dette de 2012 et passons d’une logique de prêts à une logique d’aides directes. L’Europe résiliente de demain passera par le renforcement de la solidité du tissu économique européen.

L’initiative franco-allemande a aussi le mérite de laisser la porte ouverte quant aux modalités de remboursement de l’emprunt : par les États selon une clé de répartition basée sur la richesse nationale (et non pas selon les fonds reçus !) ou bien par la création de nouvelles recettes dédiées. Les intérêts et le capital de cette levée de fonds pourraient alors être couverts et remboursés par de nouvelles recettes européennes (« ressources propres » dans le jargon communautaire).

Depuis des années, le Parlement européen appelle à la création de nouvelles ressources propres pour alimenter le budget de l’Union européenne. Une contribution basée sur le plastique non-recyclé, les recettes du système d’échange de quotas d’émission de CO2, un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières sont des exemples de ressources « vertes » qui doivent être mises au cœur de ces négociations. Nous proposons aussi l’introduction de nouvelles ressources propres liées au marché intérieur, telles qu’une taxe sur les géants du numérique, une taxe sur les transactions financières, ainsi que les revenus provenant d’une harmonisation fiscale (« assiette commune consolidée de d’impôt sur les sociétés »). L’introduction de ces ressources propres liées au marché intérieur est un moyen puissant pour que l’Europe puisse consolider et rendre plus transparent son marché unique, tout en s’assurant que son système de recettes soit cohérent et renforce les politiques européennes.

Dans le cas où les Etats européens n’arriveraient pas à se mettre d’accord sur les modalités de remboursement proposées par le Parlement européen, nous sommes déterminés à intégrer ces nouvelles ressources propres dans le futur Cadre Financier Pluriannuel 2021-2027. Si nous voulons que le budget des sept prochaines années soit à la hauteur des enjeux environnementaux, numériques, sanitaires et stratégiques, celles-ci s’imposent. Nous avons pu entendre ces derniers jours la position peu encourageante des quatre « frugaux » (Autriche, Danemark, Suède, Pays-Bas). L’introduction de nouvelles ressources propres pourrait permettre à l’Europe d’aller au-delà du principe de ‘juste retour’, posture qui ne sert pas le bien commun européen. Le budget doit être le principal instrument d’harmonisation économique, sociale, environnementale au sein de l’Union européenne, et c’est ce que nous cherchons à porter.

L’accord franco-allemand marque un pas décisif vers un renforcement de l’intégration européenne. Le Parlement européen a joué et jouera son rôle, en complémentarité. Via la résolution portée le 15 mai dernier par cinq groupes politiques– Renew Europe, Parti Populaire européen, Socialistes & démocrates, Verts et Conservateurs – nous avons montré que l’Europe n’est pas dans une impasse. La Commission européenne va publier sa proposition de relance ce mercredi. Espérons désormais que celle-ci soit à la hauteur de nos ambitions.

 

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